samedi 7 avril 2012

Onan Copyleft




ONAN



  
Scène 1

Onan et la femme du frère aîné d’Onan


Onan - La crise et l’atomisation sociale sont telles qu’il y aura toujours plus de personnes s’adonnant à une activité solipsiste.
Certains travailleront et d’autres non,
certains deviendront artistes ou écrivains et d’autres non ;
certains, reconnus par leurs pairs, feront tout pour cette reconnaissance,
ils prendront des poses, ils feront carrière et la renommée viendra ou ne viendra pas.

JE SUIS ONAN LE PREMIER ONANISTE,
LE PREMIER MASTURBE DE L’HISTOIRE DU LIVRE.
LE LIVRE EST UN LEVIRAT,
LE LIVRE LEVIRAT BRÛLE LE CON DE LA FEMME DE MON FRERE AÎNE.
ALORS JE FAIS DE L’AIR STYLO,
JE FAIS DE L’AIR STYLO COMME D’AUTRES FONT DE L’AIR GUITARE.
MON FRERE AÎNE EST MORT ET YAHVE M’A DEMANDE D’ENGROSSER SA FEMME.

La femme du frère aîné d’Onan - Je suis la femme du frère aîné d’Onan, mon mari est mort et j’attends que son puîné vienne m’engrosser.

Onan - Il y a toute une économie de la culture à prendre en compte, des galeristes pour les artistes et des éditeurs pour les écrivains,
il y a des communautés de pensée qui se forment, et les lecteurs ou le public arrivent ou n’arrivent pas,
il y a tout ce qu’on doit dire ou faire pour parvenir à un travail, et ce travail correspond à une certaine idée de l’Esthétique,
il y a tous ces animaux que l’on a en soi et qui doivent sortir dans un certain ordre pour être identifiés par des experts, par des spécialistes ou le bon goût.

JE SUIS ONAN LE PREMIER ONANISTE,
LE PREMIER MASTURBE DE L’HISTOIRE DU LIVRE.
LE LIVRE EST UN LEVIRAT.
LE LIVRE LEVIRAT BRÛLE LE CON DE LA FEMME DE MON FRERE AÎNE.
ALORS JE FAIS DE L’AIR STYLO,
JE FAIS DE L’AIR STYLO COMME D’AUTRES FONT DE L’AIR GUITARE.
MON FRERE AÎNE EST MORT ET YAHVE M’A DEMANDE D’ENGROSSER SA FEMME.

La femme du frère aîné d’Onan - J’attends…

Onan - Je crois que je vous dois bien un texte. Certains parmi vous m’ont payé le voyage jusqu’ici, parce qu’ils pensaient que j’avais des choses à dire. Alors, s’il faut passer à l’acte, je m’exécute…

(Onan enlève le haut de ses vêtements)

Je n’ignore pas que la culture est une chose importante et que vous attendez de moi que je vous éclaire. J’espère que vous ne penserez pas que je suis un fumiste. Au contraire, réussir à écrire m’a pris bien des années. Je lève et je baisse le stylo, un coup à droite et un coup à gauche. Haut ou bas, ma main travaille maintenant plus vite que ma pensée.

Je pense que vous ne serez pas déçus de l’exercice que je vous présente et que l’on pourra vivre ensemble par la suite, et que j’aurais de nombreux lecteurs.

La femme du frère aîné d’Onan - Ouais, ouais, tu parles, tu parles, mais c’est du vent qui sort !

Onan - Bon…

(Il enlève son pantalon)

La femme du frère aîné d’Onan - Onan dit…

Onan - Oh non, non, non, non, non.

La femme du frère aîné d’Onan - Onan dit…

Onan - Oh non, non, non, non, non.

La femme du frère aîné d’Onan - Mais c’est du vent qui sort.

La femme du frère aîné d’Onan - Onan dit…

Onan - Oh non, non, non, non, non.

La femme du frère aîné d’Onan - Onan dit…

Onan - Oh non, non, non, non, non.

La femme du frère aîné d’Onan - Mais c’est du vent qui sort.


Onan - J’aurais certes bien voulu y croire un peu à la poésie. J’ai cherché, voyez-vous, des raisons pour lesquelles nous aurions pu nous entendre, mais je n’en ai pas trouvé. Désolé, je n’en ai pas trouvé. - Peut-être, quelqu’un veut-il venir ici et me prouver que j’ai tort ?...

… Quelqu’un pour lire un texte ou une histoire ?...

 … Quelqu’un a-t-il amené quelque chose à manger ou à boire ?... Non ?...

