dimanche 28 décembre 2014

Chronique violette fable noire


Eraserhead, David Lynch



Sur un coussin m’a rapporté un jour

l’homme qui fit le monde à son image

Ses yeux brillaient la désespérance

l’âme des gueux leur orgueil

& la cruauté des princes

Sur son front maniaque

faux sage faux hongre faux hommasse

et les rides craquelées la tête comme un œuf

parlant de liberté

 

Il disait Regarde je ne vois pas de différence

même les femmes ont une âme

et leur bouche pareille à la nôtre

s’embrassent parasite

nous n’aurons plus de guerre

n’ayant plus de faiblesse

Il disait Écoute comme nos voix se ressemblent

serions-nous frères ou sœurs

deux morceaux d’un même nœud

louchent un espoir à vue maintenant

nous n’aurons plus d’ombre

n’ayant plus de midi

Il chantait Mange c’est la fin des temps

rien ne compte

dehors le monde clôt ses yeux et attend le désert

la longue marche du néant et les astuces pour survivre

dehors le monde s’abîme devant notre hampe

 

 

Sur un coussin m’a rapporté un jour

la plaie simiesque d’une courtisane

Ses pupilles roulaient rondes et romances

des passions mal éteintes mal embrasées

Elle disait Regarde elle disait Écoute elle disait Chante

m’interrogeant chaque fois sous son masque

traînant sa honte la perdant dans mes bras

ayant chaud ou froid serrant relâchant l’étreinte

et sa voix mâchait ses regrets mort-nés :

« Léon disait-elle permets que je t’appelle Léon

Nous devrons nous aimer Léon le sais-tu ?

Rétracte l’instant dans mes bras Léon

comme à jamais la première fois

Chante désir et chante désirade

crie oui quand je dis non crie non quand je dis oui

cherche le moyen de me prendre

trouve le moyen de me perdre

Ma coulpe pleine une croupe à la main

Lorsque je t’en voudrai

puisque je t’en voudrai

d’un baiser absous mon front vieilli d’enfant tard

et laisse mes pleurs faner ta jeunesse. »

 

Le monde change

le monde ne change pas

Le monde change 

le monde ne change pas 

La vieille chronique du troubadour

tue chaque heure

le fou sous les coups d’un roi 

ou le poison d'une appareilleuse

À deux pas d’une cour 

une maison de plaisir

le cœur lâche



Sur un coussin m’a rapporté un jour

l’homme qui fit le monde à son image

 

 

 

 

mardi 9 septembre 2014

The Black List 2



T H E  B L A C K  L I S T  2


La revue THE BLACK LIST est réalisée par Bruno Lemoine, François Dominique et l’atelier Tout Va Bien



Avec Lionel Frondeville, The church of the subgenius, Bruno Lemoine, Jean-Pierre Le Goff, Rémy Schulz, Frédéric Boilet, François Dominique, arT erroriste, Paule Sidonie Olympe Lanternier, Genesis Breyer P-Orridge, Samuel Minne, Daniel Arsseniev, Liliane Giraudon, Valère Novarina, Garance Clavel, Yves Adrien, Chloé Silbano, Tout Va Bien…

The Black List accueille, dans sa revue, des poètes et des artistes qui n’ont pas oublié que les listes noires peuvent revenir en Europe et qui n’attendent pas d’y être pour se signaler comme voulant en faire partie.

The Black List est donc une sorte de liste noire avant la mise en place d’un comité de censure : une liste noire par anticipation.

On peut considérer The Black List comme une nouvelle forme de contre-inquisition sans religion ni chef ou bien comme une simple revue ; en ce sens, nous estimons qu’une nouvelle forme d’esthétique serait possible actuellement. Mais comme il est avéré que toute avant-garde est par avance périmée, The Black List se fixe pour tâche la quête de l’Impossible.

Prix : 17 euros
70 pages
Pour commander The Black List 2
Adressez-vous à l’association L’homme approximatif, chez M. Bruno Lemoine, 35, rue de Talant, 21000 Dijon
h.approximatif@live.fr          Tél : 06 13 17 06 93

L'homme approximatif

François Dominique, Bruno Lemoine
& Cie :
Paul Lapaiche Jean-Pierre Le Goff Cécile Mainardi Jacques Maitre... David Burty Saïd Nourine Éric Cassar Aurélie Gérardin Christophe Esnault Jean-Luc Bourdon Céline Faure John GelderBruno Lemoine Noëlle Audejean Andreas Gyöngyösi
« L’homme approximatif »
Livre & film DVD réalisé par Isabelle Filleul de Brohy
Editions Al Dante

En poésie comme en tout pays, qu’ils soient réelles ou imaginaires, en marge des groupes et des courants s’élèvent des voix singulières, solitaires, inadaptées car se modulant hors les partitions imposées, ne pouvant se construire à partir des codes autorisés, refusant de se réfléchir à l’aune des gloires éditoriales et autres reconnaissances institutionnelles et commerciales. Dans ce collectif imaginé et organisé par François Dominique et Bruno Lemoine (eux-mêmes poètes), quelques singularités poétiques actuelles croisent et joutent en sympathie avec d’autres du siècle dernier, que la critique savante appellent « les dédaigné-e-s et les oublié-e-s ».
 
