lundi 19 août 2019

LA COMMUNE RINGOLEVIO - 2 -

Emmett GROGAN

Ce texte est la suite de ma lecture de Ringolevio, l’autobiographie de l’écrivain américain et digger de San Francisco Emmett GROGAN (1942-1978). La première partie a été publiée sur ce Blog le 10 juillet de cette année. J'explique, dans ce passage, la première règle du ringolevio (ou jeu de chasse à l'homme), selon Emmett Grogan : " Savoir se cacher et tenir son rôle " Je montre aussi, à partir du travail en ethnologie et en sociologie de Georges Devereux, que le fait de cacher son identité n'est pas un phénomène exceptionnel en soi, mais qu'il a une valeur universelle puisqu'il se retrouve dans de nombreuses sociétés et de nombreuses cultures, et ce depuis nos origines. Dans le même temps, j'ébauche des parallèles entre les vies de Grogan, de Georges Devereux et de l'écrivain et romancier allemand B. Traven. Le corpus de notes en bas de page est donc assez conséquent, comme vous lirez peut-être ; je m'en excuse ici.

J'ajouterai, dans quelques semaines, les autres règles du jeu digger du ringolevio, qui permettent la création de communes libres. 


*

"Pour les puissances financières qui vampirisent les forces vives de la terre, de la société, des individus, l'homme n'est rien d'autre qu'une marchandise. Elles ignorent tout des richesses de la vie et des ressources de la gratuité. C'est par ce biais qu'il faut casser le système : en instaurant des zones libérées de la marchandise, des zones où tout se crée et où rien ne se paie. A ceux qui restitueront sa poésie à la vie quotidienne, rien ne résistera."

Raoul Vaneigem, 
"Une communauté assez forte et assez pleine d'amour pour lutter contre les vieilles institutions"
8 novembre 2010 


*


RÈGLES DU JEU DE LA COMMUNE RINGOLEVIO


    Puisque, pour Emmett Grogan, le monde est un jeu de Ringolevio (ou chasse à l'homme) grandeur nature, celui-ci obéit à des règles que le joueur doit suivre, s’il veut gagner. Ces règles sont les suivantes :


- Règle du Ringolevio n°1 : savoir se cacher et tenir son rôle

    Le ringolevio est un jeu dangereux, celui qui y participe l’apprend vite à ses dépens. Il faut savoir courir vite, sauter haut et chuter d’un ou deux étages pour courser un membre adverse quand il est dans notre camp, ou pour le fuir, quand on se trouve à l’intérieur de ses lignes. Mais l’essentiel n’est pas de savoir courir et tomber sans heurts, l’essentiel est de trouver les meilleures cachettes, celles qui sont au plus près de la prison ennemie, afin de délivrer ses équipiers. Fatalement, les partenaires du jeu se font prendre, il faut alors entrer au cœur du territoire ennemi pour venir les libérer : tout est là.

    Lorsque le ringolevio démarre, les équipes essaiment sur leur propre territoire, puis elles traversent la frontière afin d’étudier le site adverse et s’y cacher, lorsqu’ils ne sont pas de garde devant leur prison. Être aux avant-postes signifie rester immobile et silencieux, le plus souvent dans une position inconfortable afin de ne pas être repéré. Un membre dans les lignes adverses est perpétuellement aux aguets, il apprend à écouter les bruits que font ses ennemis afin d’évoluer dans le jeu. Celui qui ne sait pas déjouer l’attention de l’adversaire n’avance pas.

    Le ringolevio est donc un jeu de masques et de dupes, un jeu où il faut avoir saisi sa propre valeur comme la valeur de son ennemi, afin de ne pas prendre de risques inconsidérés. Un jeu, enfin, dans lequel la prison ne fait pas peur, puisqu’on peut toujours s’en sortir. -- Le jeu de Ringolevio est un jeu de masques, de peintures mises sur la figure pour se camoufler, être assimilé au paysage, afin de s’en sortir ou de faire sortir : il est un leurre, et même pour ses coéquipiers.

    Dans l’introduction à l’édition américaine de Ringolevio, l’acteur de cinéma Peter Coyote, qui a été membre des Diggers et un ami d’Emmett Grogan, écrit au sujet du jeu de masques que ce dernier avait réalisé sa vie durant :

    « Pour comprendre la nécessité et le but de l'alter-ego d'Emmett, il est nécessaire de se rappeler l'environnement dans lequel il est devenu conscient :  le milieu des années quarante et le début des années cinquante en Amérique. La Corée avait été le premier choc provoqué par l'euphorie nationale qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, interrompant le processus d'élimination des ressources mondiales, du statut et du prestige de la nation, dans le cadre désordonné de la "sécurisation du monde pour la démocratie". Précipitée dans des circonstances suspectes, la Corée était un enfer sanglant où les troupes se mutinaient et se débattaient avec des armes inutiles dans une lutte entre voisins étrangers qu’elles ne comprenaient jamais pleinement.
[…]

