…Et de nos chimères, l’on se forge un destin.
Chimères de mots : ongles, cheveux et peaux mortes, votre vie, le récit de votre vie :
une chimère de mots.
Ces pages :
une chimère de mots.
Votre moi :
une chimère de mots
/Ciel étoilé :
un cusp,
ou
•
symbolisant la catastrophe.
/- Vous pensez avoir un nombril ?
- Vous l’imaginez, le voyez chaque jour dans la glace et vous comptez le
temps qui s’effile à son seuil ?
- Vous vous dites : voici mon nombril, il indique le temps de ma naissance et
celui, prochain, de ma mort.
- Vous l’imaginez, y songez, vous le voyez vraiment ?
- Naturellement, non ; vous vivez, vous n’y songez pas, vous ne le regardez
pas, n’y pensez même pas.
C’EST QUE VOUS N’AVEZ PAS DE NOMBRIL.
NOUS N’AVONS PAS DE NOMBRIL.
LE NOMBRIL EST UN
CUSP,
UN
POINT
SYMBOLISANT LA CATASTROPHE,
POUR UN TOPOLOGUE.
Et nous ne sommes pas topologues, n’est-ce pas ? Nous ne sommes ni mathématiciens, ni topologues ; nous vivons seulement.
/Pour nous
(moi, toi, soi, lui…)
le temps n’existe pas,
seul l’instant présent
est.
/Souveraineté de l’homme : Tout homme est souverain,
il n’y a pas d’élus à ce sujet, contrairement à ce que pensait Bataille.
La mort est une vue de l’esprit pour l’homme souverain :
Mort la mort de Gherasim Luca.
Le nom brille comme un soleil dans les yeux d’un mort,
le nom brille, simule nos visages dans le miroir,
une histoire, en somme :
l’histoire de notre nom dans la glace ;
racontez-la, si vous voulez,
si vous voulez, croyez-y.
/ET MAINTENANT,
RÉFLÉCHISSEZ,
LES MIROIRS.
S’exclamait l’homme souverain Jacques Rigaut.
/Réfléchissons, voulez-vous ?
/Réfléchissons, voulez-vous ?
/Réfléchissons, voulez-vous ?
/Réfléchissons, voulez-vous ?
/Vous oubliez…
Vous oubliez si facilement vos parents et si facilement votre famille et vos enfants, vous vous oubliez tout le jour durant, dès le saut du lit, et si facilement, si facilement, qu’on ne peut parler pour vous de condition mortelle. Vous n’êtes pas un être mortel. Seul, en de rares moments, vous pensez au destin en faisant de votre passé un récit vraisemblable pour le jour qui vient. Au matin, vous vous recomposez une image, vous vous racontez des histoires en vous levant, probablement. Mais le récit de votre vie, vous l’oubliez dès que vous sortez de chez vous. Le récit de votre vie, les rapports, que vous tissez entre vous, votre passé et votre présent, n’existent plus dès que vous vous mettez à agir. Le moment où vous vous obnubilez à vouloir tisser votre destin se résume finalement, pour vous, à quelques heures perdues, oisives, quelques heures que vous oubliez assez rapidement.
/Oubliez.
/Oubliez.
/Oubliez.
/Oubliez.
/Votre destin n’est qu’une histoire de plus à faire courir par les rues.
/Des mots filent votre destin.
/Votre vie est un roman et vous en êtes l’écrivain.
/Vous vous battez contre le récit de vie que la société voudrait vous imposer :
- ce nom sur une carte d’identité, qui paraît au commun des mortels aussi évident qu’un nombril,
- brillant à l’orée du corps et qui permet à votre prochain de vous reconnaître,
- qui vous représente, vous, pour votre prochain,
- vous, comme un homme, avec un âge et un parcours de vie,
- comme un homme,
- pas une femme, pas un chien,
- mais un homme.
Votre image,
vous cherchez un moyen de l’effacer des mémoires.
/Heureusement, vous n’êtes pas un homme,
vous n’avez jamais été un homme,
heureusement…
/ « Esse est percipi. » ; « Être, c’est être perçu. », pensait Berkeley.
Chacun de nous cherche à contredire ce principe du philosophe Berkeley, n’est-ce pas ?
Chacun de nous, quoiqu’on dise, est Buster Keaton dans Film de Beckett.
/Vous cherchez une maïeutique nouvelle qui serait une façon de faire mentir la vie. Or, ce que vous faites là n’est pas de la poésie, à moins que la poésie soit la vie. Vous vous dites : « Chaque mot que j’emploie à mon sujet devrait pouvoir changer le cours de mon existence. »
/Ce n’est pas de la poésie, ce n’est pas de l’ontologie.
/Chimères contre chimères.
/Ce n’est pas de l’utopie.
/C’est l’ontopoésie : une utopie sur votre corps, sur le cours, la vie, sur la vie au long cours et qui a la peau dure.
/Chimères contre chimères.
/Vous cherchez une maïeutique qui serait une façon de faire mentir la vie.
/Vous construisez une nouvelle chimère à opposer à la chimère de la vie qu’on imagine pour vous.
/Chimères contre chimères.
/Méfiez-vous de la poésie, vous ne faites pas de la poésie, ceci, ce n’est pas de la poésie.
/Et c’est maintenant que l’entreprise devient impossible, c’est maintenant, c’est maintenant qu’intervient le piège du poème.
/C’est maintenant.
/Mots jetés sur la page :
des mouches attirées par du vinaigre :
un poème.
/Vous en êtes là.
Vous êtes devant cet impossible-là.
Cela fait des années maintenant que vous êtes devant une telle aporie.
/Vous pourriez vous satisfaire d’écrire de la poésie,
vous pourriez, avec un peu de travail, vous satisfaire d’écrire des livres.
Mais vous préférez la souveraineté, le vide hors du monde, à celui des mots écrits sur la page.
/Vous en êtes là.
/Vous en êtes là, à vous cogner la tête contre un mur.
/Vous êtes foutu, vraiment.
/Taisez-vous donc. Mais taisez-vous donc !
… /Mais vous n’avez vraiment rien à nous dire !?!...
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