dimanche 26 septembre 2010

Babelle (3)

Détail du portail de Notre-Dame de Paris


« « Ah ! »,

s’écrie Dante ou le soleil ou toi-même à la vue de Béatrice montée sur le griffon,

« Ah ! »,

dites-vous en regardant voler les étoiles,

« Ah ! »,

font les étoiles en vous regardant voler,

puis B, puis C, puis…

Elles écrivent maintenant & inventent pour vous de nouvelles cosmogonies,

de nouveaux dieux, de nouveaux temples ouverts aux vents.

− Viendra un temps où les hommes apprendront aux étoiles à jouer. »


*

mercredi 22 septembre 2010

Babelle (2)


New Babylon, Constant


« Vous naissez un jour, reprend .le.soleil.ou.le.ciel.ou.vous-même.,

& vous apprenez une langue & vous apprenez une histoire
que vous devez connaître.

Non que cette langue & que cette histoire soient des attributs de ce que
vous êtes,
mais elles sont des outils, des moyens par lesquels vous pouvez accéder au bonheur.

D’autres voies du bonheur sont possibles,
d’autres sources de plaisir sont à trouver,
d’autres outils sont réalisables.

Faites en sorte de vous affranchir de votre langue & de votre histoire,
si vous en êtes captif,
car la vie n’est pas un travail, mais un jeu.

La seule connaissance que vous avez à vous transmettre est celle du jeu.

Les Chinois appellent cette connaissance le I Ching & les Grecs, le Kairos.

Mais il y en a d’autres, il y a une infinité de jeux.


Vous n’avez pas d’autre rôle sur terre que de jouer, de vous appliquer au jeu & d’inventer de nouvelles règles du jeu. »



*


« Regarde le ciel & la course des étoiles,

cherche leur mouvement

derrière la lumière qu’elles émettent,

la force qui détermine leur danse,

tel un doigt poussant une bille,

regarde.

Cherche quelque chose
ou

ne cherch e r ien,

mais regarde.

Applique-toi à contempler le monde,
ainsi que l’a fait Edgar Poe dans
sa cosmogonie Euréka.

Trouve l’origine & la fin des mondes,
puis jette un cri :

« J’ai trouvé ! »

ou

« Je suis ouvert ! »

ou

« Ah ! »

Le cri que tu jetteras, sera dikhr,
mot, poème, mantra, chant d’oiseau.

Cherche le cri du « J’ai trouvé ! »

Invente de nouveaux dikhr, de nouveaux mantras,
de nouveaux chants d’oiseau.

Invente de nouvelles cosmogonies :
la course des étoiles changera avec toi-même.

Crie : « Ah ! »,
la course des étoiles change avec toi-même.

Les savants ne savent même pas aujourd’hui
si origine il y a,

les savants ne savent rien sur le début et la fin du monde,

donc joue. »


٭

dimanche 19 septembre 2010

Babelle (1)


Babelle


À Adolfo Kaminsky


La Terre est à tous les hommes, chacun d’entre eux pourrait y

vivre dignement & faire le tour des continents, voir les métropoles :

Paris, la vieille dame & la disciplinée Tokyo à l’urbanisme chaotique,

lire le plan d’une ville qui change ra demain, le relire les jours suivants

& se dire que * monquartierchangeramillefoisdurantmavie *


J’ignore ce qu’il y a après lam ort , j’ignore même si un mot comme


.L .A.M. O.R.T.

a un sens

ou si

D.I.E.U.Y. A.H.V.E.B.R.A.H.M.Â.

sont mes pères.


Je me rappelle mes 1 8 ans (Je dis 1 8 ans, aujourd’hui, alors que j’en ai 35)

mon père a dit que je l’avais frappé. (Je ne l’avais pas réellement frappé ;

il voulait aller jusqu’au bout de notre relation, i l vo u lait : « v o ilà

tout ce que je t’ai fait, et, maintenant, c’est à to i. »), et il a hurlé dans

son appartement : « IL-M’A-FRA-PPÉ ! », tandis que ma main l’avait juste frôlé.


La jeunesse dit : « Je veux, nous voulons. », elle est une prière à la vie,

et son désir est aussi beau que .l’acceptation .à .tout.ce.qui.est .


٭


Nous sortons des ventres des mères

& nous goûtons au soleil.

Chaque jour, le soleil vient

& il sourit aux hommes.

Sans raison, il leur dit :

« Pourquoi es-tu ici ?

Pourquoi reviens-tu tous les jours dans la même maison ?

Pourquoi fais-tu partie d’un peuple, d’une famille ? Pourquoi as-tu une mère ?

« Chaque heure du jour ondoie son n imbe d e l u mièr e sur ta p eau.

« La terre est à tout le monde,

chaque homme, chaque peuple,

a le droit d’y circuler librement.

