lundi 28 décembre 2020

Fanons II et III


 
Après Fanon -I-, voici la suite de mon livre de Jonas.



- II -

 

 

Dieu s’est, un jour,

introduit par ma fenêtre,

tel un GI en mission commando,

comme ça, sans crier gare .

Il m’a dit que je me rentre un

dessin qu’il m’indiquait,

 un motif en or rouge-sang,

et dont j’ai oublié le sens,

à travers le corps,

le canon d’un .38

pointé sur ma tête .

L’opération risquant d’être douloureuse, et

comme Dieu est personne de pouvoir,

j’ai fui aussitôt, tandis qu’Il regardait ailleurs,

j’ai couru aussi loin que mon ombre pouvait porter .

On ne m’a alors plus vu dans les villes et

sur les places publiques

d’Ur ni de Moscou,

de L.A., Oulan-Bator ou Jérusalem .

         Ce qui a été fort simple,

         ne m’a pas demandé beaucoup de peine,

malgré les efforts et toutes les passes magiques

des CIA, NSA, éons, archanges, feddayins ou Sainte-Vehme, et

         quoiqu’en aient pensé, par la suite, mes glosateurs,

fonctionnaires ou affidés grands scribes du

train-train très transcendant

roman épique-et-toc intitulé Bible,

Bibelot ou Bèle-mouton .

 

Peu de gens me connaissaient naguère,

avant que Dieu ne s’intéresse à moi,

puisque je n’ai jamais cherché à avoir plus

qu’un toit pour vivre .

Je mangeais aussi à ma faim et sans problème d’estomac ;

cela aussi, je voulais le mentionner au lecteur

pour le rapport de greffes et autres fariboles,

toutes plus sérieuses

impérieuses et hiératiques,

que leurs scribes pourraient saisir

sur des papyrus, pierres de rosette

ou autres peaux de phoque

confectionnées mano,

de façon mécanique, auto ou quantique,

et cela depuis que la vie compte double,

sur les places de marchés de Crésus

ou dans les coffres-forts des banques Fugger .

 

          Je suis un homme simple,

         je suis Jonas, je suis un prophète,

un oiseau de malheur,

mais je n’ai choisi d’être ni homme ni Jonas ni prophète

ou oiseau de malheur .

Je suis Jonas,

et je n’ai jamais rien choisi du tout,

rien, voyez-vous,

pas plus que vous, d’ailleurs, qui, comme moi, maintenant,

fuyez les cruautés de Celui qui vous a jeté ici-bas .

 

Les vagues courent devant vous,

les vagues courent derrière vous,

Mer relâche, se rétracte, ondule et bâille,

et son bâillement

fait naître et trépasser et vies et mondes .

Moi, je suis avec vous sur le bateau

qui nous fait quitter Israël pour Tarse

en Espagne

Nous sommes tous, là,

marins et voyageurs,

à fuir nos dieux respectifs,

cependant que notre navire

glisse sur la mer du Milieu et nous emporte.

 

Les vagues courent devant nous.

Les vagues courent derrière nous

et nous entraînent,

les vents s’emballent et s’engouffrent

dans les voiles.

Notre nef tangue et chavire,

Son bois craque et cède.

Alors vous priez vos dieux,

vous les implorez chacun dans votre langue,

vous leur demandez pardon d’avoir fui,

tandis que, en vous voyant aussi lâche,

et vous lamentant, contraints, contrits

et jetés comme moi sur la mer furieuse,

je me mets à rire aussi sec de vos naïvetés

et petites lâchetés :

« Vous vous attendiez à quoi ?

Que vos dieux vous oublient maintenant ?

Les dieux n’oublient rien, jamais. 

Vous l’ignoriez ? »

Puis, sans plus attendre,

confiant mon sort à la fortune

et ne craignant ni la mer ni la mort

ni d’être apostat,

et l’enfer moins encor que la vie,

je descends à fond de cale et je m’endors

d’un sommeil profond,

du sommeil du juste,

et vous laisse

seul à votre lamento .

 

 

- III -

 

Les difficultés ont commencé à survenir après ça :

 

Perte des eaux normales, transparentes,

dilatation du col de l’utérus sans réel problème .

Les doigts de l’obstétricien palpent maintenant

l’abdomen de la mère .

Matrice saine

Présentation longitudinale du fœtus

Le pôle céphalique à l’avant,

comme convenu,

sous le siège,

dans le col de l’utérus .

L’index de l’obstétricien

touche ensuite, derrière le siège,

 la tête du fœtus

qui se met à réagir curieusement,

comme si…

Le fœtus résiste,

montre l’échine

fait le gros dos

Le fœtus semble résister,

comme un dormeur dans un

sommeil profond,

un dormeur

qui ne voudrait pas venir à ___

Surgit alors le porion,

contremaître des mines divines

et capitaine du bateau,

sur lequel je vogue .

