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Université de Dijon. Bâtiment Sciences.
Et lorsque j’étais étudiant, bachotant mes Lettres à
l’Université de Dijon, une faculté bâtie dans les années 60, après l’essor
démographique, à partir des plans d’un palais allemand du IIIème Reich, mais
qui n’avait jamais servi jusque-là : escalier central évoquant pour moi
Les marchés
financiers brésiliens sont optimistes, la presse de Sao Paulo dit même qu’ils
sont euphoriques. Nous sommes à 4 jours du scrutin présidentiel le plus
incertain de ces dernières décennies dans cet immense pays de 8 millions de
km2, 1ère économie d’Amérique Latine. Et d’habitude, les milieux économiques
détestent l’incertitude. Mais là, c’est très simple : ils ont choisi leur
camp. Ils espèrent la victoire de l’extrême droite.
Chambre
de
Une condition des plus sensées, pour tout
dire, au sortir de l’adolescence, et que le plus sinistre des imbéciles aurait
pu me promulguer, tant le diagnostic plastronnait en évidence sur ma face. Reprendre
souffle seulement : aller et retour au sein des montagnes pour garder des
moutons, alors que j’en étais venu, quelques mois plus tôt, à m’imaginer vivre
de charité ou de rapines sur les routes - Rêve on ne
peut plus romantique, somme toute : mon double nomade devait faire
pénitence à chaque crime qu’il commettrait pour vivre et chercher sa Jérusalem
céleste, comme le chevalier Foulque le Noir en partance au tombeau du Christ.
Le noyau familial bourgeois…
est devenu aujourd’hui le meilleur moyen de ne pas se rencontrer
et, par conséquent, la négation même du deuil, de la mort, de la
naissance et de
l’expérience qui précède la naissance et la conception.
(Mort de la famille, David
Cooper)
Tout, j’ai usé de tous les arguments
possibles pour ne pas faire partie de la classe moyenne, de sa tiédeur et de la
mortelle reproduction de ses mœurs. Je me suis contenu, frappé du poing sur la
table au moment adéquat, disputé avec mes aînés pour ne pas en être et cherché
un compromis en employant les figures de leur rhétorique. Mes pairs, pour tout
dire, ont cru faire acte de compréhension en me proposant de me payer le psy,
le fait de partir à la montagne, qui avait été, jadis, un moyen de soigner les
humeurs des jeunes gens, n’étant plus, selon eux, qu’un biais pour me payer des
vacances. Je me suis donc vengé en devenant écrivain, et j’ai écrit, pour tout
dire, assez peu, l’essentiel n’étant pas pour moi de sublimer ou de résister,
mais un suicide moral assez long, une incubation de chaque instant, la lente
macération du Souterrain pour quelque chose d’aussi peu utile qu’un livre ou le
Livre. Maintenant que je suis capable d’en faire un, je crois bien devoir
rentrer en moi quelques années de plus et avancer les mots sans me soucier
d’être lu, en somme avancer sur le pont sans me soucier du vide : j’écris
pour mon tiroir.
Et, tout cela pour une raison aussi peu
valable que le fait de ne pas avoir été à la montagne ! Nos actes les plus
importants proviennent souvent des raisons les plus obscures.
… Il
faut croire, Monsieur, que je fais bien un peu demeuré, moi, tout seul dans un
coin de mon appartement, ayant si peu de choses à perdre dans cette vie que
même mon banquier oublie de me rappeler à l’ordre...
*
Les raisons invoquées d’écrire n’étant pas
fausses en soi, mais dépourvues de sens, comme toute intention ou acte, bon ou
mauvais, aucune raison d’écrire n’est logique,
au sens où l’entendait Wittgenstein.
J’écris pour de mauvaises raisons, mais
j’écris ou je n’écris pas.
Du vouloir comme porteur de
l’éthique on ne peut rien dire.
Et le vouloir comme phénomène
n’intéresse que la psychologie.
