vendredi 23 novembre 2007

"Irresponsabilité pénale : le conseil d'état saisi"


(in blog "Majorité présidentielle : Sarkozy président")


Zitate :

"L'instance doit se prononcer sur le texte qui prévoit notamment d'interdire tout non-lieu dans les affaires de crime perpétrés par les malades mentaux.

Le gouvernement a transmis au Conseil d'Etat son avant-projet de loi attendu sur l'irresponsabilité pénales des malades mentaux, un texte qui entend désormais interdire tout non lieu dans les affaires de crimes perpétrés par les malades mentaux, conformément à ce que demandait Nicolas Sarkozy. Selon le Monde daté de Jeudi, le texte prévoit à la place une nouvelle procédure aboutissant à un "arrêt de culpabilité civile."

Sortez le Matachine, sortez les chiens, nul n'est censé ignorer la loi !

Oui, la justice humaine n'a pas de limites, la raison humaine n'a pas de limites, jugez tout, tout le temps, pas de déni ! La toge noire doit ressembler au froc du curé, la justice doit redevenir divine. Tout doit être jugé. - Pauvres fous !

Etatiz :

"Je suis convaincu d'avoir tué et de ne pas avoir tué, je suis coupable et je suis innocent, je suis un monstre et je suis une victime, et je ne trouve, dans ce que j'avance, rien qui ne soit contradictoire, abscons ou fou, rien qui m'empêcherait de vaquer à mes occupations si j'étais innocent ou d'accomplir ma peine en prison si j'étais coupable. Je suis et je ne suis pas, autant dans votre monde que dans le mien, autant prisonnier que libre, comme vous peut-être actuellement, car je ne pense pas être unique. Je crois au contraire que nous sommes nombreux, sans nous connaître, à vivre ainsi, étrangers au monde qui nous entoure et nés deux fois, des plis d'une mère et des plis d'une tombe."

Matachine


En revenir aux ordalies !
Ressortir la nef des fous !


mardi 20 novembre 2007

Belle la femme du passant est belle
- Désirée intouchable
Celle que tu n'as pas -
S'arrête à la terrasse
Un dimanche à midi,
Et le couple abouché accolé empaillé
Portraituré par un artiste louche
Un dimanche :
Deux têtes
Deux corps
Et une jambe qui tombe des nues
Ebauchés pour toi qui aimes les monstres.

mardi 13 novembre 2007

L'homme approximatif (1)


« Vous savez que le désoeuvrement où me laisse ma profession

actuelle et une vieille inclination pour la littérature m’ont permis

de consacrer quelques études aux écrivains les plus curieux de la

poésie et du roman, et qu’il m’arriva d’y glisser deux ou trois

remarques générales touchant le théâtre, qui, de toutes les formes

concevables de la représentation, est à mes yeux la plus fascinante.

Ces essais parurent dans d’honorables revues parisiennes lues par

les spécialistes, cercle étroit hors duquel je ne m’attendais pas à

la moindre notoriété auprès des gens du spectacle. Aussi

fus-je surpris de recevoir par la poste un carton me priant

d’honorer de ma présence une représentation de

La Belle et la Bête… »

Pierre Ménard, Supplément au paradoxe sur le comédien.


L’HOMME APPROXIMATIF


est heureux de vous inviter

à une séance de lecture,


le mercredi 28 novembre à 19 h 00

au 23, rue Proudhon à Dijon,


chez Monsieur Frédéric Lormeau, artiste contemporain.


L’écrivain François Dominique y sera l’homme approximatif de Tzara,

l’artiste contemporain Éric Madeleine y sera l’écrivain Bruno Lemoine.


L’Homme approximatif est une séance de lecture qui vous sera proposée

tous les mois pendant un an.


Entrée : 10 euros.


Photographie : copyright Bernard Plossu et François Dominique.

samedi 27 octobre 2007

L'Anomalie



Culte du retournement des morts à Madagascar


(Texte-chantier et texte libre, sans frein du reste...)

L'Anomalie est la situation d'un individu qui envisage que 2 est avant 1 (et, avec 2, 3, 4, 5, 100, 1000 et plus) et que la vie humaine est protéiforme, changeante et liquide, sans que cette façon, pour le moins inédite, de percevoir son environnement ne l'empêche d'avoir une vie sociale épanouie et responsable. Une telle situation, si aberrante qu'elle nous semble être, a été rendue possible à l'aube de l'humanité avec le passage de l'homme vivant de chasses et de cueillettes à celui récoltant son champ et les fruits d'un savoir acquis par le travail, seuil et traverse de la condition de nomade à celle du sédentaire. Les hommes et légendes illustres qui rendent compte d'un tel passage sont : Tchouang-tseu et Confucius en Chine, Caïn et Abel au Moyen Orient, Héraclite et Parménide en Grèce. L'Anomalie est ici le résidu des premiers temps de l'Histoire, résidu aujourd'hui appelé Nescience, mais que les Anciens en Chine appelèrent le Tao, c'est-à-dire la Voie, ou passage non clivé, seuil sans coupure et sans faille entre le sentiment de béatitude éprouvé par le nourrisson dans les bras de sa mère et l'âge d'homme.

En anthropologie, l'on constate que chaque ethnie possède le mythe d'un Urzeit, un temps d'avant le temps, endroit merveilleux situé après la création du monde, où les hommes communiquaient avec les dieux. L'homme et le sacré de Roger Caillois et sa réécriture ou répétition par Bataille dans Théorie de la religion traitent de ce sujet. En psychologie, cet Urzeit est le temps privilégié reliant le nourrisson à la mère, tel que le psychanalyste Winnicott l'a décrit dans Jeu et réalité :
"
L'image de Tagore ("Sur le rivage de mondes sans fin, les enfants jouent.") m'a toujours intrigué. Adolescent, je n'avais aucune idée de ce qu'elle pouvait bien signifier...
Devenu un bon freudien, je sus ce qu'elle signifiait : la mère et le rivage représentaient un coït sans fin entre l'homme et la femme, et l'enfant émergeait de cette union pour un court moment avant de devenir à son tour adulte ou parent. Puis, m'étant adonné à l'étude du symbolisme inconscient, je sus (on sait toujours) que la mer est la mère et que l'enfant vient de naître sur le rivage. Les bébés sortent de la mer et sont rejetés sur la terre, comme Jonas de la baleine. Ainsi donc, l'enfant étant né, le rivage est le corps de la mère. La mère et le bébé, viable désormais, vont apprendre à se connaître l'un et l'autre."
L'Urzeit, ici, est la période de la vie du nourrisson où lui et sa mère vont vivre l'un pour l'autre, en "symbiose", le nourrisson concevant sa mère comme étant une partie de lui même, partie qu'il lui semble créer en même temps qu'il la vit. Puis, peu à peu, par le jeu, le petit d'homme découvre des différences entre lui et sa mère, différences qui sont essentielles à son développement et à son autonomie. Il passe ainsi du sentiment d'être Dieu à celui d'être un individu. Selon Winnicott, cette différence entre une expérience où l'on se conçoit comme étant tout et le sentiment d'être un homme parmi d'autres, cette frontière tracée peu à peu entre une réalité psychique intérieure et le monde objectal, ne peuvent pas être interprétées correctement si l'on ne postule pas l'existence d'une troisième aire qui est celle du jeu initié à ses débuts entre la mère et l'enfant. Par rapport aux deux premières aires, celles de la réalité psychique individuelle et le monde tel qu'il se présente à nous, l'aire du jeu postulée par Winnicott est relative et variable ; d'elle dépend pourtant le sentiment d'être au monde de l'individu, en même temps que son développement culturel et créatif à venir. Selon Winnicott, telle distinction, ou coupure, ou scission, entre la mère et l'enfant, dans laquelle sont mises en jeu toutes nos perceptions actuelles, n'est donc pas seulement une donnée allant de soi, une donnée pour ainsi dire naturelle, mais environnementale. Telle donnée a donc changé non seulement à travers l'histoire des hommes, mais aussi peut changer à tout moment, à travers l'histoire personnelle des individus.