Ce livre est un projet sans autorité, situé du côté de la révolte contre toute forme de servitude, mais aussi un acte a-topique dont la fragilité, l’improbable, l’inachèvement ne le situent en aucun lieu repéré par les vigies de la « modernité ». Nous sommes « à côté de la plaque », comme disent les censeurs des bonnes manières littéraires. (François Dominique)
Je parle de qui parle je suis seul
Je ne suis qu’un petit bruit j’ai plusieurs bruits en moi
Un bruit glacé froissé au carrefour jeté sur le trottoir humide
Aux pieds des hommes pressés courant avec leurs morts
écrivait Tristan Tzara dans son poème L’Homme approximatif, sous lequel cette aventure éditoriale se place en bienveillante tutelle.
  
http://al-dante.org/poesie/n-leroy-cyrano-de-bergrac/




samedi 31 mai 2014

"L'homme approximatif"

François Dominique, Bruno Lemoine
& Cie :
Paul Lapaiche Jean-Pierre Le Goff Cécile Mainardi Jacques Maitre... David Burty Saïd Nourine Éric Cassar Aurélie Gérardin Christophe Esnault Jean-Luc Bourdon Céline Faure John GelderBruno Lemoine Noëlle Audejean Andreas Gyöngyösi
« L’homme approximatif »

Livre & film DVD
Parution : septembre 2014
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« L’homme approximatif »
Bon de souscription : 20 euros.
Livre in 8° de 118 pages, avec photo de Bernard Plossu. Documents en quadrichromie proposés par les auteurs. DVD réalisé par Isabelle Filleul de Brohy, inséré dans l'ouvrage.
NOM : ___________________         Prénom ___________________________
Société/Institution : _____________________________
Adresse : _______________________________________________________
_______________________________________________________________
Souscription pour ___________________ livre(s)-DVD
Envoi d’un chèque de _______________________ euros
Envoi à Association L’homme approximatif, Chez Monsieur Bruno Lemoine, au 2, impasse Tabourot-des-Accords, 21000 Dijon. Mail : h.approximatif@live.fr. Tél. 06 13 17 06 93

mardi 6 mai 2014

À la main du diable

À la main du diable, Arnaud Labelle-Rojoux
  Centre Pompidou, Paris, "Le surréalisme et l'objet" (30 octobre 2013 - 3 mars 2014) 

Ici, le dernier texte, que j'ai écrit, il y a quelques mois, pour un essai intitulé maintenant... 
La souillure et le diable... où il est question de l'artiste et écrivain Arnaud Labelle-Rojoux, du diable aujourd'hui, des artistes Eric Madeleine et Chloé Silbano... et du cynisme de Diogène de Sinope, en poésie, en art, mais aussi pour ce qu'il en est de l'argent. -- Se rappeler, ici, que, à Athènes, Diogène le cynique se moquait de l'argent et qu'il prônait l'usage d'osselets, ce jeu des enfants, pour les échanges monétaires. Au fond, Diogène se moquait de toutes les formes d'échange entre hommes, de la parole, des contrats (financiers ou littéraires) ou de la poésie. Il y aurait une anti-sociologie de la communication à écrire, à partir de l'attitude des philosophes cyniques de l'Antiquité, ce qu'on nommait en Grèce le ponos, le ponos cynique... Façon aussi de me moquer de moi, de la poésie lyrique et formaliste, et du poète Christian Prigent, comme vous verrez. Donc, je m'emploie à une forme de recherche nouvelle depuis quelques années maintenant... et que je définirai comme cela, pour le moment (et pour ce moment seulement) : que pourrait-être aujourd'hui une énonciation cynique... qu'est-ce que serait la production d'un énoncé cynique ? (Je m'empresse de remettre cette question à plus tard... et de la colle sur mes lèvres, comme Charles Maturin, l'écrivain du célèbre Melmoth... je ne vous ennuierai plus, promis...)





Se payer la tête

    Dans Rien n’est sacré, tout peut se dire, Raoul Vaneigem écrit au sujet de la moquerie et de l’insulte : « Il convient de distinguer entre, d’une part, la moquerie, le quolibet, le persiflage, la raillerie, voire l’insulte, adressés à une personne, à un groupe, à des idées, au gré d’un esprit ludique dont la cruauté reste essentiellement formelle et, d’autre part, la brimade infligée à un individu ou à une minorité par une communauté excipant de son nombre et de sa force. »[1]
    Il est donc possible qu’il joue au ludion avec votre nom et votre image, tout est possible avec lui. Si sa calomnie a un intérêt littéraire ou artistique, sa démarche sera, selon Vaneigem, juste, sinon les lois de la démocratie prévalent, qui rendent l’individu souverain, maître de son domaine et de son quant-à-soi. La calomnie ne serait donc juste que pour l’artiste et l’écrivain, si et seulement si celle-ci a une valeur esthétique.
   