« C’est moi, la mère de la terre,

c’est moi qui l’ai fait ce qu’elle est.

Crois-moi : circule en son sein librement, dévore-la sans remords.

« La terre est un pays de cocagne.

Pourquoi devrais-tu faire la guerre ? Quelles raisons à vos frontières ?

Je suis le seul hôte que vous devez accueillir, je suis l’unique raison aux limites de vos champs,

& je ne vous ai jamais demandé l’hospitalité

& je ne vous la demanderai jamais.

« C’est moi, ton père et ta mère, si tu le souhaites, dis-toi que c’est moi.

Aime celui qui te fait du bien, durant ton enfance, dis-lui, * Mon.père. * ou * .ma.mère. * , si c’est ce qu’il veut entendre,

mais lui-même est issu des astres, et, en tant que tel,

n’a pas à revendiquer appartenir à une famille.

Chacun d’entre vous est lepèrelamèreoul’enfant de qu i il sou haite. »



*


,Il n'y a pas d'étranger pour ce qu'il en est de l'homme"

.poursuit maintenant le soleil


L’endroit où vous naissez est le fruit du hasard, votre vie même est un réseau

de


-c-

-ir-


-c-

-ons-

-tances-

dont vous croyez reconnaître des signes et des vérités dans ce que vos géniteurs vous ont transmis

mais vos familles, tout autant que les frontières de vos nations,

sont les inventions des poètes.

Chaque homme, chaque peuple doit pouvoir circuler librement & n’a pas à se faire reconnaître sur sa route

« Vous n’avez pas à vous désigner par * -un.nom. *,

de même que vous n’avez pas à demander

* -un.nom. *

à celui que vous rencontrez.

Chacun d’entre vous est libre de se * -nommer * et de * -nommer * les êtres et les choses, selon ses goûts.

Il n’y a nulle signature au commencement ou à la traversée de je ne

sais quelle histoire

aucun sulfurélémentaloucivilisation avant pendant & après vous.

Par rapport au firmament, chaque grain des étoiles dans la nuit

renvoie votre image à votre gré :

l’orbe du monde est un

.

qui n’a nulle dimension

dans l’espace


,Quelle vanité que de rechercher une mesure aux hommes & aux choses

? au proche & au lointain

Vous ne vous appartenez pas plus que la terre ou le ciel ne vous appartiennent.


Les maisons que vous bâtissez sont autant des lieux de passage

.pour vous que pour l’étranger qui vous demande l’hospitalité

Laissez-lui les clés de la maison, quand il arrive à votre porte

demandez-lui l’asile le gîte & le couvert, dès qu’il passe le seuil

et quittez-le, le lendemain, après l’avoir embrassé sur la bouche,

reprenez sa route, reprenez la promenade devotreamidevotreamant,

là où il l’a laissé, en remerciant le ciel de ses bontés.


Je suis moi-même issu de la maison du ciel

,je change avec lui chaque fois les liens qui nous unissent &

de sorte que, me regardant tournoyer,

vos yeux glissent inlassablement

de m lui deoim

de moi à lui,

à lui,

du bleu profond de son cerne

,à l’éclat blanc de ma pupille

".tel le libre jeu des vagues sous la mer

٭

jeudi 9 septembre 2010

Ghérasim Luca 2010


« − Caméra, regarde :

J’ai une carte d’identité française,

je suis blanc, je suis noir,

je vivrai de sept à soixante-dix sept ans,

mais toi, tu ne me reconnais pas.


− Soixante-dix sept ans,

soixante-dix sept ans, te répond alors Anubis,

tes parents envoient leur cercueil au Maghreb

ou au Machrek,

et toi, tu mourras ici.


Soixante-dix sept ans,

vingt-huit mille cent cinq jours,

674 520 heures,

40 471 200 minutes,

2 428 272 000 secondes,

4 856 544 000 respirations potentielles,

et pendant ces 4 856 544 000 respirations potentielles,

pendant que le fleuve de la vie te traverse entre Inspir et Expir,

tu penses : « Je suis un indigène de la République »

et tu n’as pas lu Ghérasim Luca,

tu ne connais pas Ghérasim Luca.


− Caméra, regarde :

Je suis Amok, fou furieux, forcené,

4 milliards de souffles à brûler.

Tu ne me vois pas,

je cours trop vite,

tu ne m’enregistres pas.

je ne suis pas un indigène de la République,

je ne suis pas français,

je ne suis pas arabe,

je ne suis pas israélien,

je ne suis pas Ghérasim Luca,

je n’ai pas de nation,

je n’ai pas de drapeau,

je ne suis pas un héraut,

je ne suis pas un poète,

je suis Amok,

et mes mots courent plus vite que le souffle,

courent plus vite que les drapeaux,

courent plus vite que les nations,

courent plus vite que Sion, l’Umma, l’Huma,

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent »