jeudi 9 septembre 2010

Ghérasim Luca 2010


« − Caméra, regarde :

J’ai une carte d’identité française,

je suis blanc, je suis noir,

je vivrai de sept à soixante-dix sept ans,

mais toi, tu ne me reconnais pas.


− Soixante-dix sept ans,

soixante-dix sept ans, te répond alors Anubis,

tes parents envoient leur cercueil au Maghreb

ou au Machrek,

et toi, tu mourras ici.


Soixante-dix sept ans,

vingt-huit mille cent cinq jours,

674 520 heures,

40 471 200 minutes,

2 428 272 000 secondes,

4 856 544 000 respirations potentielles,

et pendant ces 4 856 544 000 respirations potentielles,

pendant que le fleuve de la vie te traverse entre Inspir et Expir,

tu penses : « Je suis un indigène de la République »

et tu n’as pas lu Ghérasim Luca,

tu ne connais pas Ghérasim Luca.


− Caméra, regarde :

Je suis Amok, fou furieux, forcené,

4 milliards de souffles à brûler.

Tu ne me vois pas,

je cours trop vite,

tu ne m’enregistres pas.

je ne suis pas un indigène de la République,

je ne suis pas français,

je ne suis pas arabe,

je ne suis pas israélien,

je ne suis pas Ghérasim Luca,

je n’ai pas de nation,

je n’ai pas de drapeau,

je ne suis pas un héraut,

je ne suis pas un poète,

je suis Amok,

et mes mots courent plus vite que le souffle,

courent plus vite que les drapeaux,

courent plus vite que les nations,

courent plus vite que Sion, l’Umma, l’Huma,

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent

courent »

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