Il a certes fallu des siècles pour que l'homme prenne conscience d'être un individu à part entière. Il n'est qu'à lire, par exemple, Les Conquérants de Malraux pour constater le renversement métaphysique opéré en Chine par le communisme. Au début du XX° siècle, il n'était pas du tout évident pour un Chinois de concevoir qu'il était un être mortel et, partant de là, d'avoir une vie à gagner et de pouvoir gagner cette vie. En Occident, la prise de conscience de l'individualité a été favorisée par l'avènement du monothéisme. Ce qui nous semble aller de soi aujourd'hui a un passé et, partant de là, peut disparaitre si nous ne le préservons pas."Gagner sa vie." Le parcours de l'homme vers l'individualité est ainsi remis en cause chaque fois qu'une vie nouvelle voit le jour.
En revanche, et c'est là, me semble-t-il, une thèse nouvelle, un individu peut gagner sa vie et vivre, comme je l'ai dit, une vie adulte, épanouie et responsable, et, dans le même temps, éprouver la plénitude d'un nourrisson, celui d'"un plaisir intense et même angoissant associé avec le jeu imaginatif" entretenu avec sa mère. C'est ce que j'appelle l'Anomalie.
L'Anomalie est aujourd'hui une thèse sans nom, irrecevable, car nescientifique. Impossible chez nous d'admettre qu'un individu puisse passer sans frein d'une attitude distanciée à une attitude résolument régressive, impossible de concevoir que ces deux attitudes puissent se trouver dans le même homme. Le bonheur, la béatitude, la jubilation d'être sont considérées en Occident comme étant des sentiments rares ou peu fréquents, habitués que nous sommes à des nourritures matérielles et spirituelles fades et tièdes. Si l'image de Tagore, citée par le psychanalyste Winnicott, est vraie symboliquement, elle n'est plus pour nous qu'une image poétique ; on peut apprécier son authenticité et non pas la revivre. La contemplation demeure une reconnaissance nostalgique d'un passé révolu et le symbolisme n'est rien d'autre que l'activation de cette reconnaissance. Nous ne sommes plus des enfants, parce que la science, le fait de connaître, de savoir et de cultiver savoir et connaissance, nous a scindés.

La science est étymologiquement la coupure entre nous et nos origines (cf. l'Arbre de la Connaissance dans la Genèse). Ainsi, l'élément liquide, mouvant, flottant, l'homme comme vibration de matière, puis animal, animalité, du Matière et mémoire de Bergson, sera généralement considéré comme étant l'image d'un passé à jamais révolu. L'élément primordial, le seuil ou plan de l'immanence, c'est toujours l'eau, la mer de Tagore, part fluctuante, informelle et indéterminée dans laquelle tout répond à tout, d'une vibration liquide à l'autre, flot dans sa perspective dynamique, mais cet informel-ci ne semble plus pouvoir être, après que l'enfant a atteint le rivage. Ainsi, chez Jung, l'homme d'avant la conscience est une accumulation d'unités héréditaires non intégrées :
" L'homme naturel n'est pas un "soi", mais une particule de la masse et une masse lui-même, il est collectif au point de n'être plus bien sûr de son moi." (Psychologie et alchimie).
Dans Théorie de la religion, Bataille définit l'homme de la préhistoire comme étant une conscience qui se cherche en cherchant sa nourriture : "Déjà il n'est plus tout à fait comme l'eau dans l'eau [comme, par exemple, les organismes unicellulaires]. Ou, si l'on veut, il ne l'est qu'à la condition de se nourrir."
La différence entre Jung et Bataille, c'est que, chez l'un, cette animalité, ou paradis perdu, pourra faire l'objet d'une analyse afin de parvenir à percer son énigme, tandis que, chez l'autre, on ne peut retrouver cette part de divinité que poétiquement par un "sacrifice de mots". Nous sommes donc là bien loin de la philosophie indienne et de l'affirmation yogi selon laquelle notre subconscient peut être maîtrisé. A ce sujet, Bataille critiquera très durement, dans L'expérience intérieure, et la philosophie propre à la doctrine du Yoga et la philosophie bergsonienne, pour le rapport évoqué par Bergson de l'animalité en l'homme éprouvé et exprimé à travers le rire blanc, et il faudra attendre Deleuze pour qu'il y ait en France une réhabilitation de la philosophie bergsonienne.

Selon moi, cette scission entre animalité et humanité telle qu'elle apparaît dans la pensée occidentale, correspond à une scission plus profonde entre culture orientale et culture occidentale. Dans L'oubli de l'Inde, une amnésie philosophique paru en 1989, Roger-Pol Droit a tenté de décrire l'histoire philosophique de cette coupure. Selon lui, l'un des responsables les plus éminents de cette amnésie philosophique est Hegel. Dans ses Leçons, consacrées à l'histoire de la philosophie, Hegel décrit le berceau de la philosophie comme étant grec, parle du miracle grec et nie dans le même temps à la culture indienne le fait d'avoir une philosophie propre. Aujourd'hui, ce paradigme philosophique proprement hellénistique demeure, plus vivace encore qu'à l'époque de Hegel. Ayant discuté dernièrement avec une étudiante japonaise qui prépare un mémoire en philosophie sur Bataille, je lui ai demandé la raison pour laquelle elle se consacrait à un auteur français plutôt qu'à un Japonais. Au cours de la conversation, celle-ci m'a affirmé qu'il n'y avait pas de philosophie proprement japonaise et que l'Asie n'était pas un continent où la pensée philosophique avait pu germer. Or, une telle anecdote n'est un cas isolé : nous sommes encore aujourd'hui en plein universalisme ; que l'on appelle cet universalisme mondialisation ou post-colonisation ne change rien à l'affaire.

Dans L'oubli de l'Inde, le philosophe Roger-Pol Droit écrit à propos de Hegel : "Avec ce flair aigu propre aux gardiens de l'essentiel, le dernier métaphysicien a perçu la somme de risques que l'irruption de l'Inde pouvait faire peser sur la pensée occidentale. En déniant à l'Inde toute universalité, en faisant de celle-ci l'apanage de la Grèce seule, il s'emploie à sauver l'intelligibilité de l'Histoire, l'effectivité du réel et l'intériorité de l'esprit, la moralité et la liberté. Tout cela à la fois, et d'un même geste. Si Hegel combat l'Inde, c'est pour sauver la pensée - ce qu'il dénomme ainsi impliquant ce que je viens d'énumérer."
Sauver la pensée signifie ici sauver la coupure entretenue artificiellement jusqu'à aujourd'hui entre le sujet et l'objet, la part d'intentionnalité comme cheminement propre à toute compréhension juste. Pour cela, le jeu à l'origine du je ne devra être considérée que comme une plaisanterie, l'enfant est l'in-fans, le non-fait, celui qui n'a pas encore accès à la parole et, partant de là, n'a pas le droit de cité - exception faite de la psychologie. La coupure ou frontière est tout autant historique que géographique, tout autant philosophique que pédagogique. C'est que telle coupure correspond à un besoin social et humain reconnu comme tel, à un besoin de conservation de la culture et des civilisations.
Je vais, pour illustrer mon affirmation, confronter la pensée philosophique de Bataille à celle de Tchouang-tseu et montrer combien la philosophie taoïste du Chinois contredit à la lettre la pensée philosophique de Bataille, celle développée notamment dans Les larmes d'Eros.

Dans son dernier essai, Les larmes d'Eros, Bataille tentait de revenir, de façon sommaire et synthétique, sur sa conception philosophique et anthropologique. Selon lui, l'homme naît au monde et à l'histoire de façon tragique, en prenant conscience d'être mortel. L'Histoire et la civilisation interviennent quand l'homme invente pour lui des rites funéraires, et avec cette institution progressive au memento mori s'ajoute un sentiment nouveau, bouleversant, celui de l'érotisme :
"Nous l'avons vu, l'homme vraisemblablement velu du Néanderthal avait la connaissance de la mort. Et c'est à partir de cette connaissance que l'érotisme apparut, qui oppose la vie sexuelle de l'homme à celle de l'animal." (Les larmes d'Eros)

Deux mille ans plus tôt, le taoïste chinois Tchouang-tseu écrivait pourtant ce texte :
" Tseu Sang-Hou, Mong Tseu-fan et Tseu-K'in-tchang allaient nouer amitié, en proposant : qui peut garder son indépendance et agir indépendamment des autres, qui peut s'élever dans le ciel, se promener au-dessus des nues, errer dans l'infini, oublier sa vie et sa mort ?
Les trois hommes se regardèrent en riant, tombèrent d'accord et furent amis.
Peu de temps après, Tseu Sang-hou mourut. Avant qu'on ne l'enterrât, Confucius apprit la nouvelle et envoya son disciple Tseu-kong pour seconder les funérailles. Quand Tseu-kong arriva, l'un des deux amis du défunt composa une chanson que l'autre accompagna avec le luth ; tous deux chantèrent :

Ah ! notre cher Tseu Sang !
Ah ! notre cher Tseu Sang !
Tu retrouves déjà ta vraie nature,
Nous deux restons encore des hommes.

