…Il faut manger
…J’ai faim
…J’entends la cloche
…Il faut sonner
…J’ai l’accord de ma mère
…J’ai l’accord de mon père
…J’ai la corde dans les mains pour ça
J’ai la corde
N’entendez-vous pas les sirènes ?
N’entendez-vous pas les sirènes ?
C’est mon estomac
C’est mon estomac
ce gargouillis
Ce n’est pas moi
C’est mon estomac
Je ne suis pas ce que je mange
J’ai toujours été clair avec cela
Je ne suis pas
N’entendez-vous pas les sirènes ?
N’EN-TEN-DEZ-VOUS-PAS-LES-SI-RE-NES ?
La tête oscille en un cil d’avant en arrière
Elle exécute sa danse en même temps que la salive
Le vide la mâche
Elle devient elle-même le cochon saigné
Le cochon perdu dans une poche sous vide
Le remords aux dents la langue saigne
Nous ne sommes pas ce que nous mangeons
D’ailleurs nous ne mangeons pas mais nous causons
N’est-ce pas ?
N’est-ce pas ?
…Vous m’entendez ?…
…VOUS M’EN-TEN-DEZ ?…
La salive nous gagne elle attelle son havresac
Longue remontée des morts dans les ventres
Comme des vents nos ventres des tombeaux
Long soufflet résurgence vide au milieu toujours
Les corps de ce que nous avons mangé reprennent vie
Le flot des espaces marins
La liste interminable des parasites sous nos peaux
Nous sommes tel ce peintre ami de Modigliani
Nous ne mangeons pas durant trois jours
Pour mieux peindre nos modèles
La langue saigne…
Nous sommes tel ce peintre…
Nous rentrons nos ventres dans les ventres de nos modèles
Et nos modèles se mettent à parler
Leur langue traverse la voûte où nous espérons monter
Un gargouillis de mots étoile la cime
Nous mangeons…
Nous mangeons…
Nous prenons les mots pour un festin
L’agape des mots brocardée devant nous
Nous mangeons le mot chair
et le mot chair remplit nos ventres
Tel un son perdu émis d’intestins ventriloques
Nous mangeons
En ce moment précis nous mangeons
En ce moment exact et précis que j’appellerai l’instant I
Nous mangeons
Et I devient l’instant où manger et être mangé est égal
Une cloche sonne l’offertoire
L’assemblée des gueux attend aux portes des églises
Un mendiant indique l’heure au centre d’un cadran solaire
Les religions passent
Les prêtres changent de peau
Le pain résonne toujours
Se voit de loin
Et mange les yeux des foules qui ont faim
…Il faut manger
…J’ai faim
…J’entends la cloche
…Il faut sonner
…J’ai l’accord de ma mère
…J’ai l’accord de mon père
…J’ai la corde dans les mains pour ça
J’ai la corde
N’entendez-vous pas les sirènes ?
N’entendez-vous pas les sirènes ?
Sous les intestins la voûte des haruspices
Annonce la liste des courses parachutées d’en bas
Et dans les greniers du monde la viande des dieux
Commande aux scribes des prières nouvelles
N’en ont pas assez
n’en ont jamais eu assez
N’en ont pas assez
n’en ont jamais eu assez
Le spectacle pleure héraut du énième tohu-bohu la boucle
Un présentateur déclame :
« Les traders se sont trompés. »
KRACH !
Je répète :
Le spectacle pleure héraut du énième tohu-bohu la boucle
Un présentateur déclame :
« Les traders se sont trompés. »
KRACH !
Je répète…
…
Chantant la corde au cou le souffle court
Le poète Ghérasim Luca est exilé de force en Israël
Le souffle Ghérasim court dans une grotte pour ne pas être enrôlé vivant
Non enrôlé vivant sous
un nom
une bannière
une étoile
Les yeux se ferment sur le long enroulement des vies
Le souffle est rentré dans des casemates
Le réduit des corps
L’espace bien établi entre vous et moi
Nous ne nous touchons plus
Nous préférons la caresse des mots à celle des hommes
Le cerne des mots
& le choix du partenaire
Nous aurons des enfants entre nous
Et ces enfants ressembleront à leurs parents
Les garçons mettront les pieds sous la table
Et les filles se cacheront sous les jupes des mères et le lit du sultan
Nous sommes libres
Nous retrouvons les gestes des mères
Nous soufflons une bougie la nuit
Avant de nous aimer
Aimons toujours
Sommes heureux
Avons des enfants
Mangeons avec eux
Les mangeons
Mangeons
C’est mon estomac, ce gargouillis
Ce n’est pas moi
C’est mon estomac, ce gargouillis
Ce n’est pas moi
C’est mon estomac, ce gargouillis
Ce n’est pas moi
…Vous m’entendez ?…
…VOUS M’ENTENDEZ ?…
…Il faut manger
…J’ai faim
…J’entends la cloche
…Il faut sonner
…J’ai l’accord de ma mère
…J’ai l’accord de mon père
…J’ai la corde dans les mains pour ça
J’ai la corde
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