mercredi 28 décembre 2011

Cobaye dans sa roue

Teaser du projet Cobaye dans sa roue
Pour une meilleure qualité d'image, regarder le teaser :


ici


Un conseil : si c'est possible pour vous,
voir le teaser dans le noir sur très grand écran et le volume à fond.



Cobaye dans sa roue


Est une adaptation libre de
La solitude du coureur de fond
d’Alan Sillitoe

Un adolescent se retrouve dans un centre éducatif après avoir attaqué un fourgon blindé. On lui dit au centre : « Si tu veux t’en sortir, tu cours pour nous. On t’inscrit, après cela, dans une école pour athlètes où tu feras carrière… »

Le cobaye est une ligne bleue dans un jeu vidéo. Le cobaye est une ligne, sa vie est bien balisée : il sait qu’il lui faudra gagner la coupe pour un centre éducatif ; il sait donc à quoi s’attendre.

Il faut voir la vidéo sur grand écran, dans le noir. Il faut aussi des sons infrabasses provenant d’enceintes mises au sol pour éprouver, avec les tripes, ce que ressent le cobaye durant la course.

Les Riches Douaniers créent des machinimas, c’est-à-dire des prélèvements de jeux vidéos, qu’ils présentent comme des vidéos.

Bruno Lemoine écrit des textes et prête sa voix ici.




Extrait du générique de La solitude du coureur de fond,
The lonelines of the long distance runner,
film de Tony Richardon, 1962



Le site Internet des Riches douaniers, ici
A propos de Gilles Richard, l'un des Riches douaniers, lire sa présentation, sur Erratum#

Ici, le texte de 


Cobaye dans sa roue

Monologue

                                                      « Singe + Blocs sonores + devant + pas d’intérêt ici par la déconstruction du            
                                                      son + machine + suppression des fins de morceau + à + suppression des intros + écrire. »

Multiplicité + saturation, Wunderlitzer






Rythme cardiaque pulsant de façon modérée




Cobaye – Je dois maintenant être sur la piste depuis cinq minutes… Je suis bien, je ne sens ni mes jambes, ni mon cœur, ni ma tête… J’ai l’impression d’être ailleurs, avec un ami, en train de rouler une clope sur le bitume... Il n’y a que lorsque je cours que j’ai la sensation d’être à ce que je fais…


Silence / pulse / sample d’un gargouillis d’estomac


Cobaye – Un scribe court aussi, avec moi, afin que vous ayez une idée du décor alentours.             J’ai dépassé l’un des coureurs après une ligne droite, dans une haie bordant un champ de colza, dit, en ce moment, le scribe pour la mise en scène vidéo que vous regardez… Il décrit le verger maintenant : des cerisiers, des cerises sur le chemin de la course… Nous sommes en été, il est 14 h. 30 ou 15 h, mais le soleil n’est pas encore trop fort et frappe doucement nos têtes… Où sont les participants ?... Où sont les autres coureurs ?... Cours, petit scribe, cours, toi aussi, tu dois gagner ta vie… Cours, cours, décris la piste, travaille pour ton cachet, le scribe… Devant moi, près d’arbres encore jeunes, il y a un coureur à cent ou deux cents mètres… Il n’est encore qu’un point pour moi, comme les arbres… Cours… Je m’approche, tu t’approches du coureur, de la pointe, du bosquet d’arbres, des platanes… Il voit… je vois son maillot déjà noir de sueurs et les platanes encore jeunes bien alignés droit, petits et cons avec leurs tuteurs au sol, qu’un garde forestier a dû planter et serrer contre eux au moyen de bracelets en plastique rouge, vert ou bleu… Cours… Respire, cours, avale… Je dépasse… Avale ta salive… Je dépasse les platanes nains et le coureur en nage… Comment fait-il pour courir ? Comment font-ils pour pousser ?...  Je vois au sol un drapeau rouge à mi chemin, ainsi qu’une flèche… La voie est bien balisée, c’est une vraie course… Le scribe m’indique ou vous indique : Attention, maintenant, tourner à gauche… La flèche… à gauche !… Respire, avale et dévale la pente goudronnée jusqu’à un univers pavillonnaire, sorte de rosace grise posée à flanc de vallée au milieu de nulle part et dans lequel doivent vivre quelques familles banlieusardes et déprimées… Panneaux indicateurs dépassés et sur lesquels on a pu lire RD 75 ou Haguenau, 15 km… Les pavillons alentours sont blancs, maintenant, dans la rosace, un bout de jardin marron ou vert pour chaque maison, entouré de bosquets où bourdonne un ensemble complexe de moucherons, ou insectes spasmodiquement laborieux… Les quelques locataires aperçus, précise le scribe, ont eux-mêmes l’aspect de moucherons… Un arbre pour chaque jardin… Un arbre nain, il va sans dire, un platane avec son tuteur et son bracelet en plastique rouge ou vert et des pancartes d’une agence immobilière allemande qui se voient de loin… La construction du site s’est achevée il y a un mois, disent les panneaux… Vous pouvez acheter, vous pouvez louer… Achetez ou louez ! s’exclame le scribe…