Tseu-kong s'approcha des deux hommes et leur dit : "Est-il conforme au rite de chanter en présence d'un cadavre ?"
Les deux hommes se regardèrent en riant et dirent au visiteur : "C'est que vous ne connaissez pas le sens profond du rite."
Tseu-kong retourna vers Confucius, lui fit part de ce qu'il avait vu et lui demanda : "Quels sont donc ces hommes ? Ils sont sans éducation et sans tenue. Ils chantent devant un cadavre et leurs visages restent impassibles. Leur conduite est inqualifiable. Qui sont-ils donc ?
- Ces deux hommes, dit Confucius, vivent en-dehors de notre monde, tandis que moi je vis au-dedans. Entre le dehors et le dedans il n'y a point de contact. J'ai été stupide de t'envoyer leur présenter mes condoléances. Ils sont les compagnons du créateur et ils sont unifiés à l'énergie cosmique. Ils considèrent la vie comme une tumeur ou une grosseur et la mort comme une percée ou son ouverture. Comment peuvent-ils savoir ce que sont la mort et la vie, le passé et l'avenir ? Ils vivent sur d'autres éléments dont ils composent pourtant leur propre substance. Ils oublient leur foie et leur vésicule biliaire ; ils négligent leurs oreilles et leurs yeux. Les fins et les commencements se répétant indéfiniment, ils ne connaissent pas leur origine première. Ils vont librement hors de la poussière de notre monde et trouvent leur plaisir dans le non-agir. Comment pourraient-ils se satisfaire des rites qui ne satisfont que les oreilles des hommes ?"
(l'œuvre complète de Tchouang-tseu, traduction de Liou Kia-Hway, Unesco, 1969, pour la traduction française)

Quelle
est cette indistinction primordiale ou Tao que Tchouang-tseu connaît et prône sinon la mer et le rivage de Tagore ? Quelle est cette joie et jubilation béate de Mong-Tseu fan et Tseu -K'in-tchang, sinon le "plaisir intense et même angoissant associé avec le jeu imaginatif" dont parle Winnicott à propos de la relation mère-enfant après la naissance ? Mong-Tseu fan et Tseu-K'in-tchang sont des enfants qui n'ont plus de mère, ou mer, mais le monde comme mère. En outre, en tant qu'hommes célestes, ils savent ce qu'est un rite et ils ont conscience de la mort. Ils n'ignorent pas l'érotisme et ont pu éprouver du plaisir ou de l'amour en se liant à une femme. En tant qu'hommes célestes, ils détiennent la vérité que recherche le Saint Confucius, mais que, en tant que Saint, il ne peut être. Nous sommes là face à une pensée radicalement différente de la nôtre, une pensée de l'anomie pourrait-on dire, absolument contraire à la pensée hégélienne. Nous sommes aussi face à un texte bouleversant, plus moderne et plus bouleversant me semble-t-il, que Les larmes d'Eros de Bataille. Poursuivons-le et attachons-nous à préciser la position de Confucius dans le rapport qu'il entretient avec Tseu-kong, son disciple.

"- Mais alors, à quelle directive obéissez-vous pour votre conduite ? demanda Tseu-kong.
- Je suis, dit Confucius, un damné du ciel. Pourtant je vais essayer de te faire part de ce que je sais.
- Pourriez-vous me dire la directive de ces hommes ? demanda Tseu-kong.
- Les poissons naissent et vivent dans l'eau, dit Confucius, comme les hommes naissent et vivent dans le Tao. Ceux qui naissent et vivent dans l'eau fouillent la vase et en tirent leur nourriture. Ceux qui naissent et vivent dans le Tao n'agissent pas et accèdent à la sérénité. Ainsi il est dit : "Les poissons s'oublient les uns les autres dans les fleuves et les lacs, les hommes dans le Tao et sa discipline."
- Permettez-moi de vous demander ce qu'est l'homme singulier, reprit Tseu-kong.
- L'homme singulier, répondit Confucius, l'est par rapport aux hommes, mais il est le pair du ciel. Ainsi il est dit : "L'homme mesquin selon le ciel est un homme supérieur selon les hommes ; l'homme supérieur selon les hommes est un homme pour le ciel."

Confucius est un Saint, puisqu'il est l'un des maîtres du monde des hommes, mais sa position face aux questions de son disciple est ambivalente. Il connaît les directives du ciel et la discipline des hommes céleste, il sait, comme Giraudoux sait qu'Electre a raison, même s'il joue les béotiens et ne manque pas de questionner, dans nombre passage de l'œuvre de Tchouang-tseu, les hommes célestes qu'il rencontre. Il fait donc semblant de ne pas comprendre le Tao afin de ne pas le suivre, parce que les vérités du ciel, les vérités essentielles, détruiraient, si elles étaient suivies, la société des hommes. Nous assistons donc chez Tchouang-tseu à un jeu de double langage entre les taoïstes et Confucius. Là est l'Anomalie : pour que la société subsiste, l'enfant ne peut pas demeurer divin. Tandis que Bataille considère que l'homme ne peut être divin, mais qu'il doit, à travers le sacrifice de sa divinité, projeter sa part divine dans des totems pour rééprouver la béatitude des premiers instants, Tchouang-tseu conçoit la divinité comme étant toujours déjà là et qu'il n'est nul besoin de biais, de transfert. A travers le temps, les deux penseurs sont pourtant d'accord sur un point central : les hommes en civilisation ne peuvent vivre sans conscience de la mort, et de là l'épreuve de la divinité se doit d'être ostracisée, mais le premier considère que la conscience de la mort est artificielle, tandis que le second la conçoit comme étant humaine. - Point important selon moi : le Tao n'est pas une doctrine ésotérique, mais c'est notre conception romantique et moderne du monde (je pense à ce sujet à René Guénon) qui a fait du Tao une doctrine ésotérique. Les trois taoïstes cités du texte de Tchouang-tseu se rencontrent et découvrent qu'ils se posent les mêmes questions à propos de la liberté. Au début de leur rencontre, il n'y a pas d'initiation entre eux, mais une simple amitié qui se noue par la découverte d'intérêts communs. Ce sont des esprits libres.

Confucius est un "damné du ciel", parce qu'il sait qu'il est prisonnier de sa pensée et de son mode de vie proprement civilisé. Il s'agit de l'homme profane dont parle Caillois et Bataille, de l'homme du profane. L'homme profane vit donc dans le monde objectal, sa vie est posée dans la durée, gage de la durabilité de son monde, de la persistance des hommes et des cités qu'ils fondent. Précisons quel peut être ce monde objectal dont parle Bataille dans Théorie de la religion ?
Prenons la table où je travaille. Je ne pourrais l'envisager que comme une table, car elle n'aurait pour moi, et cela avant toute autre considération, qu'une position utilitaire : je lis, j'écris sur ma table ou je tape sur le clavier de mon ordinateur qui se trouve posée sur celle-ci. Selon Bataille, je ne peux concevoir que cette table puisse servir de bois de chauffe, comme je ne peux concevoir qu'un voisin ou un ami mourra ; je peux l'imaginer, mais non le concevoir. Il y a donc une différence de principe entre ce que je conçois pour l'heure et ce que j'imagine pour l'avenir et qui arrivera sûrement. La mort, la disparition garderait pour nous un caractère d'irréalité. Or, ce caractère d'irréalité, que le monde objectal jette sur l'éphémère est moins sur l'éphémère en soi, que sur ce qu'il a de commun et d'intime avec nous, son immanence. Voilà le paradoxe du monde objectal, selon Bataille : le domaine du sacré ou l'Urzeit font partie de notre vie intime, de notre réalité psychique, mais ils ne peuvent être conçus objectalement car ils remettraient en cause l'homme en nous et son lien social. Pour Tchouang-tseu, au contraire, il faut sortir du monde objectal pour être libre, et telle liberté n'a rien de paradoxale ou de tragique, parce que, en soi, il n'y a pas de frontière entre le domaine du sacré et le domaine du profane. Ces deux domaines, au fond, n'en forment qu'un seul, autant dans la réalité psychique de l'homme que dans le monde qui l'entoure.
Tchouang-tseu évoque souvent dans ses textes une période, ou ère, dans laquelle les hommes vivaient selon les directives du Tao :
"A l'époque régnait la vertu parfaite, les hommes marchaient posément. leurs regards étaient droits. A cette époque-là, il n'y avait ni sentier ni chemin dans les montagnes, ni bateaux ni ponts sur les eaux. Les êtres se multipliaient et vivaient à l'endroit même où ils étaient nés. Les oiseaux et les quadrupèdes se groupaient ; les arbres et les herbes croissaient librement. Une mince attache suffisait pour amener ces animaux à la promenade. On pouvait grimper jusqu'aux nids des corbeaux et des pies pour les observer."
Nous sommes proches ici du mythe du bon sauvage tel que Montaigne et Rousseau ont pu le réécrire, sauf que, selon le tao, il n'y a, à l'origine, pas plus de bons que de mauvais sauvages. Au début de l'humanité, selon Tchouang-tseu, les hommes vivaient par groupes ou tribus et savaient domestiquer quelques animaux, non pour leurs besoins personnels mais pour leur "promenade".
Puis le Saint est arrivé, et avec lui, la civilisation, et le Tao a été peu à peu oublié des hommes.

Pour Caillois et pour Bataille, il y avait, avant l'époque industrielle, un domaine du sacré et un domaine du profane. Les hommes célestes devraient donc, si on les suit, être regroupés dans le premier domaine : ce seraient des saints, des mystiques, éprouvant le bien et le mal sans distinction. Or, selon Tchouang-tseu et selon la Voie, il n'y a pas de distinction entre l'un et l'autre domaine, il n'y a pas de frontières : l'espace est ouvert. Et comme l'espace est ouvert, l'Anomalie est autant dans le domaine du profaine que dans celui du sacré. L'Anomalie n'est donc pas une recherche du shooting ou de la transe au sein d'une "communauté inavouable" ou la recherche d'espaces psychogéographiques nouveaux, de nouvelles aires de jeux, comme pour les Situs, parce qu'elle est toujours déjà là. La quête de la transparence ou du sacré laïc est un thème rousseauiste et romantique. Pourquoi chercher si loin ?



(à suivre...)

mercredi 24 octobre 2007

Anniversaire



C'est mon anniversaire. J'aimerais en profiter pour parler de moi cinq minutes : "Cinq minutes".

dimanche 14 octobre 2007

Jeanlux




Donc, les frères Poisson font de la série Z, heu, dans laquelle il y a Jeanlux, un grand et gros doudou. La série Z est un genre vidéo ou ciné, hybride donc, assez mal ou peu ou pas situé, hein, entre amateurisme, dilettantisme et pro.

On sait jamais si c'est un film de vacances, un film sur les vacances, un amusement innocent, un nouveau snuff, c'est un peu comme La nuit des morts vivants, bon. Le scénario tient en un synopsis. Alors, il y a un mort-vivant au début et une ville avec des habitants. Pour un court-métrage, mettons dix habitants, un moyen-métrage, ça fait trente, et un long, cinquante, avec bonus-track, on monte à soixante-dix assez facilement.

L'essentiel du genre est de démonter toute notion de critique. Puisque l'on ne sait plus vraiment ce que c'est, "Mais c'est pour vous ou pour le montrer ?", est-ce qu'on peut émettre un avis, trouver ça bon ou mauvais, dire que l'on a aimé, qu'il y a quelque chose à voir, qu'il fallait que ce soit dit ?

La série Z est la dernière lettre de l'alphabet, un peu comme minuit est la dernière heure du jour. Jean-Lux est ce que le psychanalyste Winnicott a appelé un phénomène de transition entre le sein de la maman et... rien.
Eh bien, les Frères Poisson, c'est un, mais gros, gros phénomène de transition, un hiatus, une espèce de suspension du phénomène de transition, un peu comme les pages de Naked Lunch avant que Ginsberg ne publie.

Autant Beavis and Butthead ou Jacass ont un protocole de fabrication. Cela doit faire mal au bout de dix ou quinze secondes, cela a un concept. Autant là, ça jette un froid, même chez les grands enfants qui, naturellement, sont friands de ce genre de choses.

Il y a sûrement un mot juste pour ce genre de choses. Cela doit bien exister un spécialiste de séries Z. On m'a dit que pour les sardines, il y a les sardinologues. Quand on montre les Frères Poisson aux enfants, cela a un effet traumatique sur eux. Eux qui ont l'habitude de Bob l'éponge, eh bien là, ils ont du mal.

Cela veut dire qu'ils leur restent une échelle de valeur, ou que le degré zéro n'existe pas. On peut toujours faire mieux.

www.myspace.com/jeanlux

jeudi 27 septembre 2007

... Restes de pensées sauvages


Claude Lévi-Strauss



En 1962 sortait chez Plon La Pensée sauvage, livre-somme et synthèse du travail anthropologique de Claude Lévi-Strauss. La critique des études de Lévi-Strauss a été faite bien avant ma naissance et je n'ai nulle envie ici de la reproduire. Pour ceux qui s'intéressent à l'ethnologie, il suffit de lire l'ouvrage de Jack Goody, La raison graphique, paru en 1972 aux éditions de Minuit, et dont le sous-titre, la domestication de la pensée sauvage, est suffisamment explicite. Ce que j'aimerais, par contre, c'est essayer d'expliquer en quoi La pensée sauvage, demeure, selon moi, un livre important.

L'effort de synthèse qui est tenté dans l'ouvrage de Lévi-Strauss, l'ampleur du travail fourni et la finesse des analyses pourraient donner une impression de malaise à un lecteur trop pressé. Les ethnies analysées dans La Pensée sauvage correspondent finalement, et cela de façon voulue par l'auteur, au schéma du jeu de briques, déjà mis en place dans la grammaire générative. Dans la liste des ethnies étudiées par Lévi-Strauss, rien ne semble avoir été laissé au hasard ; l'indigène, que ce soit nous, l'indigène, ou un Dogon par exemple, a réponse à tout, aucune zone d'ombre ne semble pouvoir être dégagée, aucune niche ou île. On pourrait penser alors que Lévi-Strauss est structuraliste, au même titre que Chomsky ou Jakobson l'étaient, mais ce serait avoir mal lu. En vérité, Lévi-Strauss ne partage du structuralisme que le cadre théorique (Il n'y a pas chez lui d'universaux de la pensée comme pour les deux linguistes cités précédemment), ce sont les cultures qui sont structuralistes. Toutes les cultures partagent, selon Levi-Strauss, l'idéologie structurale, parce que toutes cherchent à généraliser, d'une manière ou d'une autre, leur situation dans le monde à l'insu des individus qui les composent. Le nom, dans quelque société qu'il se trouve, a une fonction d'inscription de l'individu dans une ethnie donnée. Le fait de nommer joue donc, selon lui, un rôle dans un système classificatoire présentant à l'individu sa mise au monde, son "baptême linguistique" (Benveniste), et l'identité est le rapport de l'individu à la représentation que son groupe culturel se fait de lui. Quasiment pour toutes les sociétés tribales étudiées en ethnographie, le nom a un sens symbolique et social lié à un totem ou à un clan.

Ainsi, "Les indiens Sauk offrent un exemple particulièrement instructif en raison de la règle individualisante qui déterminait chez eux l'appartenance à l'une ou l'autre moitié (de clan)... Celle-ci n'était pas exogamique, et leur rôle, purement cérémoniel... se manifestait surtout à l'occasion des fêtes de nourriture, dont il est important de noter... qu'elles étaient liées au rite d'imposition du nom. L'appartenance à chaque moitié obéissait à une règle d'alternance : le premier né était lié à la moitié alterne de celle de son père, le suivant, à cette moitié, et ainsi de suite. Or, ces affiliations déterminaient, au moins théoriquement, des conduites qu'on pourrait appeler caractérielles : les membres de la moitié Oskûsh ("les Noirs") devaient mener toutes leurs entreprises jusqu'à leur terme ; ceux de la moitié Kishko ("les Blancs") avaient la faculté de renoncer. En droit sinon en fait, une opposition par catégories influençait donc directement le tempérament et la vocation de chacun, et le schème institutionnel, qui rendait cette action possible, attestait le lien entre l'aspect psychologique du destin personnel, et son aspect social qui résulte de l'imposition d'un nom à chaque individu." (La Pensée sauvage)

Par contre (ce qui n'est pas dit par Lévi-Strauss dans La pensée sauvage, mais qui est sous-entendu par lui), l'individu peut, d'une manière ou d'une autre, vouloir s'affranchir du groupe ethnique dans lequel il est né, chercher des moyens de résister ou de s'insurger. Un tel homme demeure pourtant un cas-limite, une anomalie ou a-nomos : un étranger tel que seule une hospitalité inconditionnelle, absolue pourrait l'accueillir. Si Lévi-Strauss n'a pas pu mentionner telle "anomalie" dans La Pensée sauvage, la reconnaissance de la dette envers la philosophie rousseauiste (notamment dans Tristes tropiques) prouve assez qu'il était conscient qu'une telle anomalie se retrouvait dans l'histoire ou les mythes de toutes les sociétés. Hannah Arendt écrit à ce propos dans Condition de l'homme moderne :
"Pour Rousseau, l'intime et le social étaient plutôt, l'un et l'autre, des modes subjectifs de l'existence et dans son cas tout se passait comme si un homme appelé Jean-Jacques se révoltait contre un homme appelé Rousseau."
Or, si l'on considère la révolte de Rousseau comme étant à l'origine de l'individu moderne décrivant et écrivant son mal, cette expression d'un "mal naissant" a pu être décrite jadis par d'autres, mais ayant été oublié des hommes faute de texte. L'anomalie comme mode d'être n'est pas le seul fait d'un Rousseau, même si celui-ci s'est présenté, dès le seuil de ses Confessions comme étant le premier et l'unique spécimen. L'anomalie d'un Rousseau n'était une nouveauté, à la fin du XVIII° siècle, que pour les Lettres. La raison graphique a fait de la révolte d'un homme de plume une nouveauté aussi vieille, me semble-t-il, que l'homme. D'autres cris avant cela ont été oubliés, faute d'avoir été écrits. S'insurger contre un mode culturel identitaire n'est moderne ou romantique qu'en littérature. Par ailleurs, la littérature, en tant que phénomène culturel, suit elle-même des règles anthroponymiques.

