lundi 30 mars 2015

Deux films, deux poètes


Deux films, deux poètes

Une proposition de l’association L’homme approximatif, collectif de poètes imaginé par François Dominique et Bruno Lemoine


Le vendredi 10 avril 2015 à 20hGalerie Barnoud - Entrepôt 9, 9 bd de l'Europe 21800 Quétigny


Lectures de textes et projections :


András Gyöngyösi : lecture de textes inédits : Autour de Mozart








Jean-Luc Bourdon : projection du film Les fondateurs (2015, inédit) de cet auteur et lecture du texte ainsi titré par le comédien Pierre Antoine



Projection du film L’homme approximatif, d’Isabelle Filleul de Brohy, paru avec l’anthologie du même nom aux éditions Al Dante en 2013 : aspects de 16 poètes contemporains.

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András Gyöngyösi : né à Debrecen, en Hongrie, en 1962. Informaticien, pianiste et poète, il a publié deux recueils à Budapest. Il a traduit en français un choix de poèmes de Dezsö Tàndori (Editions Virgile) et publié des poèmes en français pour les revues IF et Action Poétique. Vit en France, à Dijon.
 
Jean-Luc Bourdon : naître, en 68 – puis d'école, le souvenir seulement - Il écrit sans savoir s’il veut imprimer, perd les textes ou ne les enverra pas. Il chante, lâche au courant (d’air) et, parfois, remonte un objet. Enfin, mise en scène de ses premiers textes pour une clownerie : autoportrait caricature, oeuvres complètes, les fiancés, mort au bord d'une pierre blanche.


Entrée libre sur réservation : 03 80 66 23 26 ou contact@galerie-barnoud.com


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L’homme approximatif est un collectif de poètes imaginé par l’écrivain François Dominique et Bruno Lemoine. Il s’agit de témoigner de l’impermanence de la mémoire des hommes et, par là, d’amener le lecteur à réfléchir sur les raisons pour lesquelles une parole originale peut se perdre, mais aussi se retrouver, semble alors jaillir à nouveau, dans une dynamique analogue à celle du phénomène de résilience étudiée en psychologie par Boris Cyrulnik.

Pour plus d'information sur l’anthologie "L’homme approximatif" (Al Dante, 2013), nous vous recommandons la lecture de l'article de Jocelyne Remy "Ecritures nomades et solitaires", paru dans le Bien public le 11 novembre 2014.

Organisateur de l'évènement : association L’homme approximatif, chez M. Bruno Lemoine, 35 rue de Talant 21000 Dijon, h.approximatif@live.fr - activités bénéficiant du concours du Ministère de la Culture (DRAC Bourgogne).

 


 


lundi 9 mars 2015

La traque du Minotaure. Ou comment une maison peut-elle devenir un labyrinthe ? (7)

Renée. Lost Highway, David Lynch


    Vous rappelez-vous, lorsque vous faisiez l’amour à votre femme, Renée ? Vous vous excitiez sur son corps et elle ne bougeait pas, elle semblait attendre que ça passe. Vous, vous étiez aux anges, vous vous noyiez dans ses bras. Lorsque vous avez fini de jouir, c’est là, quand vous avez remarqué sa main dans votre dos, qui vous faisait une petite tape… vos yeux crispés cherchant la main de votre femme, dans votre dos, pour comprendre que vous même avez été joué depuis le début, par les femmes d’abord, par celle-ci et par une autre, votre propre mère, car cette petite tape dans votre dos correspond en tout point à celle que vous faisait votre mère, quand vous étiez un nourrisson, après que vous aviez bu son lait. Cette main de Renée, après votre orgasme, vous ramène à ce que vous étiez enfant, comme si, finalement, rien n’avait eu lieu hormis un rot, un simple rot se répétant en boucle une vie durant : la déglutition du lait sur l’épaule d’une mère.

    Vous racontez alors à Renée le cauchemar que vous avez fait, la nuit dernière. Renée est à côté de vous dans le lit et vous lui racontez votre rêve, après lui avoir fait l’amour : vous étiez dans la maison et Renée vous appelait ; vous la cherchiez d’une pièce à l’autre mais vous ne la trouviez pas. Puis vous êtes arrivé dans votre chambre : elle était là, forme allongée sur le lit, mais ce n’était pas elle : cela ressemblait à Renée, mais ce n’était pas Renée. Vous vous êtes alors approché d’elle, dans votre rêve, et la femme, qui ressemblait à Renée, a pris peur… Renée a alors senti que vous vous troubliez en évoquant votre rêve et elle s’est redressée vers vous. Quand vous l’avez regardée, il y a eu cette figure en surimpression sur son visage : la projection de la figure d’un homme, que vous ne connaissiez pas et qui semblait vous regarder à travers les yeux de Renée. Effrayé par cette hallucination, vous avez alors allumé votre lampe de chevet et Renée vous a demandé si vous alliez bien… vous vous souvenez ?