Silence / pulse / sample d’un gargouillis d’estomac



Cobaye – Les petits drapeaux rouges poursuivent leur course, maintenant, à travers des fourrés de genets… Je suis sur la piste… Quelques feuillus, nombre de sapins trempant leurs racines acides près d’une carrière de calcaire et des sacs plastiques blancs, à leur sommet, comme de petits nuages ponctuant le défilé du paysage d’une note humoristique… Je souris… Est-ce que je suis en tête ?... Le sentier est caillouteux, il me ralentit… Un écureuil traverse devant moi… Au bout d’un champ, sur lequel trônent des mottes de paille roussies par le soleil, je vois deux coureurs… Non, un couple d’amoureux, avant, puis les deux coureurs, après… Je respire… Le couple est allé se cacher derrière des buissons près d’un sous-bois ; il reste les deux coureurs accolés l’un à l’autre… Où j’en suis ?... Pourquoi je n’ai pas compté le nombre des participants de la course que j’ai dépassés ? Je saurais à quoi m’en tenir maintenant… Je dépasse les deux coureurs après leur avoir dit bonjour… Toujours rester concentré sur soi… Je ne sais pas comment font les autres coureurs, je n’ai pas de méthode,
voilà la méthode. Et, quand je vois que je suis en tête, après deux ou trois foulées, je sprinte… 


Pause / pulse / sample du gargouillis d’estomac, trois degrés plus fort

3 sec.


Cobaye –  Le bruit du cœur et des tempes de tous les crânes du monde… Le bruit du cœur…


Sursaturation, surimpression des sons et des propos jetés du cobaye.

Bruit infrabasse de guitares saturées, tel un bourdon lourd et nauséeux :
le serpent devrait maintenant faire son nid dans l’estomac de l’auditeur.


Cobaye – Au loin, à ma droite, sur un monticule, une grande croix de marbre gris vert, évocation d’un dieu qui perd son sang et ses fidèles depuis mille ans + + + + Cours + + + +  La croix avance vers moi + + + + Égraine le nombre de soleils ayant tourné au-dessus d’elle vers le repos + + + + Égraine le temps, alors que s’amenuise le nombre de ses fidèles + + + + Cours + + + + Symbolise de moins en moins la vie et de plus en plus la mort + + + + Cours + + + + La roue tourne, les dieux et les héros meurent, les civilisations disparaissent + + + + Cours + + + + Dans le ciel, deux oiseaux gris-bleus en pourchassent un troisième + + + + Cours + + + + Cours + + + + Je cours, puisque mon histoire est de courir à cette heure, et mon histoire avance + + + + Je ne suis pas fatigué + + + + Ma respiration est un grand calme + + + + Tout passe + + + + Les petits drapeaux rouges indiquent le chemin d’une nouvelle de l’écrivain anglais Alan Sillitoe + + + + Tout passe, change, même la nouvelle et la silhouette de Sillitoe + + + + Passe + + + +  Devant moi, le dos d’un coureur, de trois-quart gauche, puis de profil, dans un virage + + + + Cours + + + +  Je dépasse le coureur + + + + Tout passe + + + +  Je le dépasserai dans quelques secondes, si ce n’était déjà fait + + + + Passe + + + + La tribune et la ligne d’arrivée ne doivent plus être loin + + + + Le scribe écrit plus vite maintenant, sa main travaille le papier avec plus d’entrain, laisse courir une adaptation de La solitude du coureur de fond de Sillitoe, qu’il a intitulée Cobaye dans sa roue + + + + La nouvelle de Sillitoe La solitude du coureur de fond s’intitule maintenant Cobaye dans sa roue + + + +  Il n’existe plus de jour où le scribe n’entame un texte et poursuit les lignes d’un manuscrit, la main sur le front.
+ + + + La main sur le front, Wegman, mon directeur, inspecte, lui aussi, la ligne d’horizon + + + + Il a parié gros sur ma victoire dans cette course et il en veut pour son argent + + + + Wegman, mon dieu, le directeur du centre éducatif où je suis actuellement, le seul espoir que j’ai aujourd’hui, celui qui peut tout pour moi, quand j’aurai gagné la course + + + + Cours, petit scribe, cours, toi aussi, tu as un banquier, poursuis ta laisse, creuse l’ornière comme lit de rivière, avance comme moi + + + + Cours + + + + Cours + + + + Cours + + + + Ne gâche pas tes chances d’arriver à la fin de ton scénario + + + + Cours, creuse le sillon, chemine sur l’ornière, le scribe ! Prouve que tu as du talent, ils attendent !
+ + + +  Alors, le scribe ou le cobaye se retrouvent dans une voiture de police, après avoir été ramassés, sonnés, sur la pelouse de leur jardin au milieu de billets de 500 euros et on les laisse poireauter sur un banc dans un couloir de commissariat + + + + Quatre heures d’attente, cinq heures, huit heures sans manger ni dormir + + + + Cours + + + + Puis on les fait rentrer dans un bureau où ils retrouvent le vieux vigile usé du fourgon blindé d’argent − vous vous rappelez, le vigile ? − et un flic en civil + + + + Le vieux vigile leur dit bonjour et le scribe ou le cobaye lui répondent bonjour + + + +  Cela va ? vous me reconnaissez ? + + + + Ils répondent oui + + + + Après, ce sont les interrogatoires et le scribe répond une fois, deux fois, dix fois, cent fois aux mêmes questions, alors que tout a été dit en un seul bonjour + + + + « Bonjour ! » + + + + Un seul mot avoue tout + + + + « Bonjour ! Bonjour ! Tu me reconnais ? » + + + + « Bonjour ! » + + + + Que dire d’autre, après cela ? + + + + Le procès dans une chambre correctionnelle, quarante-huit heures plus tard, dans lequel ton avocat te fait payer tes mensonges + + + + Les pleurs de ta mère assistant à ton procès sur les bancs du tribunal + + + + La sentence + + + + Cours + + + +  Le camion cellulaire, direction la maison d’arrêt du Bois d’Arcy, une prison pour mineurs, à cinq heures de route de chez toi + + + + Cours + + + + Cours + + + + « Gare à tes fesses quand tu arriveras en prison, le cobaye ! » + + + + « Gare à tes fesses ! » + + + + Cours + + + +  Cours + + + + « Gare à tes fesses ! » + + + + Jamais tu ne t’étais senti si loin de toi, si léger, si permanent, si libre ! + + + + Cours + + + + Jamais tu ne t’étais senti si loin de toi, si léger, si permanent, si libre !

Pause / pulse / sample du gargouillis d’estomac, trois degrés plus fort

Cobaye – Le serpent fait maintenant son nid dans l’estomac de l’auditeur + + + + Bruit d’un relent  + + + + Le camion cellulaire entre dans la maison d’arrêt pour mineurs du Bois d’Arcy + + + + Entre… une immense porte qui s’ouvre avec un cliquetis métallique + + + + Fermeture d’écrous + + + + Bruit d’un relent + + + + Entre + + + + Des bâtiments mornes et gris agrémentés de petites fenêtres + + + + Des détenus hurlent, lancent des projectiles sur le camion cellulaire, insultent les policiers + + + + Entre… les menottes aux poignets dans le dos, accompagné de deux fonctionnaires avinés de l’administration pénitentiaire + + + + Entre… la salle des greffes + + + + Entre… un maton enlève la chaîne du scribe, sa chevalière, récupère, dans une petite boîte, son portable et ses affaires personnelles, compte son argent + + + + Entre… au photomaton + + + + Entre… nu dans la douche publique, sous l’œil averti du maton de garde, là + + + + Entre… signe des papiers sans les lire, baisse la tête à son nom, ne répond pas quand un surveillant l’insulte + + + + Entre… se refroque, prend ses affaires sales, son paquetage, drap, bol, assiette en verre, fourchette en métal, paquets de rasoirs jetables + + + +  Bruit d’un relent + + + + Brosse à dents, petit savon, dentifrice, livret d’accueil intitulé « Bienvenue à la Maison d’arrêt des Yvelines » + + + + Entre + + + + Entre… de longs couloirs souterrains peints en bleu foncé jusqu’à une cellule provisoire + + + + Enclenchement de la serrure d’une porte à barreaux, tous les trente mètres + + + + Entre… cellule provisoire B 207, deux fenêtres, deux lits superposés, une table, une chaise, un lavabo et des toilettes + + + + Entre… norme européenne, norme française pour stages et séjours linguistiques de mineurs + + + + Entre… + + + + Chaque mineur doit disposer d’un lit individuel avec un oreiller et des couvertures + + + + Bruit d’un relent + + + + Entre + + + + Entre + + + + Entend les autres détenus l’appeler à la fenêtre : « Eh le nouveau ! » + + + + La chambre à coucher du mineur doit être individuelle ou à partager avec des personnes du même sexe, de langue maternelle différente et d’âge ne différant pas plus de trois ans + + + + « Eh, le nouveau ! Tu as perdu ta langue ? Comment t’appelles-tu ? À demain, le nouveau, le bleu, dans la cour, pour le bizutage ! » + + + + La surface d’habitation de la chambre à coucher doit être adaptée au nombre d’occupants + + + + Bruit d’un relent d’estomac + + + + « À demain, dans la cour, le nouveau, pour le bizutage ! » + + + + La chambre à coucher doit être équipée d’un éclairage suffisant pour permettre la lecture, d’une aération et d’un chauffage appropriés + + + + Entre… dans la cour, le lendemain + + + + Entre… + + + + Entre… dans la cour, le lendemain, une vingtaine de mineurs lui sautent dessus, lui latent la gueule et le dépouillent + + + + Entre + + + + Bruit d’un relent d’estomac + + + + Entre… à l’infirmerie, après cela, l’œil poché et la mâchoire défoncée + + + + Un mois d’hôpital, des points de suture au visage le défigurent + + + + La chambre doit disposer d’un espace de rangement, tel qu’une armoire ou une commode, permettant au mineur d’y ranger ses vêtements ou ses affaires + ++ + Entre… dans une nouvelle cellule, où le scribe découvre Anthony, seize ans, mais qui en paraît quarante  + + + + Entre + + + + « Bonjour, le nouveau, dit Anthony, je t’attendais. Tu as récupéré ? Je m’appelle Anthony, je pèse plus de 120 kg et je suis un pointeur. Tu veux fumer ? » + + + + Si le séjour dure plus d’une semaine, la literie doit être changée chaque semaine. Si elles sont fournies aux participants, les serviettes de toilette doivent être changées au moins une fois par semaine + + + + « Sortez-moi de cette cellule ! » + + + + « Tu es hétéro ? », demande Anthony, après la cigarette du scribe + + + + « Sortez-moi de cette cellule, vous voulez ma mort ! » + + + + « Tu sais sucer ? Il faudra que tu apprennes à sucer, le nouveau. » + + + + « Sortez-moi de cette cellule ou je vais faire un malheur ! » + + + + Norme européenne, norme française pour les organisateurs de séjours ou de stages linguistiques + + + + Bruit d’un relent d’estomac + + + + Le cobaye fait trois mois de mitard pour avoir saigné Anthony dès son arrivée dans sa cellule + + + + À sa sortie du mitard, on l’a remis avec lui, mais le pointeur est dans de meilleures dispositions d’esprit + + + + Puis, un jour, on appelle le cobaye au parloir et celui-ci voit Wegman avec un dossier sur lui + + + + Wegman ouvre le dossier du cobaye et lit l’inventaire des médailles qu’il a obtenues en course de fond + + + + « Tu es un athlète ? lui demande Wegman. Alors, tu es un athlète ? » + + + + « Oui, monsieur Wegman, dit le cobaye, je suis le plus fort en course de fond, je cours plus vite que n’importe qui. » + + + + « Tu te plais, ici, avec ton compagnon de chambrée, Anthony ? Tu veux t’en sortir ? » + + + + « Oui, monsieur le directeur. » + + + + « Tu as encore envie de saigner Anthony, ton compagnon de chambrée, avec une fourchette ? » + + + + « Non, monsieur le directeur. » + + + + « Alors, il va falloir te montrer coopératif, si tu veux t’en sortir… Tu veux t’en sortir ? » + + + +  « Oui, monsieur le directeur. » + + + + « Tu veux rentrer dans mon centre éducatif, le cobaye ? » + + + + « Oui, monsieur. » + + + + « Je m’appelle Wegman et je suis directeur d’un centre éducatif fermé, près de Haguenau. Dans un mois, tu sors d’ici, je t’entraîne et tu cours pour moi. » + + + + « Oui, monsieur le directeur. » + + + + Bruit d’un relent d’estomac + + + + La salle de bain + + + + Le mineur doit avoir accès à une salle de bains + + + + Alors, maintenant, je cours + + + + La salle de bain doit comprendre les éléments suivants + + + + Je cours, le scribe court, le cobaye court, se lève à quatre heures du matin, dans le centre éducatif fermé, proche Haguenau, met un sweet-shirt et un short + + + + Des sanitaires + + + + Le cobaye se lève avant l’aube, un éducateur spécialisé lui ouvre la porte du centre éducatif fermé et il fait son entraînement + + + + Sage + + + + Sage + + + + Un lavabo avec de l’eau chaude et froide + + + + Bien sagement, le cobaye ou le mineur obéit à Wegman, son directeur : tous les matins, à l’aube, il fait ses tours + + + + Ses tours + + + + Bruit d’un relent d’estomac + + + + La salle de bain+ + + + Des sanitaires + + + + Une douche ou une baignoire avec de l’eau chaude et froide + + + + Tourne + + + + Et, chaque matin, je pense à mon copain Julien, à ma mère et à l’homme qui était mon père, lorsque le soleil qui est sur la campagne se lève + + + + Se lève + + + + Tourne+ + + + Tourne + + + + Chaque matin, je cours + + + + Cours + + + + Libre + + + + Libre + + + + Chaque matin, je pense à l’homme qu’était mon père, à Ken Lay, le flambeur de la firme Enron aux Etats-Unis, et à ce qu’ils auraient fait dans la même situation que moi + + + + Le même circuit + + + +  Le même terrain + + + + Le même jour + + + + Le mineur doit disposer d’une chaise et d’une table + + + + Cours, afin de gagner une coupe pour Wegman, le directeur d’un centre éducatif, proche Haguenau, et serai inscrit dans une école pour jeunes athlètes français à ma libération + + + + Me remémore mon père + + + + Le même circuit chaque matin, dès l’aube + + + + Relent + + + + Le même circuit + + + + Pense à mon père, ainsi qu’à Ken Lay, le flambeur d’Enron + + + + Le même cycle digestif, le même circuit + + + + Relent + + + + Le mineur doit pouvoir disposer d’une chaise et d’une table lui permettant d’écrire, ainsi que d’un éclairage suffisant + + + + Le même circuit à l’intérieur de moi-même et à l’extérieur + + + + La même course en moi et hors de moi + + + + Relent + + + + À mon père sortant de sa maison, un châle sur les épaules, quelques heures avant sa mort + + + + Relent + + + + À Ken Lay sortant, ivre, d’un palace, quelques heures avant la banqueroute d’Enron + + + + Le même fiasco, à la fin, pour mon père et pour Ken Lay, de la firme Enron + + + +  Sort + + + + Sort + + + + Sortant d’eux-mêmes avant la fin et la ligne d’arrivée. + + + + Chacun d’eux ayant travaillé toute leur vie pour finir sur un fiasco total.
+ + + + Je viens de dépasser le dernier participant de la course et je vois la tribune et la ligne d’arrivée + + + + Relent + + + + J’entends maintenant le public et ses exhortations + + + + « Bravo ! » + + + + « C’est le jeune délinquant ! » + + + + « Il est le premier participant de la course de fond à approcher de la ligne d’arrivée » + + + + Relent + + + + « Bravo ! » + + + + La même course dans mes intestins et sur le terrain + + + + « Bravo ! » + + + + Le même terrain + + + + Le même circuit à l’intérieur de moi-même comme à l’extérieur + + + + Relent + + + + Enron, le bourgeois milliardaire et mon père, l’ouvrier pointant à l’usine jusqu’à en crever.