    « Les mécanismes de propagande culturelle battaient [alors] leur plein. Rock Hudson et Doris Day annonçaient le paradis des consommateurs américains au reste du monde par des ébats asexués. "Ozzie et Harriet" et "Leave it to Beaver" ont offert à la télévision des fantasmes fades de la vie de famille, intimidant les enfants pour qu'ils ne parlent pas de leurs chagrins personnels, de peur qu'ils ne soient considérés comme des monstres. Dans de véritables maisons, les gens buvaient, se battaient âprement, abusaient de leurs enfants, avaient des ulcères et travaillaient dans des tombes précoces. Des pressions ont été exercées sur les jeunes pour qu’ils étudient des matières insignifiantes pour entrer au collège, obtenir leur diplôme et "se débrouiller" tandis que leurs parents mouraient devant eux.

     « Ce divorce entre la réalité et la fiction officielle exigeait une articulation et une voix, et cette voix était l’incroyable jeunesse souterraine qui diffusait ses informations "traîtres" par la sagesse de la rue. Ce n’est pas un hasard si Kenny Wisdom est le nom qu’Emmett a choisi pour être le protagoniste de la première moitié de Ringolevio. Wisdom est le moi non dirigé qui existait avant que le jeune Emmett ait voulu exister. »

    Wisdom, en anglais, signifie la sagesse ; c’est le premier nom, le premier masque, que se choisit Emmett Grogan dans son livre, afin de paraître assimilé et normé aux yeux de la société américaine des années 50. On peut ainsi interpréter le choix du patronyme Wisdom de la façon suivante : qu’il est sage de cacher son identité lorsque le monde est clivé. Comme l’a expliqué Georges Devereux en ethnologie à propos de l’identité, l’individu évoluant dans une société hostile doit cacher son moi profond, s’il veut survivre et rester sain de corps et d’esprit[1]. La sagesse, ou Wisdom, d’un homme de la rue, dans le monde clivé du New York de la fin des années 50, vient du choix du masque qu’il devra porter afin de s’émanciper. Comme, avant lui, l’écrivain anarchiste B. Traven et l’ethnologue Georges Devereux lui-même, le masque deviendra non seulement pour Grogan une technique de survie, mais aussi un moyen de sublimation lui permettant de créer. Ce que n’avait pas osé faire le poète Fernando Pessoa après son manifeste futuriste Ultimatum, qui revendiquait une société inexistentielle dans laquelle les identités (ou hétéronymes) pouvaient être transformées sous l’action de la culture, Grogan l’a tenté pour lui-même, parce que, comme B. Traven et Devereux dans leur jeunesse, les circonstances lui ont été néfastes.

    Devereux était un juif hongrois qui fit ses études en France pour fuir la politique antisémite ayant cours dans son pays natal après son annexion par la Roumanie en 1918, un an plus tôt l’écrivain anarchiste B. Traven était poursuivi en Allemagne après la république des conseils dont il avait pris part[2] ; le jeune Eugène Grogan, quant à lui, est devenu héroïnomane dès l’âge de treize ans.


[1] L’essai, La renonciation à l’identité, est la reprise d’une conférence, que l’ethnopsychiatre Georges Devereux avait donné en 1964, dans le cadre de son admission à la Société psychanalytique de Paris. La thèse de La renonciation à l’identité, son ouvrage le plus célèbre, est la suivante : l’homme cherche, pour se protéger, à cacher son identité. Un tel fait ne constitue pas une exception à la règle, mais il est d’ordre général : « L’objet de cette étude, écrit Devereux aux premières lignes de La renonciation à l’identité, est le fantasme que la possession d’une identité est une véritable outrecuidance qui, automatiquement, incite les autres à anéantir non seulement cette identité, mais l’existence même du présomptueux. »

     Comment, dès lors, se constitue l’identité de l’homme pour Devereux ? 
    Celle-ci, pour lui, a pour origine le fait que le nourrisson perçoit progressivement sa mère comme n’étant pas lui. Contrairement au psychanalyste Winnicott dans Jeu et réalité, Devereux considère que, initialement, ce n’est pas la mère qui, par sa sollicitude, révèle son identité au nourrisson en le sevrant progressivement, mais c’est le nourrisson qui se dégage seul d’une chair dont il conçoit peu à peu qu’elle n’est pas la sienne : « La constitution d’une identité chez l’enfant, qui ne la possède pas encore, est un processus fort complexe, affirme ainsi Devereux dans La renonciation à l’identité. Puisque l’enfant doit se dégager de l’identité duelle qui le rattache à sa mère, René Arpad Spitz a parfaitement raison de dire que le premier dégagement de l’enfant de son ambiance, dégagement qui marque la genèse même de son identité, est le moment où il prononce – d’une façon ou d’une autre – le mot « non ! ». Ce moment correspond à un véritable second accouchement (psychique), puisque c’est par cet acte que l’enfant affirme son identité contra mundum, comme disent les juristes. Par surcroît, la constitution de son identité est un véritable « bricolage », dans le sens qu’attribue à ce mot Claude Lévi-Strauss. Son identité n’est pas une première donnée. Elle résulte d’un assemblage à la fois planifié et fortuit, dont les possibilités et la portée sont limitées tant par la nature du « projet » que par le matériel dont il dispose, et dont il exploite les possibilités avec plus ou moins de succès. »

[2] Pour l’écrivain B. Traven, lire l’étude que Rolf Recknagel lui a consacré en 1965 : B. Traven, romancier et révolutionnaire. Ed. Libertalia (2018).