Paradoxalement, mal écrire ne signifie plus à notre
époque écrire injustement contre
quelqu’un ou contre un ordre, quel qu’il soit, mal écrire signifie écrire sans travail, sans correction ou sans
style. Ou bien écrire le mal ou écrire en étant le mal, masque de Sénoufo à
l’esprit changeant, hors de tout rite imposé par un dogme. Dans le deuxième
cas, la psyché de l’auteur se porte en un espace purement mental, où ses actes
comptent de part les lois qu’il invente, respecte et bafoue, et écrire mal devient progressivement, à
force de travail sur sa planche, écrire
bien.
0- Je
n’écris pas.
1- J’écris.
1-
J’écris bien - a-.
mal - b-. (« mal », ici, comme étant incorrect, maladroit, amphigourique,
allusif ou sans style.)
Puisque, dans les travaux littéraires joue
la valeur ajoutée du travail (comme l’a montré Marx), 1 - b-, à mesure que l’on
écrit, est plus difficile à tenir que 1 - a-. L’esprit travaille malgré tout et
peut finalement produire à vide son sacrifice de mots, comme l’a montré G.
Bataille.
Quel moyen autre que poétique reste-t-il
alors à l’écrivain qui veut mal faire, par haine de la société ? Quelle équation pourrait être formulée à partir des données
suivantes :
-
Je n’écris
pas : 0.
-
J’écris :
1
- 1 : J’écris a- bien, b- mal,
1 - b- devant demeurer 1 - b-, malgré la variable « travail ajouté »
?
Encore. Dis
encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’à plus mèche encore.
Soit dit plus mèche encore.
Dire pour
soit dit. Mal dit. Dire désormais pour soi mal dit.
Cap au
pire, Beckett.
Là encore, le
travail de la langue se ressent, même si Beckett est allé de 1- a- à 0 à la fin
de sa vie, la pensée joue son tour : 1 b devient 1 a.
Peut-on
désajuster la variable ‘Travail littéraire’ ?
Une proposition
p = désajustement du travail littéraire.
Par exemple, p
serait vraie ‘toutes les fois que je ne
me relis pas’.
Relecture
comme reprise, puis maîtrise du travail littéraire. La question n’est plus en
l’occurrence, Comment ne pas se
corriger ?, mais, Comment ne pas
se reprendre ? Comment laisser aller l’écriture à vau-l’eau ? Sans
retenue ? Pas même l’inconscient derrière tout cela. Aucun rythme, aucune
pulsation, rien, 0.
p serait vraie ‘toutes les fois que
l’écriture n’est tenue par aucune logique, aucun rythme, aucune image, pas même
d’angoisse. Rien, 0.
Ce serait encore tenter de formuler
l’impensable.
En transformant la pensée en travail,
l’écrivain a trouvé une matière impossible à tuer, fournissant un produit qu’il
ne peut corroder.
La pensée vit nuit et jour et poursuit
sa tapisserie malgré Pénélope… À moins de ruser avec elle.
… Des
feuillets propres, sans tache, avec la langue qui trottine son bonhomme de
chemin, comme une limace.
- Regardez-la, cette luciole !
Qu’ils diront, mes lecteurs, après remise des feuillets,
(Car je suis une luciole)
… comme elle brille ! Encore une sauvée des eaux in extremis, nouveau Moïse de
l’atomisation sociale, électron libre chantant sa Rosa Mystica dans la nuit. - Comme il a
bien macéré, le lapin !
(Je suis naturellement un lapin,
maintenant)
Quelques
feuilles de laurier avant de le cuire et service sur table !
Et tu joueras le grand jeu dans leur
assiette, oui, Guyotat, Noël ou Laborde, Nouveau Curé de
Tes humeurs malignes sublimées dans le
creuset du beau langage, plus seul, plus solipsiste pour un sou, non, mais
réduit à communiquer souverainement ton verbe à qui veut l’entendre.
