dimanche 7 juillet 2013

Saoule


Saoule, elle vient donc en été, à la terrasse d'un café,
ne paie pas la limonade de son enfant et repart.
La serveuse la rappelle :
semonces de la mère sans le sou,
qui n'admet pas qu'on la reprenne pour un euro.
La serveuse, impassible, se défend
et demande à la mère de se tenir devant son enfant.
Celle-ci prend la mouche, des clients interviennent,
mais une gifle part, un couteau sort
et une main devient rouge.

Testimony, récitatif du poète Charles Reznikoff,
ensemble de rapports policiers
présentant une cartographie du crime,
de 1891 à 1915, aux Etats-Unis ;
tout le sang du peuple américain semble y être compulsé
Air liquide comprimé en une flasque.

Un homme met son poing sur la blessure de la serveuse,
au flanc, les urgences et la police arrivent,
et ma déposition est prise à huit heures du soir,
après les autres clients.
Je demande alors à l'inspecteur une copie des rapports,
qu'il me tend, avec morve et cynisme :
" - Pour ce que cette histoire vaut... Qu'est-ce que vous allez en faire ?
- Les reprendre, monsieur l'inspecteur. Que va devenir l'enfant ?
- Je n'en sais rien, il sera placé dans une famille d'accueil par la DASS.
Pour la suite, c'est vous l'écrivain, à vous de lui écrire une vie.
Vous avez mon imprimatur."
Et je sors du commissariat comme un vampire avec sa proie.