    Le lendemain, Renée découvre, en bas des marches de la maison, une cassette-vidéo dans un sac plastique, et, le soir, elle vous montre son contenu à la télévision : le film présente la façade de votre maison en plan fixe. Vous êtes alors sorti pour voir où cela a bien pu être filmé et vous vous êtes retrouvé dans la rue en face, la rue des iris, pour vous faire une idée… La rue des iris, oui, c’est comme cela que s’appelle la rue qui est en face de la vôtre… Iris, comme la partie colorée de l’œil humain, celle qui s’ouvre et se ferme selon la luminosité ambiante… – Vous revenez alors chez vous et Renée vous apprend qu’elle a déjà appelé les voisins pour savoir s’ils avaient vu quelque chose, mais rien… Vous lui demandez alors si elle-même n’a pas une vague idée. Qui pourrait bien être l’auteur d’une telle cassette ?... Apparemment, une telle intrusion dans votre vie privée vous embarrasse, cela se sent. Vous n’êtes pas le seul homme qui pourrait être gêné en visionnant un tel film, nous l’aurions été tout autant… Vous imaginez alors qu’un copain de votre fils, Pierrot – oui, vous avez un fils et il s’appelle Pierrot –, un de ses amis vous a, sans doute, fait une sale blague. Puis vous passez à table avec votre femme, dans une grande pièce qui fait office de salle à manger et de salon. Les murs de la salle à manger sont remplis de rayonnages sur lesquels des livres de toutes sortes sont posés. À ce moment-là, Pierrot entre à la maison et il s’assied à table, après que vous et Renée l’avez embrassé. 

Marie, dans Caché de Mickael Haneke


    Deux jours plus tard, le spectateur peut voir votre émission littéraire passer à la télévision. Vous êtes filmé à la fin d’une émission littéraire, dont vous êtes le présentateur, au moment du générique, et l’on peut remarquer que le plateau-télé ressemble à la pièce qui fait office de salon et de salle à manger dans votre maison : des rayonnages de livres posés les uns après les autres, mais ici les tranches des ouvrages, visiblement, sont faux et servent de décor à votre émission ; on ne peut résolument pas se dire qu’ils soient vrais, tandis chez vous, oui, on ne peut mettre en doute le fait que vous lisiez. Puis l’on vous voit sortir sur le plateau, après l’émission. À ce moment-là, Renée vous appelle sur votre téléphone portable pour vous dire qu’une nouvelle cassette-vidéo vient d’arriver, et elle vous demande de la rejoindre pour la visionner avec elle.

    La cassette est emballée dans une feuille de papier blanc, sur laquelle un visage est dessiné au crayon, qui ressemble à celui que vous aviez cru voir, projeté sur le visage de votre femme, il y a quatre ou cinq jours. Cette fois, la cassette-vidéo présente la façade de votre maison, avec des plans réalisés à partir des baies vitrées sur le toit, de l’intérieur du premier étage et de votre chambre, et vous vous voyez, vous et votre femme, dormir dans votre lit ; vous vous voyez, vous et votre femme Renée, vous vous voyez, vous et votre femme Marie, dormir. À ce moment-là, vous avez un flash, celui d’un curieux homme, dont le visage vous rappelle quelqu’un, n’est-ce pas ? – Votre femme ne s’appelle pas Renée, mais Marie et c’est vous qui vous trouvez avec elle dans une chambre qui a été filmée par un inconnu. Vous vous appelez Georges Laurent, n’est-ce pas ? Vous vous appelez Georges Laurent et votre femme s’appelle Marie ?  

    Cet homme, dans votre flash, a un visage curieux, comme la figure dessinée sur la feuille qui servait d’emballage à la cassette-vidéo ou comme le flash que vous avez eu, il y a quelques nuits de cela, en racontant un cauchemar que vous avez eu à votre femme. L’homme est petit, avec des yeux sombres qui vous regardent intensément, comme si vous vous connaissiez l’un et l’autre, mais ce ne doit pas être dans le film que vous visionnez maintenant, mais dans votre tête, que vous voyez cet homme devant vous ; ni Renée ni Marie n’en font mention, d’ailleurs. C’est vous qui, pendant le film que vous visionnez, imaginez cette créature étrange que vous semblez connaître et qui a quelque chose de cet inquiétant familier dont parle Freud, à propos de la nouvelle fantastique L’homme au sable d’Hoffmann. Puis Renée, ou Marie, puis Marie et Renée a peur et elle vous demande d’appeler la police, et vous arrêtez la cassette.
     Passe maintenant, sur l’écran de votre téléviseur, un reportage sur une épidémie en Chine. On voit à l’écran la victime chinoise d’une épidémie, dans une grande combinaison blanche et le visage caché, emporté par une ambulance, derrière un cordon policier. Et Renée ou Marie, et Marie ou Renée vous convainc d’appeler la police.