Sur
une pierre de marbre, le Seigneur passant par là dit : Apolline, que
fais-tu là ? – Je suis ici pour mon chef, pour mon sang et pour mon mal de
dents. – Apolline, retourne-toi. Si c’est une goutte de sang, elle tombera, si
c’est un ver il mourra.
Depuis qu’on est tous à feu et à pot,
communauté taisible et génération fauchée, il fallait bien qu’un ou deux jeteurs
de sorts sortent en librairie. De plus en plus d’écrivains et de moins en moins
de lecteurs ! Comment cela se fait-il ? Et tous, grands écrivains
qu’ils sont, passant à la moulinette du flux tendu pour leur quart d’heure de
célébrité.
« Sorcier bigoutte, quand
j’te vois j’te doutte. »
QU’ILS GARDENT LEUR DÉCHARGE MENTALE POUR EUX ET
QU’ILS AILLENT TOUS AU DIABLE !
Au fond, l’ennuyeux, ce n’est pas qu’il y ait de plus
en plus d’écrivains, filant la laisse et essuyant les plâtres, l’ennuyeux,
c’est qu’ils avouent en être et
qu’ils voient ça comme une situation. Il n’y a plus de silence, plus de secrets
établis entre eux. Ils vivent au milieu des hommes avec la vague croyance d’une
transparence établie au cours de leur pérégrination sur table, une macération
du stylo rendant sa prière égrainée des heures durant, en pleine solitude.
Mais, quand ils s’en sortent et qu’ils profèrent leur Hocus Pocus en public, on
applaudit un tabou dévoilé/dévoyé depuis l’An Quarante et qui n’a même plus de
teneur hermétique ou poétique. Ils sentent bien quelque fois que la véritable
fin du travail littéraire est la libération d’un esprit, et ils sentent aussi qu’il faut davantage qu’un brûlot
pour ce faire, mais ils croient que cette libération ne peut être que poétique et ils enferment leurs chimères
dans des feuillets, plutôt que de se laisser posséder par elles. – Manque d’adorcisme.
Dommage...
Encore un effort, poètes, pour être un autre.
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mercredi 24 octobre 2018
Et lorsque j'étais étudiant
dimanche 21 octobre 2018
Des chimères
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Clap du "Film" de Samuel Beckett (avec Buster Keaton) |
Et, de nos
chimères, on se forge un destin
Chimères de
mots : ongles, cheveux et peaux mortes, votre vie, le récit de votre vie :
Ciel étoilé :
un cusp
ou
•
symbolisant la catastrophe
Vous pensez avoir un nombril ?
Vous l’imaginez, le voyez chaque jour
dans la glace et vous comptez le temps qui
s’effile à
son seuil ?
Vous vous dites : voici mon nombril,
il indique le temps de ma naissance et, peut-être,
celui de ma
mort ?
Vous l’imaginez, y songez, vous le voyez
vraiment ?
Naturellement, non : vous vivez,
vous n’y songez pas, vous ne le regardez pas, n’y
pensez même
pas
C’EST QUE VOUS N’AVEZ PAS DE NOMBRIL.
NOUS N’AVONS PAS DE NOMBRIL.
LE NOMBRIL EST
UN
CUSP,
UN
POINT
SYMBOLISANT LA CATASTROPHE,
POUR UN TOPOLOGUE.
Et nous ne sommes pas topologues,
n’est-ce pas ? Nous ne sommes ni devins, ni médecins, ni mathématiciens,
ni topologues ; nous vivons seulement.
Pour nous
(moi, toi, soi, lui…)
le temps n’existe pas,
seul l’instant présent est
La mort est
une abstraction pour l’homme souverain
Le
nom brille comme un soleil dans les yeux d’un mort,
le
nom brille, simule nos visages dans le miroir,
une histoire, en somme :
l’histoire de nos noms dans la
glace ;
racontez-la, si vous voulez,
si vous voulez, croyez-y.