    Imaginez maintenant que les traits de son visage soient flous, imprécis, imaginez que sa figure soit ce qui se dérobe à l’observation ou à une herméneutique, de quelque bord qu’elle soit. Vous pourriez déceler en lui des caractères humains, il aurait même les apparences d’un homme, mais il ne vous viendrait à l’esprit aucun mot pour le désigner précisément, un peu comme Gygès, ce Grec qui, tournant un anneau à son doigt, devenait invisible… sauf que lui n’est pas invisible, il semble plutôt qu’il n’ait pas d’âme, pas de face ni de Mana à garder pour être et demeurer un homme, de sorte qu’il paraît glisser, être imperméable à toute forme de communication reliant les individus entre eux. Il n’est, en l’occurrence, ni un ludion ni un sycophante[2], comme le laisserait entendre la citation de Vaneigem, et, pourtant, il pourrait jouer avec vos noms comme avec vos âmes, parce qu’il ne connaît pas de borne au jeu, que la durée d’une partie de jeu ne signifie rien pour lui : il est le jeu.

    Ici, les mots résonnent dans votre tête : « Il est je », puis « Il est jeu », puis je et jeu se confondent : « Il est je(u). ». » Avec lui, l’identité prend alors une autre forme, une forme tout entière formelle, semble-t-il, – Je(u) prends… je(u) deviens une forme –, et qui ne devrait pas sortir du cadre fixé par l’esthétique, si tant est que les limites établies par cadastre au domaine Littérature et Art ne soient pas poreuses…

    Imaginez que je(u) n’aie pas de visage ou, ce qui revient au même, que mon-ton-son-notre visage soit, à l’heure actuelle, la somme de tous les visages humains vivants sur Terre ; il est, en l’occurrence, aussi un peu vous, puisque vous-même faites partie de la somme des visages qu’il possède. La calomnie ne serait alors plus possible en société, il ne pourrait pas se calomnier lui-même, à moins qu’il ne soit K. demandant à être jugé pour autocalomnie, dans Le Procès de Kafka[3]. Vous n’auriez donc pas besoin de le rencontrer ni même de le lire, comme c’est peut-être le cas à l’heure actuelle, puisque vous le connaîtriez intimement, que vous seriez la même personne que lui ; et vous ne désireriez pas vous rencontrer dans la rue ni même chez vous, n’est-ce pas ? À moins que vous ne soyez narcissique ou que vous ne pensiez pas vous connaître suffisamment, mais, généralement, aucun être humain ne désire voir son double au coin d’une rue – c’est même le thème de nombreuses nouvelles fantastiques et du Double de Dostoïevski.

     Etymologiquement, le diable est le dia-bol (Διάβολος), soit le contraire du symbole : il est celui qui désunit et divise. En Grèce, un symbole était au sens propre et originel un tesson de poterie cassé en deux morceaux et partagé entre deux contractants. Pour liquider le contrat, il fallait faire la preuve de sa qualité de contractant (ou d'ayant droit) en rapprochant les deux morceaux qui devaient s'emboîter parfaitement. Le sumbolon était constitué des deux morceaux d'un objet brisé, de sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et donc un signe de reconnaissance très sûr. Le diable, en tant que Διάβολος, serait alors celui qui aurait dérobé un bout du tesson cassé pour tromper l’un des contractants et rompre le contrat. Mais, si je(u) est le diable, si son visage est flou ou trompeur, comment faire pour le reconnaître et empêcher que l’ordre symbolique ne soit brisé ? Autrement dit, comment faire pour que le Je lyrique – car c’est bien de lui dont il parle – jouant aux mots ne sorte, précisément, du cadre et ne joue avec vos vies ? Et si, comme le pense Vaneigem, le Je lyrique est quelquefois juste et bon en société, quand il demeure l’apanage d’un auteur ou d’un artiste, jusqu’à quel point celui, qui ne se reconnaît pas de visage en propre et se paye de mots, peut-il se payer vos têtes ? Jusqu’à quel point se payer la tête ?



Dépasser les bornes


    Il s’était posé la question après avoir vu une installation d’Arnaud Labelle-Rojoux, À la main du diable, présenté dans le cadre de l’exposition Le surréalisme et l’objet à Beaubourg, durant l’hiver 2013. Il était venu avec la poète Cécile Mainardi, l’artiste Eric Madeleine et Chloé Silbano, une jeune artiste qui était la compagne d’Eric. Il y a dix ans, Eric Madeleine avait pour pseudonyme Made in Eric, ou l’homme-objet, et il se servait de son propre corps comme d’un objet, dans le cadre d’expositions, dans des galeries ou chez des particuliers. Madeleine avait été ainsi homme-table, homme-chaise, homme-pied-de-micro ou garage-à-vélo, barrière pour saut d’obstacles ou caleçon, appareil photo ou sac à dos, puis son propre travail avait évolué, s’était transformé, comme d’un gant qui aurait été retourné : ce n’était plus son propre corps qu’il détournait maintenant de son statut de sujet, ce n’était plus lui, l’objet, mais le corps d’autres hommes choisis pour leurs métiers ou leurs fonctions sociales. Ainsi, un hockeyeur était devenu balayeur dans un jardin public, des rugbymen dans une mêlée s’étaient retrouvés à déplacer un piano à queue à la façon des déménageurs, ou des pongistes transformés en métronomes pour un pianiste, le piano à queue changé en table de ping-pong sur laquelle ils jouaient. Eric et lui s’étaient connus quelques années auparavant. Comme il était écrivain, il lui avait demandé de le représenter pour une photo de lui sur la quatrième de couverture d’un livre dont il était l’auteur[4] ; Madeleine avait accepté et ils étaient devenus amis.

     À la main du diable d’Arnaud Labelle-Rojoux était une installation qui se présentait au visiteur, Centre Georges Pompidou, au bout d’un couloir dont les murs étaient peints en noir. Une grande main rouge cramoisie d’environ un mètre cinquante, sur laquelle pendaient des personnages verts glauques : le personnage biblique de Judith tenait la tête coupée d’Holopherne, une femme nue à tête de poule observait, méditative, l’un de ses œufs, le cyclope du groupe rock The Residents pendait à l’un des doigts du diable, un nain habillé en cow-boy figurant dans un film de David Lynch… Quelque chose d’une vitrine de fête foraine ou d’une entrée du Passage parisien où Aragon avait écrit Le Paysan de Paris. Jouxtant la main du diable, la pièce d’à côté lui sembla présenter le cliché d’une chambre de schizophrène, telle qu’on en trouve dans un film policier américain, ou une installation de fête foraine dédié à Sade, à Fantomas, à Charles Manson et à Black Dalhia : des feuilles Canson de couleur sur lesquelles sont collées des articles de journaux relatant des faits-divers policiers ou des phrases gribouillées par Labelle-Rojoux comme « Un charcutier qui lit Sade est un homme de goût »… des photocopies de photocopies sur des panneaux se présentant comme tableaux et dont le cadre était fait à la mousse expansive, la sculpture d’un renard rouge présentant la tête d’Holopherne sur un plateau… cette deuxième partie étant un peu le débarras de la première, pièce morte dont la porte est cachée par un rideau…

    Il avait fait le voyage de Dijon à Paris spécialement pour voir cette installation et il dormit le soir chez Madeleine à Romainville. Le lendemain matin, durant le petit déjeuner, il discuta avec Silbano, la compagne de son hôte, à propos de l’un de ses travaux : quelques-uns des dessins de Silbano avaient été choisis pour servir de motif à la monnaie locale de Montreuil qui sortirait en 2014 et remplacerait les eurobillets.

    Les dessins de Chloé Silbano présentaient des mains, non des mains monstrueuses comme celle de Labelle-Rojoux à Beaubourg, mais des mains dans la position de tenir un billet. Ici, l’échange monétaire était simulé : une main sur un billet, comme un écho immédiat de l’échange marchand qui aurait lieu bientôt à Montreuil.
    La jeune artiste avait peur que le graphiste, qui avait été choisi par l’association en charge du projet, ne sape son travail, et des conséquences que cela pourrait avoir pour elle, par la suite… Il y eut alors, dans son esprit, cette histoire du démon inventant l’argent pour tenter les hommes et détruire leurs civilisations, et il imagina, en surimpression, sur les billets de Chloé, la main du diable de Labelle-Rojoux, puis un serpent, une pomme, un pacte… Une idée lui vint alors et il la lui exposa : et si la jeune artiste allait demander son avis sur ses billets à un faussaire devenu expert en faux ? Il avait lui-même quelquefois discuté avec Daniel Arsseniev, un ex-faussaire français connu dans le milieu du grand banditisme, parce que « se payer la tête » n’était pas qu’un jeu de mots pour lui et il lui proposa de lui laisser le numéro de téléphone d’Arsseniev… « se payer la tête » n’est pas qu’un jeu de mots pour lui et le « jeu est un Autre » de Rimbaud, à son sens, est tout le contraire d’une poétique faisant du texte littéraire une fin en soi… La lettre du voyant n’est pas une poétique revendiquant l’autotélie, comme, par exemple, Pessoa avec ses hétéronymes, Borges avec Pierre Ménard ou la biographie de Roger Laporte, mais une hétérotélie ; le texte de Rimbaud fait, au contraire, écho, selon lui, aux travaux poétiques du groupe de l’Athenäum en Allemagne, autour des frères Schlegel[5].

    Il lui expliqua qu’une monnaie devait être difficilement falsifiable, pour rendre les échanges économiques viables en société – difficilement, car aucune monnaie n’est, par nature, infalsifiable. Pour se protéger contre le faux et l’usage de faux, une société devait donc punir sévèrement les faussaires. Or, paradoxalement, dans nos sociétés démocratiques qui avaient signé après guerre la charte des droits de l’homme, faire de la fausse monnaie était puni plus sévèrement que l’usurpation d’identité : l’argent coûtait donc, malheureusement, plus cher, l’argent avait plus de valeur que l’homme ; il n’y avait même de démocratie réelle en Europe et aux Etats-Unis que pour l’argent. Ainsi, actuellement, en ce qui concernait le service des Faux documents en France, Arsseniev lui avait expliqué qu’il avait été dissous, il y avait deux ans de cela. Il n’y avait, depuis lors, plus de chasseurs de Gutenberg en France, tandis que les moyens technologiques pour falsifier des documents étaient chaque année plus  puissants. A ce propos, selon un criminologue, Christophe Naudin, en 2010, le taux de fraudes avait franchi la barre des 6 % pour les pièces administratives, ce qui était énorme pour un pays comme la France. Avec les progrès informatiques, les prix étaient actuellement devenus dérisoires en matière de faux et d’usages de faux, pour une technique d’impression chaque année plus performante. Il était donc actuellement de plus en plus aisé pour un individu de battre monnaie ou de changer d’identité et de plus en plus difficile à un État de contrôler les fraudes et, avec elles, la destinée sociale de ses citoyens. Que l’Europe permît à des collectivités ou à des artistes[6] de créer des monnaies pouvant se substituer à l’euro n’était donc pas surprenant et participait indirectement à la dérégulation monétaire en vigueur dans le monde, depuis Bretton Woods.

    Il rêva alors d’un nouvel anneau de Gygès : une communauté dont les membres pourraient battre monnaie et changer d’identité à leur gré, une communauté qui aurait accès sur Internet aux matrices pour composer des faux et ayant les machines et les papiers nécessaires pour le faire. Difficile, pensa-t-il, que les Etats puissent se défendre efficacement contre une telle communauté, car, si l’un de ses membres était arrêté ou liquidé, les autres membres menaçaient de publier immédiatement leurs sources sur Google. Gygès serait le nom de cette communauté…

    Rentrant par le train à Dijon, il se mit alors à rire. Se payer la tête, dépasser les bornes, oui… pas seulement inventer, dans des textes, une histoire à l’artiste Jubal Brown comme de vandaliser Étant donnés de Duchamp au musée de Philadelphie, pas seulement prendre la photo d’Eric Madeleine comme portrait sur la couverture de l’un de ses livres, demander à une relation de se faire passer pour lui dans une lecture publique, créer de toute pièce une anecdote à propos du Pandrogyne Genesis Breyer P. Orridge, de Jean-Baptiste Santerre, ou faire passer un acte de vandalisme commis par la suffragette canadienne Mary Richardson pour un geste du vandale Hans-Joachim Bohlmann[7]… Fictionnaliser la vie et tenter le Kaïros ou le diable. Attraper le diable par la queue et le Kaïros par sa natte… Pas seulement écrire une nouvelle adaptation du film The Game pour Michael Douglas… L’hétérotélie, la tentation de l’hétérotélie, il savait quelles conséquences pouvaient avoir l’ « esthésie du politique » dont parle Jean-Michel Heimonet à propos du duo Jules Monnerot/Georges Bataille à l’origine du Collège de sociologie[8]… Monnerot jouant aux apprenti-sorciers et fasciné par le nazisme s’était laissé séduire par l’extrême droite après la seconde guerre mondiale ; Bataille, dans un mouvement inverse, s’enferma dans son expérience intérieure…



*


  
    Dans son essai A quoi bon encore des poètes ? Christian Prigent mettait déjà en garde contre cela : « Dans les obscurités, la difficulté, la cruauté de la poésie (dans ses pointages du Mal et dans ses résistances à la détermination a priori du Sens) devraient pouvoir s’énoncer allégoriquement quelques motifs du choix démocratique : plutôt le malaise désillusionné de la démocratie que la sanglante illusion des grands projets radieux tels qu’autour de nous ils s’apprêtent, inéluctablement, à se reconstituer. »…

     Oui, bien sûr, cher Prigent, chapelliser la poésie, qu’elle ait bien un goût de ghetto contre toute tentative de fronde, petite Versailles ayant des studios pour nobles de plume qui produisent et éditent, mais… voudriez-vous pas faire partie de Gygès, vous aussi ? Si vous vous laissiez un peu aller à tourner un peu son anneau dans vos phrases ?... Être un peu plus lyrique, non ? Voulez-vous pas tourner l’anneau à votre doigt ? Vous écririez la suite de la communauté de Gygès avec lui… Battre monnaie et changer d’identité à votre guise, finis le spleen et l’ennui pascalien ! Nous serions quelques-uns à réfléchir à ce que pourrait être une telle communauté et des moyens pour y parvenir. Est-ce trop demander à l’écrivain que vous êtes ?...


                                           
                                                         Chloé Silbano... ou ce qu'il reste, aujourd'hui, des dessins de 
                                                             Silbano, pour le projet de monnaie locale de Montreuil : 
                                      un osselet de Diogène, une prune, un billet, un jeu d'échanges marchands/non marchands.



(À suivre…)
     


[1] Rien n’est sacré, tout peut se dire, Raoul Vaneigem. Editions La Découverte, Paris : 2003. P. 66.
[2] Sous cette appellation,  on désignait à Athènes des personnes qui s’adonnaient à la dénonciation et qui cherchaient par tous les moyens à provoquer des procès, de manière à mettre en valeur leur habiletés rhétoriques et à encaisser les récompenses prévues en cas de succès. Ces délateurs publics devinrent rapidement une plaie du système judiciaire.
[3] Voir, à ce propos, le texte de Giorgio Agamben sur Le procès de Kafka, dans son essai, Nudité.
[4] Il s’agit de L’après-journal Nijinsky de Bruno Lemoine publié par les éditions Al dante en 2008.
[5] Dans la revue L’Athenäum de juillet 1798, Friedrich Schlegel définit la poésie romantique comme «poésie universelle progressive », faisant ainsi entendre que la poésie est une tâche qui s’accomplit dans le temps et qui doit pénétrer peu à peu le tout du monde ; la poésie a pour but de « mêler et de fondre ensemble » (« mischen und verbinden ») D’ailleurs, le premier aphorisme des Fragments critiques de Friedrich Schlegel est « (1) Nombre de ceux qu’on appelle des artistes sont à vrai dire des œuvres d’art de la nature. » (L’absolu littéraire, théorie du romantisme allemand, Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, Seuil, « Poétique », Paris : 1978.) Dire aussi qu’une relecture des textes des membres de l’Athenäum s’impose aujourd’hui, une relecture qui serait moins platonicienne et autocentrée qu’elle ne l’a été et ne l’est encore, une théorie qui aurait le souci de la vie et de cette république de l’art dont rêvaient l’Athenäum, mais aussi Joseph Beuys, avec la « sculpture sociale ».
[6] Ainsi, le projet Art Money, au Danemark, en 2013, initié par l’artiste et écrivain Lars Kraemmer, permet à des artistes de payer en œuvre d’art leurs achats, dans certains magasins de Copenhague. Voir www.artmoney.org
[7] Il s’agit du tableau Vénus à son miroir de Velasquez, vandalisée pour des raisons de lutte féministe par Mary Richardson à la National Gallery de Londres, en 1914.
[8] « La part maudite du collège de sociologie », Jean-Michel Heimonet, Négativité et communication, Jean-Michel Place, « Surfaces », 1990. Dans la revue Acéphale de Bataille, Monnerot écrit, dans un article « Dyonisos philosophe » : « Abandonnant l’esthétique pour l’esthésie, le créateur ne crée pas de l’art, mais de l’histoire, il ne joue plus une pièce mais une partie dont l’enjeu n’est pas quelque ciel, mais la terre. »



 
 

samedi 3 mai 2014

THE BLACK LIST

Les Riches Douaniers, La parole du crâne, 2011


   En attendant le Black List n° 2, je mets en ligne le contre-réquisitoire du procès du poète noir et échevelé Xavier Forneret. The Black List est une forme de contre-inquisition blacklistant des poètes et des artistes. L'acte de foi (ou autodafé) de The Black List est donné ici :

« Messieurs les officiels commis à la poésie,
Ayant appris par Le Littéraire l’existence surprenante
de votre Comité d’Épuration pour les Lettres,
je viens vous demander de prendre une sanction
contre moi. »

Armand Robin, Le Libertaire, 
29 novembre 1946



The Black List accueille, dans sa revue, des poètes et des artistes qui n’ont pas oublié que les listes noires peuvent revenir en Europe et qui n’attendent pas d’y être pour se signaler comme voulant en faire partie. 

The Black List est donc une sorte de liste noire avant la mise en place d’un comité de censure : une liste noire par anticipation. 

On peut considérer The Black List comme une nouvelle forme de contre-inquisition sans religion ni chef ou bien qu’elle est une simple revue et que, en ce sens, elle croit encore qu’une nouvelle forme d’avant-garde ou d’esthétique est possible actuellement ; dans l’un ou l’autre cas, ce serait faire fausse route.

The Black List ressemble davantage à K, l'arpenteur du Château de Kafka, mais à un K qui aurait compris que le Château n’existe pas et qui arpenterait donc un désert, un plan lisse sans confins ni limite, comme un lion fait les cent pas dans une cage ; ce que The Black List recherche alors : que la porte de la cage s’ouvre et que le lion vous saute à la gorge.    
                
The Black List est donc une forme ultime de contorsion du vivant, un organisme ayant besoin d’une proie et capable de l’attendre des siècles, dans une position proche de la supination, pour survivre :




The Black List est une puce.

Le contre-réquisitoire du procès Forneret paru dans le numéro 1 suit ici :


Le poète Xavier Forneret (1809-1884) a été jugé à contumace par THE BLACK LIST, le samedi 23 février 2013 à la fondation d’art contemporain Le Consortium à Dijon, pour défaitisme, parasitisme et blasphème.