1 - dans un roman, je n'ai pas le droit d'utiliser le nom et la vie d'un particulier sans avoir obtenu son accord. Il est donc préférable d'inventer des personnages, un cadre, une action, etc. Ou T. ou U., mention de l'initiale pour des "personnages existants".
2 - il semble qu'un auteur ait généralement envie de se faire un nom ou, tout au moins, de ne pas être seulement un nom commun, un nom du commun, être reconnu en somme par Godot.
3 - certains auteurs ont cherché, de par la littérature, à s'affranchir des règles de représentation communes imposées aux individus par leur groupe. Ainsi, l'idée d'une création littéraire traversant la tombe, au XIX° siècle : le lycanthrope Petrus Borel, le tombeau de Hugo au Panthéon, Les mémoires d'outre-tombe, ce qui était déjà de l'autofiction (mais, à l'époque, on n'était pas assez con pour inventer un néologisme qui soit, dans le même temps, un truisme - il est évident que j'invente ma vie en la racontant et que chacun d'entre nous ment comme il respire ou fait du roman.)

Ainsi, dès l'incipit, l'usage du nécronyme de la première version des Mémoires d'Outre-tombe et la deuxième et dernière mouture conçue de Chateaubriand (un intervalle de plus de trente ans entre les deux versions), le nécronyme étant la disparition du prénom à la mort d'un homme (Blanchot, aujourd'hui, ne s'appelle plus Maurice et Duras n'est plus Marguerite).

1809, Les mémoires de ma vie, Chateaubriand :
"j'eus pour parrain mon malheureux frère et pour marraine madame la comtesse de Plouër, fille du Maréchal de Contades : je fus nommé François, du jour où j'étais né, et rené à cause de mon père."
1848, Mémoires d'outre-tombe :
"J'eus pour parrain, comme on le voit dans mon extrait de baptême, mon frère, et pour marraine la comtesse de Plouër, fille du Maréchal de Contades.".

Dans la deuxième version, il semble évident que le lecteur a sous les yeux l'extrait de baptême de Chateaubriand ; le lecteur est passé aux archives de Saint-Malo, donc... Ici, Chateaubriand fait comme s'il était mort, il joue au mort, et, si vous voulez son prénom, cherchez dans les archives, les bibliothèques : un mort n'a plus de prénom, il ne vous le donnera pas. - Quelle sensation ce doit être que de jouer au mort dans ses mémoires ? Ecrivant, je suis mort. J'invente ma mort, elle est entendue sous chaque ligne que j'écris. Pour Chateaubriand, catholique bien-pensant, la mort était un théâtre où se mettre en scène.
J'écris donc mes mémoires, étant mort, je joue de mon nom et de mon prénom hors du cadre étroit de la culture. La poésie me donne le droit d'être mort et d'inventer la mort, de m'affranchir des règles des destinées sociales.

"Pétrus Borel s'est tué ce printemps : prions Dieu pour lui, afin que son âme, à laquelle il ne croyait plus, trouve merci devant Dieu qu'il niait, afin que Dieu ne frappe pas l'erreur du même bras que le crime."
Pétrus Borel, Champavert

Blanchot
: le trépas est le Kaïros grec :
"Qu'importe. Seul demeure le sentiment de légèreté qui est la mort même ou, pour le dire plus précisément, l'instant de ma mort désormais toujours en instance."

"Denis Roche, âgé de 52 ans, mort le 26 mars 1990, à 10 h du matin, à la suite d'une apoplexie foudroyante, enterré le 27, fut exhumé et ouvert le 21 janvier 1991, à 11 h du matin, neuf mois et vingt-cinq jours après l'inhumation."
Denis Roche, Louve basse

Et d'autres encore, auteurs, à savoir ceux qui s'autorisent à être.
Ni écrivains, ni poètes.
Rien à voir avec le domaine littéraire.
Il s'agit encore de la vie.

Et c'est ici que l'étude des conditions sociales des autres ethnies est importante, en ce que, comme la littérature, cette étude remet en cause notre ontologie, la façon bornée que nous avons de concevoir la place de l'existant au sein des sociétés, la gestion des individus de par l'identité sociale.

En onomastique (ou anthroponymie), on constate que la façon dont une identité est donnée à un individu est relative à la culture d'une ethnie et à son histoire : il y a un mode identitaire et ce mode varie selon les époques et les sociétés qui l'ont produites. Pour Jacques Lacan, le nom propre est la condition de possibilité de la subjectivité, il inscrit l'enfant dans le langage (ontogénèse), dans le monde symbolique en général de la loi, lui permettant de se différencier de l'indifférenciation primaire (le corps de la mère) et de prendre sa place dans la famille ou la société. Le nom propre, en tant que signifiant autonome intraduisible d'une langue à l'autre, est, selon Lacan, le représentant symbolique ultime de la subjectivité (Jacques Lacan, Ecrits, Paris, Seuil, 1966). Le nom propre devrait en l'occurrence être un seuil, un passage en-deçà duquel il n'y a pas d'humanité. L'a-nomos est alors le sauvage ultime, puisque non inscrit dans la langue par un baptême linguistique, l'Etranger absolu, l'innommable donc l'ignoble. Aussi, le nom, comme invention du néolithique, devient un élément transcendant les individus et il parait impensable qu'un homme n'en ait pas, comme il parait curieux à notre justice qu'un immigré venant d'Afrique n'ait pas, en arrivant en France, d'état civil...

Pourtant, si l'invention du nom est une révolution de l'ère du néolithique, telle invention a changé de forme selon l'histoire des sociétés et leur culture jusqu'à nos jours. Une telle évolution, un tel relativisme des identités humaines devrait donc nous faire douter de la place donnée au nom comme double de l'homme et élément essentiel à son humanité. Même si, très souvent en anthropologie, l'on remarque que le nom est un symbole fort, l'âme ou la Mana des individus composant une ethnie.


En fait, très peu d'ethnies considèrent la personne humaine comme étant double et/ou multiple , l'individu étant généralement représenté comme étant in-divisible, in-sécable, Un. L'économie des sociétés est généralement fondée sur la nature unitaire de la personne humaine, permettant ainsi une organisation souple des relations sociales, un espace lisse sans trop d'inattendu, sans marge de hasard. Le Je ne doit être un Jeu qu'à certaines conditions, dans un espace et dans un temps donnés, tout doit être fait pour contrôler le facteur humain, sa part d'indéterminé. On peut concevoir le nom aujourd'hui comme moyen d'indice comportementale à intégrer dans des statistiques, l'homme dressé, éduqué étant un x, à savoir un élément comportemental invariable dont on peut avoir une connaissance fine par le nom, x apporté à d'autres éléments x et coincé dans une liste. Hanna Harendt écrit à ce sujet, dans Condition de l'homme moderne :
"
C'est le même conformisme, supposant que les hommes n'agissent pas les uns avec les autres mais qu'ils ont entre eux un certain comportement, que l'on trouve à la base de la science moderne de l'économie, née en même temps que la société et devenue avec son outil principal, la statistique, la science sociale par excellence."

Ici, la différence entre notre type de société et les sociétés dites "primitives" est déterminé par le nombre d'individus qui composent l'une et l'autre. Dans une société "primitive", le nombre d'individus est généralement limité, et le nouveau-venu, l'enfant, peut reconnaitre ses pairs, savoir qui est qui ; dans une société moderne, le nombre des individus semble illimité et il faut une organisation complexe réglant, régulant les mouvements sociaux et travaillant dans l'ombre. Dans l'une, une grande partie des affaires humaines semble s'effectuer au grand jour pour tous ses habitants, dans l'autre, les affaires humaines ne peuvent être physiquement montrées à tous, et il faut donc les moyens de communication modernes pour révéler l'une ou l'autre aux masses.

Au fond, le plus souvent, l'homme est un ou l'on est un. Seules quelques tribus très primitives et les Dogons considèrent que 2 est avant un, non selon l'ordre numérique, mais qualitativement et symboliquement. Le Paire est l'impur, le double est ignoble, le gauche, le maladroit. Dans la poésie érotique latine par exemple, la main gauche est la sinistra, celle avec laquelle on caresse la femme. L'impaire est le droit, la conscience, le regard et la vue panoramique de l'homme, aucune latéralité, l'autre est l'altéré et l'aliéné. Or, la nature est double, et cette nature double de la vie est combattue, siècle après siècle, une danse de répulsion/fascination se met en marche contre elle. Ainsi, les jumeaux et la façon dont les ethnies les ont considérés et les considèrent encore. Le jumeau est ce double manifeste, un 1 qui est en même temps un 2, un affront pour la pensée classique, un cauchemar, mais aussi le rêve éveillé de toute la littérature fantastique et de L'homme sans qualité de Musil. Le jumeau est un être concret qui est en même temps deux. Il est 1 et 2, Je et Nous. Certaines tribus africaines et le haut Moyen-Âge européen vont donc considérer les jumeaux comme étant des monstres, une perversion de la nature ou un inceste commis dans le ventre des mères. Ainsi, dans le Grand Albert, qui est encore de nos jours un livre de sorcellerie, on peut lire Le secret des femmes, traité d'obstétrique du maitre de Saint Thomas d'Aquin. Au XIII° siècle, Albert le Grand écrit au sujet de la gémellité :
"... il arrive souvent que de la même matiêre naissent différents animaux imparfaits, par exemple des excréments d'un cheval il se forme des mouches, des guêpes et beaucoup d'autres de couleurs et de figures différentes.
Mais la cause de la diversité de ces animaux est la division de la semence dans la matrice ; ce qui est véritable surtout à l'égard de ceux qui sont parfaits. Il faut savoir qu'il y a plusieurs petites cellules dans la matrice et que, le père jetant une partie de la semence dans chacune, il s'y engendre plusieurs fœtus ; la même chose se fait dans plusieurs animaux imparfaits, qui au lieu de matrice et de semence sont formés d'une autre matière..."
Ce qui heurte principalement notre sensibilité aujourd'hui, le peu de respect qu'Albert le Grand parait avoir pour la femme et pour la vie, est tout entier dans cette comparaison entre le corps d'une mère et la matière fécale, considérée elle-même comme étant vivante.

Aujourd'hui, une discipline de la psychologie anglo-saxonne, la gémellologie, s'intéresse aux jumeaux à partir d'une problématique certes radicalement différente, mais tout aussi inepte, puisqu'il s'agit de mesurer, ou calculer, la part d'inné et d'acquis des jumeaux monozygotes et dizygotes. Encore actuellement, la vieille dichotomie entre nature et culture revient à la charge et, derrière elle, très certainement, une forme larvée de l'eugénisme. A travers le monde, des réseaux de banques de données gémellologiques sont mis en place depuis les années 50, calculant les écarts entre jumeaux ayant vécu ensemble et ceux séparés à la naissance. Derrière un tel dispositif, la même tentative de questionnement et d'explication d'un phénomène que chez Albert le Grand, la même fascination pour cette mise en doute concrète et prégnante de notre identité. Comme si la vie elle-même semblait se moquer de nous, de notre propre besoin d'individualité, et qu'il nous fallait des leurres entre elle et nous, à travers laquelle, pourtant, son ironie perce encore.

Au lieu de favoriser le besoin de liberté et de changement des hommes, au lieu de permettre à la vie sociale de devenir protéiforme, les cultures ont le plus souvent cherché à enfermer l'individu dans un carcan. Le double ou multiple devient alors un fantasme humain, défini comme étant l'âme d'untel, les religions cherchant à canaliser le désir de liberté et d'évasion des peuples. Le corps peut être ainsi considéré comme étant la prison de l'homme, seule la mort peut lui permettre de s'en libérer. La fatalité des hommes est donc d'être un jusqu'à la fin et l'on pense encore que rien ne peut nous permettre de changer de rôle et de vie, on pense encore qu'un être totalement protéiforme poserait un problème éthique. L'individu devant demeurer indivisible, uni, un homme multiple est une aberration, puisque, en soi, déjà divisé, morcelé. Figé dans un seul rôle, l'esprit humain nous parait devoir être dur comme la pierre, alors qu'il est plus souple encore que l'eau. Une société, dans laquelle l'individu pourrait changer de nom et de rôle à sa guise, est possible.

vendredi 14 septembre 2007

Onomastique



Onomastique

Doctrine sociale et politique fondant les rapports (conscients et inconscients) de l'individu à son identité.


Loi 1
I
l n'y a pas d'étranger.

Loi 2
U
n nom propre et un seul est porté par un individu et un seul.

Le nom propre ne peut être interchangeable. Deux individus ayant le même nom restent et demeurent, de ce fait, deux individus à part entière.

Loi 3
C
haque individu doit porter un nom identifiable par la société toute entière.


Loi 4
Le nom est l'âme de l'individu.
Aucune considération d'ordre politique, social, culturel ou métaphysique ne devra remettre en cause son statut.

Un nom peut être, de ce fait, honoré, sali ou nettoyé, comme un vêtement ; il habille l'individu, à la vie comme à la mort.

Loi 5
C
haque naissance nouvelle devra être nommée, chaque nom nouveau devra être listé, chaque liste nouvelle devra être publiée.

Les administrations auront pour charge de composer et compulser les listes onomastiques de façon automatique, récurrente et compulsive.
L
a liste onomastique aura pour fonction de transcender l'humain, davantage qu'un rôle d'organisation des masses.

Loi 6
T
out moyen nouveau, bon ou mauvais, permettant l'identification d'un individu doit être mis au point et devenir un procédé administratif coutumier.

Loi 7
I
l n'y a pas d'étranger.

Loi 8
S
e servir du processus narcissique à l'origine du comportement humain, inventer de nouveaux échanges et de nouveaux rites à ce propos.

Loi 9
I
l n'y a pas d'étranger.

Loi 10
C
haque homme a un nom, les lois onomastiques lui paraissent naturelles.

Loi 11
N
ul besoin de les écrire.

Loi 12
L
e meilleur parti à prendre face à l'individu récalcitrant est de feindre l'ignorance.

Loi 13
I
l n'y a pas de loi onomastique.

Loi 14
I
l n'y a pas de doctrine onomastique.

Loi 15
I
l n'y a pas d'étranger.

Loi 16

Loi 17

Loi 18

Loi 19

Loi 20

Loi 21

Loi 22

Loi 23

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mardi 11 septembre 2007

Histoire vraie

Monsieur X. a un métier passionnant, puisqu'il est chargé de mission à la ligue de l'enseignement à D. Monsieur X., métier passionnant, chargé de mission de la ligue de l'enseignement à D., a décidé de lancer des ateliers de formation pour les illettrés, basés sur des contes de tout poil et de la littérature orale. Alors, il a employé un ethnologue qui s'y connaît dans la partie - griots, contes du terroir, contes indiens, de la Mère l'oie, d'Andersen ou de Perrault - pour faire un exposé, au conseil général de son giron, sur les mérites du conte dans la remise à niveau des illettrés. L'affaire s'est déroulée il y a quelques heures.

L'ethnologue, qui s'est prêté à la mascarade, avait bien lu L'école des mendiants d'Albert Cossery ; nous y étions. De gentils enseignants, certains payés par l'Education Nationale pour l'occasion, prenaient des notes à propos d'informations qu'ils connaissent par coeur, puisqu'ils ont lu les mêmes livres et suivi les mêmes cours à l'université que l'ethnologue ; il s'agissait bien, pour eux, d'écouter un conteur. Et rien, de ce fait, n'a été dit sur les problèmes de prévention médicale que pose l'illettrisme aujourd'hui ; les véritables dangers que peuvent avoir à courir ceux qui ne savent pas lire le français ont été obviés. L'audience préférait naturellement une histoire.


J'aime cette citation de Nietzsche : "Mort, parce que bête."
Il est mort du cancer du colon, parce qu'il ne savait pas lire et que ceux qui auraient pu l'aider préféraient écouter une histoire.

N.B.
En Bourgogne, on sait qu'il y a des niches de cancer du colon, des zones plus atteintes que d'autres. Le dépistage se fait par envoi de dépliants préventifs avec un questionnaire à renvoyer. Le problème n°1 de la prévention aujourd'hui étant la barrière linguistique... Je n'irai pas plus loin (l'envie, cette fois, de plagier certains passages du Quart-Livre de Rabelais, fort à propos, là. Peut-on rire de tout ? - Oui.)

vendredi 7 septembre 2007

mercredi 5 septembre 2007

Onomastique Bruno Lemoine (copyright)

" Une élève de Mies van der Rohe est venue le voir et lui a dit, "J'ai du mal à travailler avec vous, vous ne laissez aucune place à l'expression personnelle." Il lui a demandé si elle avait un stylo sur elle. Elle a dit que oui. Il lui a dit, "Ecrivez votre nom." Elle a écrit son nom. Il lui a dit, "Voilà ce que j'appelle expression personnelle.""

