Behindert (Film de Stephen Dwoskin, 1974, avec Carola Regnier)
Mère reprend, remise ici ses volutes au ciel,
comme rousserolle imitant pour son chant de printemps
le chant des oiseaux alentours,
ou liturgie musicale dans un arbre feuillu,
provenant d’une erreur de couplets
entre viandes blanches de même espèce,
et l’erreur, par la suite,
deviendrait partie intégrante du chant aviaire,
semblerait se perpétuer ad vitam aeternam,
comme dispositif d’autocorrection
devant ramener au bercail
les fidèles sceptiques.
Et, mis bout à bout,
l’ensemble des prières
de Mère au Seigneur,
toute missive envoyée à un destinataire inconnu,
devrait procurer l’aspect d’une fugue,
dans lequel le contrepoint
serait figuré par de ces étourderies
dont la récitante est coutumière,
eu égard à la Lettre du texte,
manque d’attention ou de discipline,
heurts ou bug,
changement tonal.
Mère se reprendrait alors,
après respirations fortes,
halètement, allaitement de tout le corps,
de tout son saoul, de tout son souffle,
hoquette,
hoquette,
corrigerait son chant
dans une succession de plans séquences
décomposés ralentis,
transformant la liturgie,
des matines aux vêpres,
en un bruit de respirations impromptues,
souffles & mugissements,
vagissements obsessionnels,
écarts de langage, lors,
chaque portrait de Mère priant reprisant, volutes
mises bout à bout,
de sa plus tendre enfance à nos jours :
c’est ce qu’il nous faudrait maintenant.
Le tout, misé remisé reprisé mis bout à bout
lors dérushage,
comme longs solos, longues agonies,
râles émis ou rêvés,
évoquant en finale
(repons ultime)
les scènes filmées du cinéaste Stephen Dwoskin,
présentant ses obsessions,
de la jeunesse à la vieillesse,
et jusqu’à son dernier souffle,
son dernier film,
sa dernière prise
à la lune, aux dieu & aux femmes,
les souffrances du handicap du désir et la vieillesse,
filmées crues et nues,
viande blanche Stephen Dwoskin
comme carne sur un tableau,
Francis Bacon
jusqu’au bout.
Jusqu’au bout,
carne,
carne,
souffrances
souffrances
plaisirs & douleurs
désir du désir
mise en boucle inlassable
inlassable et monotone
expression du désir,
tout du long,
de la jeunesse à la vieillesse.
Inlassable et monotone,
le commun du désir,
des obsessions, de l’amour,
chez une bigote, chez une mère
comme chez un poète.
Inlassable
et monotone
nudité
du corps
des femmes
et de dieu
The sun
and
the
moon
The sun
and
the
moon
The sun
and
the
moon
Il faudrait il faudrait
que tous les femmes
que toutes les hommes soient Stephen Dwoskin,
qu’ils filment qu’ils publient leurs obsessions
au soleil à la lune
à dieu
jusqu’au bout,
jusqu’à la fin,
sur les écrans des cinémas de quartiers.
Alors, peut-être n’y aurait-il plus d’artistes,
de mythes ni œuvres d’art à aimer,
à regarder & contempler,
mais rien que des corps nus,
rien que la sale nudité des corps,
rien que ta sale intimité,
ta sale intimité à toi,
mais tellement vraie,
vraie et sale
et sans fard.
Peut-être n’y aurait-il
plus besoin de dieu ni d’église
ou de nations,
mais ton corps,
mais nos corps,
mais ton corps,
exhibé exposé achalandé
sur écran dans les salles de cinéma,
et sans fard,
sans fard,
splendide dans sa médiocrité,
et tellement vrai
tellement vrais,
et sans masque,
sans masques,
jusqu’au bout,
jusqu’aux nues.

Stephen Dwoskin, dans The sun and the moon

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