Durant ce réquisitoire, le poète Xavier Forneret était comparé, de façon totalement gratuite, au comique américain Andy Kaufman qui, dans les années 70, provoquait les femmes dans des matchs de catch trafiqués et annonçait sa mort dans les médias  afin que sa cote de popularité remonte.  
 



 
Poète romantique français à peu près inconnu à son époque, Xavier Forneret (1809-1884) est l'auteur d'une œuvre originale, marquée par le macabre et l'insolite, publiée à compte d'auteur puis tirée de l'oubli par les surréalistes, qui considèrent Forneret comme un précurseur de l'écriture automatique.


XAVIER FORNERET VS  ANDY KAUFMAN


    Andy Kaufman, dont le cinéaste Milos Forman avait fait le biopic avec Man on the moon (1999), n’était pas un comique américain et il ne s’est jamais prétendu comme tel. Dans un article du New York Times, il avait déclaré à ce propos : « Je ne suis pas un comique, je ne raconte jamais de blagues... La promesse du comédien, c'est d'arriver à vous faire rire de lui... Ma seule promesse, c'est d'essayer de divertir du mieux que je peux. Je sais  manipuler les réactions des gens. Il y a différentes sortes de rire. Le rire des tripes, c'est quand vous n'avez pas le choix, vous êtes obligé de rire. Le rire des tripes ne vient pas de l'intellect, et c'est beaucoup plus difficile à pratiquer pour moi maintenant que je suis connu. Ils se disent : "Wow, Andy Kaufman, ce type est vraiment marrant", mais je n'essaie pas d'être drôle, je veux simplement jouer avec leur tête. »

    Or, pour arriver à se payer la tête du public, il faut faire ce que jamais un comédien ne ferait : il faut rater son entrée en scène, mais rater dès les premiers instants sur la scène, dès la toute première fois sur les planches, et c’est ce que faisait Andy Kaufman ; le public assistait à un spectacle mauvais et, parce que c’était mauvais, parce que l’on pouvait se demander pourquoi le directeur du music hall avait permis à un tel type de monter sur scène, qu’autre chose se passait : l’on se moquait d’Andy Kaufman, puis l’on découvrait qu’Andy Kaufman jouait à merveille le très mauvais comique, mais à peine, dans un hiatus : il jouait à merveille le très mauvais, donc, à moins que cela ne fût réellement mauvais ; dans ce cas le public devait rechercher autre chose, l’on attendait, mais quoi ? Alors, certains, mécontents d’avoir payé pour ça, sifflaient Andy, mais Andy ne se laissait pas faire : c’est lui qui était sur scène et pas eux. Alors Andy lisait, il lisait le roman de Fitzgerald The great Gatsby, mais jusqu’au bout, même s’il n’y avait plus un seul spectateur dans la salle.

    Et voilà une différence essentielle entre un auteur et un comédien, un artiste ou un écrivain : un auteur ne joue pas d’abord pour le public, mais pour lui.

    En France, le premier à s’être payé la tête du public et du lecteur se nomme Xavier Forneret ; c’est un poète échevelé de la fin du dix-neuvième siècle qui habitait Dijon et qui est aujourd’hui parfaitement oublié, alors que les surréalistes, au vingtième siècle, le considéraient comme leur père. Pourquoi cela ? Pourquoi Xavier Forneret, le père du surréalisme, est aujourd’hui parfaitement oublié ?

     Parce que Forneret n’avait pas peur d’écrire de la

MERD(R)E

dans des textes ou pour le théâtre, comme Andy Kaufman l’a fait sur les planches ou lors de match de catch avec des femmes. Or, aujourd’hui, les Presses du Réél publient l’anthologie Xavier Forneret, et c’est très bien, c’est très bien de vouloir publier la première vraie

MERD(R)E

de l’histoire de la poésie contemporaine, et nous espérons, quant à nous, que cette anthologie Forneret n’aura pas de lecteur, parce que ce serait vraiment un comble que le premier à s’être foutu de la tête du lecteur en ait un maintenant.

    Comme l’écrivait le poète Julien Blaine à la fin d’un très mauvais livre dont j’ose à peine citer le nom ; il s’agit de Cours minimal sur la poésie contemporaine publié aux éditions al dante en 2009… comme l’écrivait le poète marseillais Blaine, donc :
    « Je vous emmerde tous et je continuerai à gagner mes procès et à tous vous faire chier pour dresser un jour l’immense monument en hommage à la gloire et à la fusion des estrons.

    Je suis un artiste d’une autre sorte : un artiste nouveau qui n’est pas encore sur le marché, un artiste que vous serez obligé d’étudier tout au long du troisième millénaire : le Maudit Arrogant et Triomphant (M.A.T.) »

    Pourquoi, me direz-vous, pourquoi Xavier Forneret ou un Maudit Arrogant et Triomphant, ou M.A.T., comme le poète Julien Blaine se désigne lui-même, pourquoi un M.A.T. devrait-il faire de la

MER(D)RE ?