/ET MAINTENANT,
RÉFLÉCHISSEZ,
LES MIROIRS,
s’exclamait, il y a un siècle déjà, le poète Jacques
Rigaut
/Vous
oubliez…
Vous oubliez
si facilement vos parents et si facilement votre famille et vos enfants, vous
vous oubliez tout le jour durant, dès le saut du lit, et si facilement, si
facilement, qu’on ne peut parler pour vous de condition mortelle. Vous n’êtes
pas un être mortel. Seul, en de rares moments, vous pensez au destin en faisant
de votre passé un récit vraisemblable pour le jour qui vient. Au matin, vous
vous recomposez une image, vous vous racontez des histoires en vous levant,
probablement. Mais le récit de votre vie, vous l’oubliez dès que vous sortez de
chez vous. Le récit de votre vie, les rapports, que vous tissez entre vous,
votre passé et votre présent, n’existent plus dès que vous vous mettez à agir.
Le moment où vous vous obnubilez à vouloir tisser votre destin se résume
finalement, pour vous, à quelques heures perdues, oisives, quelques heures que
vous oubliez assez rapidement.
/Votre destin n’est qu’une histoire de
plus à
faire courir
par les rues. /Des mots filent votre destin. /Votre vie est un roman et
vous en êtes l’écrivain. /Vous vous battez contre le récit de vie que la
société voudrait vous imposer :
- ce nom sur
une carte d’identité, qui paraît au commun des mortels aussi évident qu’un
nombril,
- nom brillant
à l’orée du corps et qui permet à votre prochain de vous reconnaître,
- qui vous
représente, vous, pour votre prochain,
- vous,
comme un homme, avec un âge et un parcours de vie,
- comme un
homme,
- pas une
femme, pas un chien, mais un homme pour votre entourage.
Votre image,
vous
cherchez un moyen de l’effacer des mémoires.
/Heureusement, vous n’êtes pas un homme,
vous n’avez jamais été un homme,
heureusement…
/ « Esse est percipi. » ; « Être, c’est être perçu. », pensait
Berkeley.
Chacun de
nous cherche à contredire ce principe du philosophe Berkeley, n’est-ce
pas ?
Chacun de
nous, quoiqu’on dise, est Buster Keaton dans Film de Beckett
Vous courez
contre l’œil qui cherche à vous cerner dans la rue, comme chez vous
Chacun de
nous est Caïn cherchant à fuir l’œil de Dieu après avoir perdu l’innocence,
n’est-ce pas ?
Chacun de
nous est Buster Keaton cherchant à fuir la caméra qui tourne le film de sa vie.
/Chimères contre chimères.
/Vous
cherchez une maïeutique nouvelle qui serait une façon de faire mentir la vie. Or, ce que vous faites là n’est
pas de la poésie, à moins que la poésie soit à la source de la vie. Vous vous
dites : « Chaque mot que j’emploie à mon sujet devrait pouvoir changer
mon quotidien. »
/Chimères contre chimères.
/Vous
cherchez une maïeutique qui serait une façon de faire mentir LA vie.
/Vous construisez une nouvelle chimère à opposer à la chimère de LA vie qu’on imagine pour vous.
/Chimères contre chimères.
/Méfiez-vous
de la poésie, vous ne faites pas de la poésie, ceci, ce n’est pas de la poésie.
/Et c’est
maintenant que l’entreprise devient impossible, c’est maintenant, c’est
maintenant qu’intervient le piège du poème.
/C’est
maintenant.
/Mots jetés sur la page :
des mouches attirées par du vinaigre :
un poème.
/Vous en
êtes là.
Vous êtes
devant cet impossible-là.
Cela fait
des années maintenant que vous êtes devant une telle impasse.
/Vous pourriez vous satisfaire d’écrire de la poésie,
vous pourriez, avec un peu de travail, vous satisfaire d’écrire des livres.
Mais vous ne préférez rien en somme que la chimère que vous avez établie
pour vous : la souveraineté des mouches, la vie, le vide hors du monde, à
celui des mots écrits sur la page.
/Vous en êtes là.
Vous êtes devant cet impossible-là.
Film, Samuel Beckett (version courte)
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