 - Alors, bonsoir.

(Onan  quitte les lieux)






Scène 2

1, 2 et 3 assis à une table, puis Onan.
1 et 2 sont des hommes, 3 est une femme.


1- Bonsoir, j’espère que vous allez bien. Je vous remercie d’être venu m’écouter. Je crois que certaines personnes, parmi vous, aiment la poésie. C’est bien, nous allons nous entendre.


- Bonsoir, je m’appelle Bruno Lemoine. Est-ce que quelqu’un me connaît ? Est-ce que quelqu’un a lu mes textes ? Pourquoi vous êtes venus ? Vous croyez que quelqu’un qui écrit des textes sait les lire ? Vous croyez découvrir quelque chose de nouveau ?


Et vous, comment vous appelez-vous ?

Et vous, comment vous appelez-vous ?



Qui êtes-vous ? 



  1 – Combien de personnes dans la salle ?...


1 – Comment s’appellent-elles ?

1 – On ne peut pas les appeler un par un.






Alors, vous êtes tous là, comme ça ! Et vous venez d’où ? Avignon ? Et vous vous appelez comment, et vous êtes combien dans la salle, et vous faites quoi tous les jours, est-ce que vous mangez bien ?

- Bonsoir, je m’appelle Bruno Lemoine. J’ai choisi tel nom, parce que je le trouvais joli. Et vous, comment vous choisissez vos noms ? Comme moi, par hasard ? Parce que c’est le nom de votre père ? Quel rapport établissez-vous entre la personne que vous êtes et votre identité ?


Et vous, comment vous appelez-vous ?

Et vous, comment vous appelez-vous ?



  … Dites-moi…



…2 – Compte les personnes…


2 – Ont-elles un nom ?


2 – On ne peut pas s’adresser à l’une à discrétion des autres.



3 -Bonjour, comment allez-vous ? Que vous êtes nombreux ! Est-ce que vous êtes bien assis ? C’est important, pour quelqu’un qui lit des textes, de savoir que son public peut l’écouter.


- Bonsoir, je m’appelle Bruno Lemoine. À quel moment l’on connaît quelqu’un ? Qui peut me dire : « Untel a tel visage, parce que ses parents lui ont donné tel nom et qu’un nom et un seul équivalent toujours à un visage et un seul » ? Qui peut me dire qui il est ?


Et vous, comment vous appelez-vous ?

Et vous, comment vous appelez-vous ?



… qui vous êtes ?



…3 Répète le nombre de personnes qui se trouvent dans la salle.

3 – Croient-elles chacune être seules ?

3 – Elles forment un tout.







1 – Sont-elles hommes ou bien femmes ?


1 – Il faudrait pourtant se renseigner.



1 – Se lève et avance vers le public.
À moins d’en prendre un au hasard et de lui dire : « Toi là, viens par ici ! »
Il indique un homme dans la salle et le force à monter.
« Toi là ! Viens ici, viens ! »
Le spectateur monte, puis
1-  tourne autour de lui  sans le regarder.
- « Comment t’appelles-tu ? ».
L’homme du public dit son nom.
« En es-tu sûr ? » 
L’homme du public répète son nom.






1 - « En es-tu sûr ? »




«  En es-tu sûr ? »



1 – S’arrête de tourner.



2 – Qui peut nous dire …



2 – Il faudrait pouvoir dire avec certitude à qui le texte s’adresse.



















2 – Il ne comprend pas ce qu’il lui dit…

2 – Il faudrait que l’homme brûle sa carte d’identité…


2 – On leur a trop souvent dit qu’ils sont uniques…



2 – Ils meurent seuls…

… Ils enterrent encore leurs morts…

… Ils enterrent leurs morts…



  3 –… Le sexe d’un groupe ?



3 – Cela devrait être le rôle de l’auteur de le savoir, telle connaissance devrait être du domaine de ses compétences.


















3 - …Il ne comprend pas ce qu’il lui demande…

3 – Il faudrait qu’il recommence tout à zéro.


3 – …On leur a trop longtemps fait croire que 1 est avant 2.


3 – …Une tombe unique…






1, 2 et 3 s’approchent de l’homme et le touchent, comme s’il s’agissait d’un  sauvage.

Leur odorat est développé.


Ils savent pourtant qu’ils vont mourir.

Ils sont admirables.

Ils ne savent pas qu’ils sont des mouches.


1 – laisse le spectateur et retourne s’asseoir avec 2 et 3.

Moi, je m’appelle Bruno Lemoine.