    Pourquoi la poésie contemporaine se force-t-elle à ce point sur le pot de chambre ?

    C’est exactement la question que se posait déjà André Breton à propos de Forneret, dans son Anthologie de l’humour noir :
    « D’où vient que l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages aussi singuliers soit passé presque complètement inaperçu ; comment s’explique l’extrême inégalité de sa production, où la trouvaille la plus authentique voisine avec la pire redite, où le sublime le dispute au niais, l’originalité constante de l’expression ne laissant pas de découvrir fréquemment l’indigence de la pensée ; qui fut cet homme dont tout le comportement extérieur semble avoir eu pour objet d’attirer l’attention de la foule, que sa manière d’écrire ne pouvait manquer de lui aliéner, cet homme assez orgueilleux pour faire passer dans les journaux cette annonce d’un de ses livres : « Le nouvel ouvrage de M. Xavier Forneret n’est envoyé qu’aux personnes qui envoient leur nom à l’imprimeur, M. Duverger, rue Verneuil, et après examen de leur demande par l’auteur » et assez humble pour, à la fin de ses ouvrages, demander l’indulgence du public ? »

    Pourquoi alors ?

    Mais parce que Forneret était un M.A.T.,

    Un Maudit Arrogant et Triomphant,

    parce que la situation de la poésie à son époque, qui est celle où Mallarmé écrivait, était très mauvaise, puisqu’il n’y avait plus, mais plus du tout de lecteur, ou très peu, pour les poètes, et, aujourd’hui encore, la situation de la poésie reste détestable, alors que – fait nouveau –, tout le monde cherche à en écrire.

    Et pourquoi cela ? Pourquoi la poésie n’a plus de lecteur ? Parce que la poésie, à l’époque de Mallarmé et Forneret, découvre les Védas et les humanités indiennes, alors que le lectorat, en Occident, en est encore au miracle grec et chrétien, les poètes découvrent le style nébuleux de la poétique indienne, et, pour un lecteur en Occident, le style nébuleux, c’est de l’onanisme intellectuel, c’est de la branlette, de la diarrhée verbale, voilà ! Faites l’expérience avec vos amis, si vous êtes poète, faites leur lire les poèmes d’un yogi tantra de quelque époque que ce soit jusqu’à nos jours, en disant qu’ils sont de votre main, et ils vous répondront que vous êtes un branleur ! Et cela ira de mal en pis au vingtième et vingt-et-unième siècle, avec les apports de l’anthropologie : l’on découvrira le miracle dogon, le miracle indien, le miracle samos, le miracle pygmée, le miracle cambodgien, le miracle khmer, et tout, tout autre miracle à votre convenance ; et le miracle grec et chrétien, les humanités grecques et chrétiennes paraîtront totalement étriquées aux poètes, sauf au public et à l’Université française qui se feront un sport de ne rien comprendre et de stigmatiser la poésie contemporaine.

    Le poète, à partir de Mallarmé, est un humaniste planétaire, celui qui relie l’Orient à l’Occident, alors que le public en est encore à Cicéron et à Aristote. Donc, c’est un Maudit Arrogant et Triomphant et il devra l’accepter et accepter de faire des estrons ou


ME(R)DRE.


    Or,
pour être un M.A.T., il faut rater son entrée en page comme on rate son entrée en scène.

    Un auteur, contrairement à un comédien ou à un écrivain, s’autorise à, puisqu’il s’intéresse davantage au geste libre et gratuit. Il se paye donc la tête du lecteur ou du public, comme Forneret, puis Kaufman l’ont fait.

    C’est pourquoi vous avez dû, pour participer aujourd’hui à la première Black List consacrée au poète Xavier Forneret, avoir été trié sur le volet pour venir à la rotonde du Consortium, comme Forneret s’est réservé le droit de vendre ou non l’un de ses livres aux lecteurs qui le désiraient. C’est pourquoi aussi nous avons fermé les portes de la rotonde où vous êtes, comme Hitchcock l’avait fait, en 1960 aux Etats-Unis, pour toutes les salles de cinéma US, durant la projection de son film Psychose...

    Et, maintenant, nous allons lire Gatsby le magnifique  de Fitzgerald en anglais, comme le faisait Andy Kaufman lui-même lorsque le public le faisait chier, et nous ne rouvrirons les portes que lorsque le livre sera terminé…

    (En babillé)


Kohunakayoa palainyanokoyiyalainakayura   halayoninhirakayainyiyakatodoinna payanapoyanaekiyalaluwannakaycraraynakiyala. Haloyenapapayenakiyalionoyanapayera…


Bruno Lemoine

Lu à la fondation d’art contemporain Le Consortium à Dijon, en février 2013, pour la sortie des Œuvres complètes de Xavier Forneret aux Presses du Réel de Dijon.


Le prochain poète blacklisté sera le banalyste Jean-Pierre Le Goff.