John Cage, L'indéterminé

dimanche 2 septembre 2007

Paris-Hilton Road Sector


http://jbconrod.free.fr/home.html

Site de M. Jean-Bernard Conrod.

Et la citation d'un livre de Cécile Mainardi, que j'aime bien, pour l'accointance avec...
(Même si Mainardi parle plus des blonds que des blondes)
... Les blond(e)s sont une espèce en voie de disparition, d'après ce qu'on m'a dit.

Ici, la blondeur comme billevesée, ou recherche dans parole creuse d'un point focal, ou diaphanéité, le blond se perdant dans la lumière trop vive des spots brûlants des studios (vieille photo MAGNUM surexposée/l'Ange de Rilke, peut-être, derrière le cliché)

"Car ta blondeur éteinte peut décharger les piles du mot blond
toujours sur le point d'expirer dans ce qu'on trouve de couleur blonde au Tibre
(toute couleur semble en avoir été extraite et
convertie en pure densité lactée de flots)
exactement là où les noms de couleur cessent d'appeler
- nous vous prions de les excuser pour cette interruption
momentanée de la couleur -
comme la teneur en rêve de certains rêves à un moment donné
fait qu'on se réveille, sous l'effet d'un trop fort accès de rêve
- pas parce qu'on va mourir - qui emporte la matière même
rêvée"

Première page de La blondeur, Cécile Mainardi, Les petits matins, Paris : 2006.

Moi, en vrai, je suis châtain-clair et j'ai les yeux bleus.

vendredi 31 août 2007

Lettre à chaînes


Souvent, nous recevons une lettre sans timbre, ni adresse, ni destinataire, et qui ne se distingue de la vulgaire réclame que par le fait qu’elle ne cherche pas à atteindre autre chose que la gratuité de ce qu’elle est.

Qu’elle ne cherche pas à tendre vers autre chose que la gratuité de ce qu’elle est.

Une impression de mystère.

La sensation que quelqu’un, quelque chose cherche à nous manipuler saisit lors de sa lecture.

Une menace.

La lettre est menaçante par l’insistance avec laquelle la formule de politesse Vous se propose dans ces lignes de revenir : Vous. Et nous sommes, quant à nous, tout acquis à l’inattendu de ce qu’une telle lettre (puisqu’elle ne se désigne pas par un autre biais, par un autre procédé que cette fonction de lettre) se propose de nous signifier.

Elle demande à ce qu’on la recopie ou la photocopie en sept ou onze exemplaires et qu’on l’envoie. Elle ne demande pas autre chose que la reproduction de ses lignes, ainsi que l’arbre dont Francis Ponge nous dit qu’il ne sait créer, ne sait exprimer que des feuilles, de cette perpétuelle et identique qui revient sans cesse en lui. La même, dont les rainures seules changent, comme les lignes d’une dictée sous l’écriture des élèves qui la font.

La même, et la persistance avec laquelle le texte revient dans nos boîtes aux lettres marque combien il a été écouté par les différentes personnes qui l’ont lu.

Une malédiction nous avertit enfin : si nous ne nous exécutons pas, si nous n’envoyons pas en divers exemplaires, à diverses adresses dont le destinataire sera aussi indifférent que nous l’étions pour celui qui nous l’a envoyé, dans deux semaines nous mourrons. Ainsi, grâce ou à cause d’elle, pour deux semaines, le fantastique entre dans nos vies et il serait à son comble si, à ce terme, une voiture nous renversait ou que des hommes que l’ivresse domine nous frappaient à mort. Le fantastique ici acquiert une force qu’aucun autre texte qui prétend l’exprimer n’a rendu, puisque, pour une fois et sans que nous sachions distinctement si l’avenir lui donnera raison, il nous est adressé. L’effet, par lequel il cherche à influer sur nos vies, ne témoigne donc plus d’une volonté d’être lu, mais bien plutôt d’une volonté d’être pris aux mots.

Aussi, lecteur, les lignes que je t’écris sont des enfantillages auxquels il faut obéir sous peine de se réveiller un matin avec des oreilles d’âne ou le nez en moins. Par celle que tu tiens, nous sommes liés toi et moi. Ecoute : Je te commande de publier cette lettre et d’autres que je t’enverrai (peut-être) sur des sujets équivalents. Tu auras ainsi, chaque matin, le bonheur de découvrir dans ta glace une figure correspondant à celle que tu avais laissée la veille en t’endormant.

D’homme à homme.

Bruno Lemoine

dimanche 12 août 2007

Onomastique Bruno Lemoine (copyright)

"Vieillard fou et impuissant, qui s'apperçut enfin qu'il devait y avoir même pour un démon des limites à sa capacité de faire le mal... qui embrassant d'un regard la scène toujours à sa portée et dans son champ de vision a vu le fils parti, évanoui, et cela plus insupportable pour lui que si ce fils était mort, car à présent (si ce fils vivait encore) il aurait un nom différent et ceux qui le lui donneraient seraient des étrangers, et quelque semence de la race Stupfen que le fils pourrait semer comme les dents du dragon dans les flancs de n'importe quelle femme, continuerait ainsi la tradition, accomplirait le mal et la méchanceté héréditaires sous un autre nom, sur et parmi des gens qui n'auraient jamais entendu prononcer le vrai..."

W. Faulkner, Absalon, absalon !


samedi 11 août 2007

Eh bien...


Schéma psychosociologique des besoins humains


CLIQUEZ ICI

mercredi 1 août 2007

France: décès de l'écrivain Isidore Isou



2007-08-01 10:09:05

PARIS, 31 juillet (XINHUA) -- L'écrivain français d'origine roumaine Isidore Isou, fondateur du mouvement lettriste, est décédé samedi à Paris à l'âge de 82 ans, a rapporté mardi l'AFP.

Né le 29 janvier 1925 à Botosani en Roumanie, Isidore Isou Goldstein a lancé le mouvement littéraire lettriste à son arrivée à Paris en 1946. Il a proclamé la fin de la poésie des mots, au profit d'une poésie des lettres et des signes.

Isidore Isou est l'auteur de plusieurs dizaines d'ouvrages touchant de nombreux domaines du savoir, mais aussi l'auteur de pièces de théâtre et de films expérimentaux.


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#N CHin"e, ilS parlent d'Isou qui est m=rt, sur Marrr+;;;s ils paarl&nt d'Isou qui est m=rt, sur Sat[urne] ils parlent d'Isou qui est m=rt, mais pas en France. La France, c'est le p¤ys du fromage, de Baby Bµl, de B.H.L., et c'e¤t tout:)

samedi 28 juillet 2007

Je ne me marierai plus, je vous le promets.
Lady Chatterley me proposera une ferme.
Et je serai heureux,
Et Lady viendra me voir quelquefois.

jeudi 19 juillet 2007

L'art de devenir immortel



L'art de devenir immortel
(par la méthode du professeur Roy Hendrickson)


Vous avez décidé, pour une raison lambda, de passer à la postérité. Rien de plus aisé à comprendre, à une époque aussi individualiste que la nôtre, que ce genre d'aspiration. Le besoin de s'inventer un monde cohérent et brillant, et d'obtenir à ce qu'il soit reconnu, est un phénomène social récurrent à notre époque. Peut-être serez-vous, grâce à nous, par l'application consciencieuse et fidèle aux règles de la méthode Hendrickson,

le nouveau Mozart

le nouveau Shakespeare

le nouveau Messie

le nouveau Freud

Nouveau Mohammed Ali

Nouveau Prince

Hitler

Kafka

Hitchcock

Charles Manson

Callas

Pape

Pi

Di

Risi

ou

Bloch



La méthode Hendrickson n'est pas un exposé de techniques à connaître afin d'atteindre au génie dans quelque domaine que ce soit. Le Professeur Roy Hendrickson (diplômé en théosophie et philosophie de l'Université d'Acapulco) fut une des rares personnes de notre temps à avoir exprimé sa tolérance en matière d'art et son incompétence ou son incurie dans les domaines scientifiques. Et pourtant, nous ne comptons plus aujourd'hui le nombre des détracteurs de notre mouvement -

Nous ne comptons plus,

Nous ne comptons plus aujourdhui un nombre,

Qui, sous couvert de moralité,

Qui, sous les couches successives des vernis,

veut jouer avec nous ce Jeu de l'éthique POUR

Et de l'éthique CONTRE.