Je sais qui je suis.

Je suis 3.

Demain, je prendrai un autre nom et un autre nombre.

Et vous ?

Pourquoi vous ne faites pas comme moi ?

Vous ne vous ennuyez pas trop, tout seul ?

Pourquoi êtes-vous tout seul ?

Pourquoi pas 2 ou 3 ?


1, 2 et 3 s’approchent de l’homme et le touchent, comme s’il s’agissait d’un  sauvage.

Ils ont besoin de murs entre eux.

Ils savent que la mort est partout entre eux.

Ils sont ridicules.

Ils ne savent pas qu’ils sont légions.






Moi, je m’appelle Bruno Lemoine.

      Je sais qui je suis.

             Je suis 3.

Demain, je prendrai un  autre nom et un autre nombre.

Et vous ?

Pourquoi vous ne faites pas comme moi ?

Vous ne vous ennuyez pas trop, tout seul ?

Pourquoi êtes-vous tout seul ?

Pourquoi pas 2 ou 3 ?


1, 2 et 3 s’approchent de l’homme et le touchent, comme s’il s’agissait d’un sauvage.

Ils ont besoin d’une langue pour penser.

Mais ils essaient pourtant de l’éviter.

Ils sont drôles.

Ce sont des hommes… les hommes sont drôles.





 Moi, je m’appelle Bruno Lemoine.

Je sais qui je suis.

Je suis 3.

Demain, je prendrai un autre nom et un autre nombre.

Et vous ?

Pourquoi vous ne faites pas comme moi ?

Vous ne vous ennuyez pas trop, tout seul ?

Pourquoi êtes-vous tout seul ?

Pourquoi pas 2 ou 3 ?

- Vous nous faites mal, comme ça, tout seul !




2 – sort une pancarte sur laquelle il est écrit « Je suis un homme seul », à 3 :
Bonjour Madame.






2 – Cela fait longtemps que je vous regarde me regarder. Si nous oubliions un instant qui nous sommes.




2 – Ah ! Oh ! Ah ! Oh ! Ah ! Oh !
Voilà, c’est fait.

2 – C’était bien, mais c’était court.


2 – Recommençons.

Ah ! Oh ! Ah ! Oh ! Ah ! Oh !
Voilà, c’est fait.


Il n’y a pas à dire…




… nous en restons sur notre faim…




… L’on recommence…

…et cet oubli ne dure qu’un instant.

3 – sort une pancarte sur laquelle il est écrit : « Je suis une femme seule », à 2 :
Bonjour Monsieur.










3 – Oui, Monsieur, cela est bien dit : faisons l’amour.


3 – Ah ! Oh ! Ah ! Oh ! Ah ! Oh !
Voilà, c’est fait.



3 – C’est toujours trop court.



Ah ! Oh ! Ah ! Oh ! Ah ! Oh !
Voilà, c’est fait.


… nous pouvons recommencer plusieurs fois l’amour…





… nous en sortons toujours frustrés…

… on s’oublie vite…





Alors, que faire ?








Oui, ayons des enfants !












Mais nous lisons…




… et nous ne sommes toujours pas heureux.





Est-ce qu’il y a un moyen de ne plus tourner autour d’un homme ?





Non…




IL N’Y EN A AUCUN !






TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !


Onan revient, il s’allume


Onan – C’est pas grave. L
davantage de choses à
queue, c’est un peu jeune, retournera, vous verrez.
se passera dans votre vie.


Oui, que faire ?






Mais les enfants grandissent…







Alors, peignons !



… mais nous peignons…






Alors, que faire ?...







Est-ce qu’il y a un moyen de ne plus tourner autour du pot ?



…il n’y en a aucun.



IL N’Y EN A AUCUN !


- Alors…



TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !


une cigarette, puis il


a prochaine fois, quand vo
vous dire. Pour l’instant,
mais bientôt, vous aurez
Un événement nouveau, q
Ne désespérez pas trop





FIN












… et nous ne sommes heureux ni avant ni après eux.







Alors, changeons-nous les idées ou croyons en Dieu !


… mais nous nous changeons les idées ou nous croyons en Dieu…




… Oui, que faire ?









… désolé…




IL N’Y EN A AUCUN !


… tant pis.



TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !
TANT PIS !


s’adresse au public.


us viendrez, l’auteur aura
tout cela se mord la
une pièce qui vous
uelque chose d’heureux
vite. Au revoir.
















Paru dans le journal Res Poetica de New al dante, en juillet 2007, pour le festival d’Avignon.