III1
(La lumière
revient.
Les mêmes personnages sur
scène,
immobiles et dans la position où on les avait précédemment
laissés,
+ Junky
qui, lui, se tient face au public.)
immobiles et dans la position où on les avait précédemment
laissés,
+ Junky
qui, lui, se tient face au public.)
Junky –
Dans la
salle, une femme, assise jusque là sur un siège, attend d’être appelée
sur la scène au bureau de M. Leroy, le notaire. Elle n’y
croit pas d’abord, elle se dit
qu’elle assiste à la suite de Nouveau absolument Nouveau, la pièce de théâtre qu'elle
est venu voir, et que, bientôt, celle-ci se terminera et qu’elle pourra rentrer chez
est venu voir, et que, bientôt, celle-ci se terminera et qu’elle pourra rentrer chez
elle. Mais, à côté d’elle, dans le public, des hommes et des femmes
sont appelés sur la scène
pour s'entretenir avec le notaire. Chaque spectateur est invité, après un entretien avec lui,
à se coucher sur le divan médical sur la scène, et Lauvin ou Jaquet leur font une piqûre au bras ;
pour s'entretenir avec le notaire. Chaque spectateur est invité, après un entretien avec lui,
à se coucher sur le divan médical sur la scène, et Lauvin ou Jaquet leur font une piqûre au bras ;
après cela, les spectateurs sont accompagnés dans le couloir. Certains,
dans le public,
sont offusqués par le tour que prennent les circonstances,
d’autres sont pris
d’une crise de nerfs, et deux ou trois individus devant et
derrière la femme cherchent
à se faire rassurants : le spectacle est décidément trop
long pour en être véritablement
un, pense-t-elle alors, le spectacle est par trop long...
Progressivement, la femme de la salle prend peur, elle a maintenant conscience
que ce qui se passe sur scène est vrai et que, dans
quelques minutes, elle perdra
tout ce qu’elle a : sa vie, sa famille, son
travail ne seront plus à elle, peut-être
n’auront-ils même plus aucune valeur pour elle. Bientôt,
recouvrant des souvenirs
auxquels elle est, pour l’instant, hostile, elle se
rendra compte que sa vie a été un
conte, une fiction, un jeu de rôles. Et, naturellement, naturellement, elle
veut conserver ce qu’elle possède : son mari, son métier et
son enfant ; même si ce
qu’elle possède est une fiction, elle tient, quant à
elle, à cette fiction. Telle
fiction, telle fiction est tout pour elle. Telle
fiction, telle fiction est tout ce
qu’elle a. tout, c'est-à-dire rien.
Alors, elle
se lève de son siège, en faisant bien attention de ne pas se faire
remarquer, et elle cherche à sortir par la porte de
secours la plus proche.
Quand elle arrive dans le couloir, elle tombe malheureusement sur un
Quand elle arrive dans le couloir, elle tombe malheureusement sur un
policier qui l’oblige à revenir sur ses pas. – A ce moment-là, elle est prise de vertiges,
puis, furieuse et retrouvant son souffle, elle hurle à l’homme en uniforme
qu’elle veut retourner chez elle, mais le flic,
puis, furieuse et retrouvant son souffle, elle hurle à l’homme en uniforme
qu’elle veut retourner chez elle, mais le flic,
(Junky
indique alors du doigt Médecin 1, qui était jusqu'alors dans une position figée,
et se réveille, et mime un policier interpelant un individu réfractaire.)
et se réveille, et mime un policier interpelant un individu réfractaire.)
le flic qui
joue
son rôle à la perfection, l’en empêche naturellement :
« Vous avez signé il y a
cinq ans pour être là, lui répond-il, il faut que vous appreniez maintenant qui
vous êtes, c’est
la règle ! »
Alors, la
femme rétorque :
Femme (la même
que celle qui jouait Camille Malaury à la scène précédente,
revenant tout à coup à la vie) –
revenant tout à coup à la vie) –
Ce n’est pas moi qui ai signé !
Junky – crie-t-elle.
Femme – Ce
n’est plus
moi, ça n’a donc jamais été moi. Tout
cela n’est qu’une horrible farce !
Salaud ! Je ne suis pas une otage !
Junky – Et le policier répond
alors :
Médecin 1 (répondant alors à Femme.)– Très bien, partez,
mais partez donc ! Mais vous allez le regretter, je
vous l’assure !
Junky – Le policier lui répond
cela : "Vous allez regretter ce que vous faites !" Cela n’est plus, comme vous voyez,
le médecin Lauvin qui parle, si tant est que le personnage de Lauvin ait été, un jour,
un médecin, mais c'est un policier, n'est-ce pas ? – Il faut que vous suiviez la tournure
que prennent les événements, si vous voulez apprécier la pièce.
Et la psychologue Camille Malaury est maintenant la spectatrice dans la salle,
qui pète les plombs. Il faut, pour comprendre le déroulement de l’action,
que vous reveniez à ces règles des jeux de votre enfance,
le médecin Lauvin qui parle, si tant est que le personnage de Lauvin ait été, un jour,
un médecin, mais c'est un policier, n'est-ce pas ? – Il faut que vous suiviez la tournure
que prennent les événements, si vous voulez apprécier la pièce.
Et la psychologue Camille Malaury est maintenant la spectatrice dans la salle,
qui pète les plombs. Il faut, pour comprendre le déroulement de l’action,
que vous reveniez à ces règles des jeux de votre enfance,
dans lesquelles vous jouiez un rôle, puis un autre,
sans qu’il n’y ait de logique
transcendant les actions que vous mettiez en scène,
sinon, peut-être, la sirène de
l’école ou la voix de vos parents qui vous demandaient
de rentrer, pour manger.
L’important, quand vous étiez enfant, n’était pas d’être vraisemblable ou réaliste,
mais de vous laisser porter par le jeu. Chaque rôle nouveau était inventé à partir d’un prétexte
L’important, quand vous étiez enfant, n’était pas d’être vraisemblable ou réaliste,
mais de vous laisser porter par le jeu. Chaque rôle nouveau était inventé à partir d’un prétexte
permettant d’avancer dans l’histoire que vous
inventiez avec vos camarades.
Le monde des adultes est, fort heureusement, différent, n’est-ce pas ?
Le monde des adultes est, fort heureusement, différent, n’est-ce pas ?
Puis la femme se dégage des mains du policier et elle
sort du théâtre ; elle fuit
donc, court, et court jusqu’à chez elle : "Un endroit
qui ne change pas." Elle
entre dans son appartement et retrouve son homme, son
compagnon, son mari,
qui fait ses valises dans la chambre. Elle fait tout
cela, comme je le dis :
c'est-à-dire qu’elle sort du théâtre pour rentrer chez elle, c'est-à-dire
qu’elle va d’un point A à un
hypothétique point B se trouvant sur une carte, avance,
avance d’une manière ou
d’une autre sur une surface, un sol lisse ou meuble, un
territoire concret permettant, à
vous et moi, de la situer réellement si on le
souhaitait, et elle fait tout cela ici
même, sur la scène, devant nous qui jouons le jeu avec
elle.
Le notaire Leroy, toujours immobile, au bureau, va
bientôt devenir son mari ;
il va le devenir pour nous, nous qui jouons le jeu,
pour lui et moi, mais surtout
pour elle qui ne joue plus.
Le notaire Leroy est
l’homme de cette femme et il fait maintenant ses valises
dans la chambre, pour vaquer à
une vie nouvelle. Il n’est plus Leroy, mais cet homme-ci,
pour elle : elle, cette femme
du public qui ne joue plus.
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