Sa lampe à benzine devant mes yeux,

il hurle maintenant à tout rompre,

sous la voute noire de jais

tenue par les boisages :

« Mais que faites-vous là, monsieur Jonas, à dormir à fond de cale,

tandis que tout le monde est sur le pont et la mer démontée ?

Vous n’entendez pas les vents mugir et les

bourrasques emporter les voiles ?

Vous devriez être, au-dessus, avec les autres voyageurs ! »

J’ouvre alors les yeux, et je découvre,

étonné, ahuri, la tête furieuse du capitaine,

à quelques centimètres de mon visage,

figure noire de suie,

sa lampe à benzine toujours fichée sur le crâne :

« - Mais n’avez-vous donc aucune dignité, monsieur Jonas !

Levez-vous ! Sortez dehors ! 

- Merde ! », lui fais-je alors .

A ces mots, ses marins, mineurs des mers à hauts fonds,

me prennent par la peau du cou et m’emportent,

tel un chat,

sous les remous du navire qui prend l’eau ;

ils m’enferment dans l’ascenseur du puits rugissant,

qui, sous des vagues mugissantes

aussi grandes que dix navires,

me remonte au beau milieu de vous autres,

ayant payé billets et passeurs

pour vous tenir au beau milieu des remous,

des astres et désastres

aux abords de Chypre, de l’administration Schengen

des pirates libyens ou des corsaires .

 

« Il n’y aura pas besoin de forceps, madame,

si j’arrive à tenir la tête de votre enfant

avant qu’il ne se retourne .

Poussez, madame,

poussez,

continuez les contractions,

je sens qu’il vient ! »

 

Les ventilateurs poussaient dans les galeries un ouragan mécanique aussi violent qu’une tempête en mer .

 

Je me suis donc, à nouveau, retrouvé sur le bastingage,

parmi vous, au milieu de vos poules, femmes et enfants,

qui poursuiviez vos litanies à vos dieux et qui rêviez

maintenant du dessin au motif rouge sang qu’Il voulait

vous rentrer, comme à moi .

 

Le ressac des rames des berlines ajoutait à cette atmosphère violente l’illusion du choc des vagues .

 

Cela a duré encore un instant, moi figé, fiché dans mon coin, comme

une cale, à écouter vos jérémiades, et vous, mouillés jusqu’aux os, et les

bras ballants ou levés aux cieux, pour je ne sais quelle oraison .

 

Le film était très mauvais, vraiment, et, derrière moi, je sentais le regard

noir, dans les cieux noirs, du porion, capitaine des mines de charbon sur

mer ou sous terre, alors que galeries et cieux s’effondraient sur nos

têtes, et cela depuis la Genèse .

 

Mais, comme aucun dieu ne répondait à vos appels,

le porion noir, lampe sur son casque

illuminant les voutes,

au milieu d’un boyau, cria sur son navire :

« Puisqu’aucun dieu ne répond à nos appels,

nous allons tirer au sort

lequel d’entre nous a offensé son Maître .

Celui que le hasard désignera

sera jeté dans les gouffres béants

hors du navire  

espérant par là calmer les eaux

et rendre notre voyage paisible .»

L’ordalie, en somme,

la justice des hommes

la plus simple qui soit .

 

Trois fois alors,

marins, mineurs ou voyageurs sont tirés au sort,

et trois fois,

mon nom sort du chapeau .

Alors, le capitaine ou porion sacré consacré

de mines & nefs des fous

me demande, effrayé :

« - Mais qui êtes-vous, Jonas ?

- Je suis hébreux, lui répondis-je . Je viens d’Israël .

Mon dieu, Yahvé, est très fort, puisqu’il arrive à vous faire plier l’échine

jusqu'à terre .

Vous pouvez le prier, vraiment,

c’est un super dieu super qui se prend pour le dieu des dieux .

Pour sûr, vous ne trouverez pas dieu

plus puissant

plus aimant,

plus furieux,

omniscient & rusé que lui,

jamais .

Il me tient, comme vous voyez, par la peau du cou du cul

comme vous .

Pourquoi mon dieu m’en veut-il

et vous fait voguer dans la même galère que moi ?

Pour rien, en fait .

Je n’ai pas voulu être son prophète, voilà tous mes crimes

sur la comète révélés .

Vous pouvez refuser de cultiver le champ d’un homme

mais pas celui de Yahvé .

Et donc j’ai cherché à fuir, sur ce navire,

la mission que mon créateur m’a donnée

il y a deux jours .