La discipline de feu le professeur Roy Hendrickson est d'esprit laïc avant tout. Elle admet, sans l'entraver la liberté de culte religieux de chacun de ses adhérents. En outre, notre capital financier de 1 500 000 euros n'a pas marqué d'évolution majeure depuis bientôt 10 ans. Il est avéré que nous ne faisons pas oeuvre de prosélytisme, ce que nos clients n'ignorent pas, puisque tous ont dû faire par eux mêmes les démarches jusqu'à nous.

ROY HENDRICKSON CIE vend un outil et un programme

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Envois postaux des travaux et des oeuvres de nos clients

+

Envois postaux des oeuvres littéraires et philosophiques de Roy Hendrickson
(chèque à l'ordre de ROY HENDRICKSON CIE, 75 euros par ouvrage - 10 euros Frais de port)

Vous pourrez juger ainsi par vous même, grâce à la qualité de nos travaux et de ceux qu'Hendrickson a produits, de l'efficacité du programme.

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Mise en relation et correspondance suivie entre clients réguliers du programme et membres permanents des communautés Hendrickson.

- Lettres de soutien.

- Modération et tenue des propos de rigueur.

- Liens amicaux tissés à travers huit communautés fondées par Hendrickson de part le monde !





ENVOI

Ceci, en résonnance du programme ROY HENDRICSON CIE, ceci est grave : je te supplie, lecteur, de m'écouter.

Toute autorité me manque pour engager quiconque dans la poursuite de la Méthode Hendrickson ou l'en détourner. Je n'ai aucune possibilité d'empêcher la main qui tourne la page ou la souris qui fait défiler ce texte.

"Examinez tout, dit l'Apôtre, gardez ce qui est bon."... Qu'est-ce qui est bon pour vous ? Examinez-vous vous même. Consultez la méthode Roy Hendrickson, sa théorie vous édifiera sûrement à condition que vous ne la mortifiiez pas en privant la lettre intégrale de l'esprit.

En cas d'envie, voire sans envie, examinez-vous et examinez la Méthode, afin de décider si ses principes sont destinés à votre usage pratique. Mais c'est ma charge de le répéter : dans le vif plus encore que dans l'intellectuel, tous les gardes fous et tous les moyens sont nécessaires, tous les viatiques et toutes les barrières opposées à la contrebande, et aux contrebandiers.

Que Dieu t'éclaire, lecteur attentif, qu'Il te protège et qu'Il te bénisse ! Dieu avec ses anges.

R.A.




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L'art de devenir immortel






mercredi 4 juillet 2007

Le quatrième cahier de Nijinsky

A gauche, Diaghilev, créateur des ballets russes, à droite, son danseur étoile Massine (?).


Cahier de brouillon à couverture noire et à petits carreaux, dont 69 pages sont de la main du Fou de Dieu.


Kajet ola zaje/cix (le e/ correspond au [in] français)
1919 - Village de Saint Morritz.


1 - Une lettre en polonais à Monsieur Resznie (6 pages) et traduite par Actes Sud.


2 - Une lettre en français de 7 pages, à une inconnue. Nijinsky la prie de remettre une lettre, sous pli, à un ami commun du nom de Dimitri Kostrowsky.
La lettre à Kostrowsky a été rédigée en Russe sur la même page du cahier que celle écrite à l'attention de l'inconnue. Cette seconde lettre a été traduite et publiée par Actes Sud.

Nijinsky souhaite décrire pour l'inconnue la haine que son maître et mentor Diaghilev lui porte. Diaghilev aurait tenté de l'enfermer à Barcelone. Nijinsky critique Massine (écrit Miasin), le nouveau danseur étoile de Diaghilev :
"
Je danses toujours avec lamour. Miasin danses sent lamour parce qu'il aime le drame", écrit-il. Les erreurs de français, commises par le Fou de Dieu, sont volontaires.

Revient ici la dyade propre au style
Nijinsky : d'un côté l'amour et les sentiments, qui s'incarnent en Nijinsky, de l'autre l'intelligence de l'action (ici, l'action est théâtrale), pour le dramaturge et chorégraphe Massine.

Nijinsky revient sur ses problèmes d'argent avec Diaghilev et sur sa mère qu'il doit entretenir, puis il explique qu'il a changé depuis l'époque où il dansait pour Diaghilev :
"Je ne suis plus le Nijinsky de ballet russe. Je suis Nijinsky de Dieu
x".
Le
x à Dieux a son importance.


3 - Lettre à un Français, à qui Nijinsky demande de remettre une lettre à sa mère (2 pages), lettre à la mère sur le même feuillet -
Moya dvoga Matka - (trad. Actes Sud).


4 - Lettre à un ami :
Cher ami André (2 pages). Nijinsky veut lui prouver qu'il n'est pas fou :
"J'aime le Dieu
x et pour ça je suis un fou. J'aime les faut par çe q'on me compren. Si j'écris cent faut on pensera que je sui un fou".

Le
x à Dieux revient comme hypostase [Singulier et/ou/ni Pluriel], destruction de la logique mono ou poly-théiste.
La folie vient du fait d'aimer Dieu(x) confondant et confondu(s). La compréhension n'est plus dès lors une affaire de raison, mais de compassion. On ne peut comprendre N. par la langue, puisque la langue est le siège de la pensée ( selon Nijinsky, l'intelligence et la pensée sont sales). Enlever à la langue sa pensée, son orthographe, sa syntaxe ou sa grammaire, c'est en revenir à une forme de compassion christique, donc de raison et d'hygiène supérieures.

Commencer par l'orthographe, qui est le plus petit commun dénominateur de la langue.
Commencer par les tâches les plus humbles.

"J'aime le Dieu
x parce qu'il amour. Je ne peux pas bien ecrir, parce qu'il sent pas de ritm. Je suis ritm avec la sensse je suis ritm avec la mour. J'aim l'amour avec la sensse. J'aime l'amour avec le Dieux."

La question du rythme chez Nijinsky n'est pas poétique (elle n'est pas une question ayant pour objet le sonore), mais graphique.
C'est le rythme graphique et chorégraphique qui intéresse Nijinski dans l'écriture.

De sorte qu'il faut lire les cahiers de Nijinski comme étant la première oeuvre d'Action Writting et, certainement, la plus aboutie.

Nijinski cherche à faire danser l'écriture.
Et cette danse de l'écriture passe par la perte du sens commun de la langue, la perte du sens à la racine du rythme vibratile et de l'amour.

"Sens la vie ne pas de Dieux.
J'aime ma femme par ce q'elle donne vie."

Ma femme = Dieu(x)

"Je donne vie à mon enfant."

Je = Dieu(x)

Animisme + Parallélisme + Assimilation
Double Bind.

Ground Zero.





jeudi 28 juin 2007

Autoportrait 12 - Bruno Lemoine - 28 juin 07



Pourquoi n'y aurait-il que les femmes à pouvoir changer de tête ?

jeudi 17 mai 2007

Lettre aux homonymes

M. Bruno Lemoine,

À Monsieur Bruno Lemoine


Cher Monsieur,


Nous ne nous connaissons pas et cela devrait en rester là entre nous. Mais, comme moi, parfois, il m’arrive de vouloir m’amuser, je me dis que, peut-être, l’un de mes homonymes ressent la même envie que moi.

Moi aussi, je m’appelle Bruno Lemoine, comme vous, et je suis un écrivain. Peut-être que, vous aussi, vous êtes un écrivain, et que vous aimez les canulars, comme moi. En tout cas, moi, si je suis devenu écrivain, c’est par amour des canulars, par amour pour les canulars.

J’en suis aujourd’hui à mon deuxième livre qui sera publié dans quelques mois aux éditions al dante. Mon premier livre s’appelle Matachine, publié l’année dernière dans la même maison d’édition. Vous pouvez trouver des traces de moi sur Internet en faisant des recherches et j’ai aussi un blog sur Google, intitulé V-imaginaire. Vous verrez sur ce blog des « autoportraits » de moi, dont l’un, le dernier, me représente en jeune femme enceinte (j’en suis très fier). Le concept que je me propose de faire aboutir, c’est que de permettre à d’autres personnes que moi de jouer mon rôle.

Voilà pourquoi j’aimerais vous rencontrer. Vous avez pu avoir envie, comme moi, de jouer un autre rôle que le vôtre, mais le temps ou les circonstances ne vous ont pas permis d’exaucer ce souhait.

En tout cas, ce dont je suis sûr, c’est qu’une telle lettre ne pourra pas vous laisser indifférent. J’espère qu’elle vous aura amusé, vous aussi. Et si, comme moi, vous aimez la vraie et franche rigolade, appelez-moi.

Cordialement.


Bruno Lemoine