Un silence ici, ponctué du rythme du cœur du cobaye et des gargouillis d’estomac en ostinato.


Cobaye − Alors, à vingt mètres de la ligne d’arrivée, je me mets à marcher d’un pas lent, très lent, cependant que le public hurle : « Le délinquant ! C’est le jeune délinquant ! Avance, cours, cours jusqu’à la ligne d’arrivée ! » + + + + Relent + + + +  Le mineur doit avoir accès à un service de laverie + + + + « Avance ! » + + + +  La vie flambée jusqu’à son dernier souffle, mais l’un, mon père, aux antipodes de Ken Lay, le flambeur de la firme Enron + + + + Je cherche du regard le directeur Wegman dans la tribune à quelques mètres de moi + + + + « Dépasse la ligne, petit ! » + + + + Relent + + + + Au loin, derrière moi, on aperçoit un autre coureur de fond qui arrive + + + + La dernière image que je garde de mon père : celui-ci, torse nu, un châle sur les épaules, attendant sur la route qu’une voiture passe, pour l’arrêter et lui vomir dessus + + + + « Avance ! » + + + + Relent + + + + Attendant + + + + Relent + + + + Attendant que le coureur, derrière moi, arrive et traverse avant moi la ligne d’arrivée pour lui gerber dessus, dans le dos + + + + Relent + + + + Mon père, à l’agonie, attendant qu’une voiture avance vers lui sur la route, pour lui vomir toute sa vie gâchée, avant de crever.


Pause.


Cobaye − Le deuxième coureur approche, on le voit, sa silhouette grossit + + + + « Dépêche-toi, petit ! » + + + + Sa silhouette, à vingt mètres + + + + « Avancez, avancez, monsieur le coureur, plus que quelques mètres et vous avez gagné. » + + + + Quinze mètres + + + + Relent + + + +  Relent + + + + Douze mètres + + + + « Avancez, sinon c’est l’autre participant, monsieur le délinquant, c’est l’autre participant qui va gagner. » + + + + Relent + + + + « Il est à dix mètres, maintenant, dépêchez-vous, qu’est-ce que vous attendez ? » + + + + Relent + + + + « Vite ! » + + + + Relent + + + + « Dépêchez-vous ! » + + + + Relent + + + + « Mais, mon Dieu, qu’est-ce que vous faites ? » + + + + Relent + + + + « Mon Dieu ! » + + + + Relent + + + + « Il est à côté de vous ! » + + + + Relent + + + + « Il est à côté de vous, devant vous ! » + + + + Relent + + + + « Il est à côté de vous, il est devant vous, maintenant ! » + + + + Relent + + + + « Sur la ligne ! » + + + + Relent + + + + « Sur la ligne ! » + « Il est… »


Bruits de vomissements.










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