Moi, si j’étais vous, je jetterais mon corps à l’eau,

dès maintenant .

Après ça, tout redeviendra libre et tranquille

comme avant, pour vous,

l’eau des mers redeviendra lisse

comme de l’huile,

et vous arriverez à Tarse,

en Espagne, à bon port,

pour sûr ! »

 

Aussitôt dit, aussitôt fait :

on m’a alors jeté dans une saignée bleue ouverte

sur le fond des temps .

Et j’ai bien cru que toute cette histoire était pour moi terminée,

quand une baleine, venue du fond des mers,

s’est jetée sur moi

et elle a ouvert sa gueule pour m’avaler .

« Très bien ! ai-je alors pensé .

Qui viendra me chercher dans le ventre d’une baleine ?

Je peux à nouveau dormir maintenant . »

 

« Poussez, madame,

poussez plus fort !

Encore !

Encore !

 »








jeudi 17 décembre 2020

FANONS


 


Soujeu,

le hasard heureux

joue le noir,

         lumière anthracite

         entre pupille

    crista Œil lin

         lumière jets lumineux

         à même là

… mais où nous

pouvons repérer chaque fois

des termes non absolument

confondus…

 

Antre-A-Site

par réfraction

Magma Œil

 

        Fronce

Tératome

caché

sous de la mousse

dans le coin d’une croûte,

croquis de Jérôme Bosch

ou d’Odilon Redon .

 

Chaque foyer de l’épiderme

possède son lare niché

derrière une squame .

 

 

 

 

 

 

 

 

Les ruses d’Ulysse,

caché dans un cheval

ou sous un mouton,

proviennent du clair-obscur des

chairs, de leur miroitement-extension

infinie,

         touchant sa cornée,

                   comme, sur les eaux, l’ondoiement des

Sirènes envoyées contre lui

par Neptune .

 

         Les ruses d’Ulysse, mais aussi

celles du prophète Jonas,

         soujouant contre Dieu,

et s’agrippant aux dents

intérieures d’une baleine,

         les fanons, lames cornées

aussi pures que de l’ivoire,

pour ne pas être rejeté

sur la terre ferme .

 

         Ruses d’Ulysse,

tout homme qui cherche à

déjouer la volonté des dieux

         en use

         l’homme

                         use

                                la Mètis grecque,

         la sagesse des anciens sages,

mais aussi celle des poètes,

         avant que Platon ne

les chasse de la cité .

 

 

 

Le soujeu .

Le soujeu .

 

 

Diogène pris en otage en mer,

         tandis qu’il se dirigeait vers Egine .

         Diogène, surnommé par Platon le Socrate fou,

    vendu à Corinthe comme esclave par des

pirates .

« - Que sais-tu faire ? lui demandèrent les pirates .

Sous quel titre doit-on te vendre ?

- Je sais diriger les hommes,

leur affirma Diogène. Mettez ceci

sous ma pancarte, voici ce que

devra lire mon acheteur :

                                               " Diogène,

                                           capitaine en vies

                                                humaines ." »

 

Et Diogène, après avoir

été fils du grand argentier de Sinope

et mendiant sur les places d’Athènes,

         devint le précepteur des fils

d’un riche marchand de Corinthe .

 

         Aussi, lorsque ses amis vinrent

lui rendre visite pour le racheter

et qu’il redevînt à nouveau un homme

plutôt qu’un esclave, celui-ci refusa :

         « Le lion est le maître de

celui qui lui apporte à manger. »,

leur déclara-t-il .

 

 

La mètis grecque

        Le soujeu

 

Niché sous l’aine, derrière les

fanons d’une baleine ou

à l’abri dans la maison d’un

riche marchand corinthien,

                   soujouez,

                   vous soujouez vous aussi,

                   vous freinez les cadences

à l’usine,

                   vous baissez le rythme

des pulsations-machine

et celles du système .

 

Théorie de l’échec

et technique du détail lumineux,

c’est tout un .

 

Comme Ulysse, vous ne serez personne

         dans la grotte du Cyclope

         et lion pour les deux fils

d’un riche marchand corinthien .

 

                   Soujouez, vous

aussi, pour survivre, plutôt

que d’être mangés par les

hommes .

 

                   Gouvernez les hommes

                   derrière vos machines .

 

         Et vous, poètes,

vous devez, vous aussi, soujouer

pour pouvoir survivre .

         De tous les temps,

vous avez dû soujouer

         et composer avec la mètis .

 

    Vous freinez la machine

poétique,

     vous avez appris à freiner sa

cadence quand il le fallait .








 Voilà,

         tu as assez écrit pour

         aujourd’hui,

                   il faut te reposer .




 






















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