    Le rapport entre B. Traven et Georges Devereux est loin d’être anecdotique, à ce qu’il me semble. Comme je viens de l’écrire, l’un et l’autre auteurs, aussi éloignés qu’ils nous semblent être au premier abord, autant par leur style que par leurs idées, renoncent à leur identité pour des raisons politiques et culturelles d’abord : B. Traven est un militant anarchiste recherché en Allemagne pour ses activités révolutionnaires au sortir de la première guerre mondiale ; le Hongrois György Dobó (alias Georges Devereux), quant à lui, est juif, alors que la province du Banat de Timisoara, où il est né, s’est fait annexer, en 1918, par l’Etat roumain qui est antisémite. Le lecteur pourrait s’arrêter là, on comprend sans peine que la survie d’un homme puisse le pousser à changer de nom. Mais l’un et l’autre écrivains ont aussi, par la suite, joué avec leur identité et brouillé les pistes, tandis que leur vie n’était plus menacée. Ainsi, en 1948, B. Traven s’est fait passer, devant le cinéaste John Huston, pour Hal Croves, l’agent littéraire de B. Traven, en vue de l’adaptation cinématographique de l’un de ses romans les plus connus Le Trésor de la Sierre Madre, avec Humphrey Bogart. Aujourd’hui, on sait que B. Traven a endossé, sa vie durant, plus d’une trentaine d’identités différentes. Pour György Dobó, le cas est sans doute moins spectaculaire mais plus énigmatique : s’il part en France à dix-huit ans, c’est non seulement pour y poursuivre des études, mais aussi pour fuir la politique antisémite et le service militaire roumains. En 1932, György Dobó est en France depuis six ans et son nom, en se roumanisant, est devenu Gheorghe quelques années auparavant, comme le patronyme Deutsch de ses parents s’était lui-même magyarisé en Dobó avant sa naissance. Sans doute, l’étudiant Gheorghe Dobó sent-il la montée de l’antisémitisme en Europe avec la non moins résistible ascension de Hitler au pouvoir ; il comprend dès lors que sa vie est menacée, comme l’a été celle de ses parents avant lui. Il quitte donc l’Europe pour les Etats-Unis, six ans avant la seconde guerre mondiale.

     Jusque-là, tout semble logique dans le parcours choisi par György Dobó, et cette logique est assimilationniste : pour pouvoir vivre, il a à renoncer à une identité et à une culture menacées pour une autre : en 1932, Dobó, en choisissant la nationalité française, se convertit ainsi au catholicisme, et il s’invente des parents français. Mais alors, pourquoi en France, lors de sa conversion religieuse, avoir choisi le nom « Devereux » qui, en Roumain, évoque « evreu », l’hébreux ? Pourquoi avoir cherché à montrer et à cacher, dans le même temps, sa judéité avec un tel jeu de mots ? Et, par la suite, après la seconde guerre mondiale, alors qu’il a obtenu la nationalité américaine en 1935, pourquoi, jusqu’à sa mort, alors même que son existence n’était plus menacée, a-t-il toujours nié, même à ses amis proches, le fait d’avoir été juif (voir à ce sujet l’article du philosophe Tobie Nathan « Devereux, un hébreu anarchiste » [Site du Centre Georges Devereux, url : http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/hebranarchiste.htm] ) ? Il y a, là même, comme pour B. Traven, dans cette renonciation à l’identité qui formera l’essentiel de son apport théorique à l’anthropologie et à la psychanalyse, un jeu de masques, une mascarade, en somme un jeu, proprement dit, avec la vie. Voyons là-même, dans le jeu avec la vie de Devereux, un jeu de mots érudit. A quoi pourrait aussi correspondre en français « evreu », qui signifie en roumain (la langue qui a annexé en 1918 sa terre natale) hébreux ? Il y a, en ancien français, le verbe "ever" qui veut dire "égaler, comparer // aplanir, raboter // se comparer, être comparable", mais aussi "everser" qui signifier "renverser", donc "détruire". Devereux égalerait, en l’occurrence, l’hébreux, Devereux serait un hébreux qui aurait été symboliquement aplani sous les coups d’un rabot. On a, peut-être, là le shibboleth permettant de renverser l’être Devereux, et donc, d’une certaine façon, de le « réduire à néant ».

    Quel rapport reste-t-il encore à tracer entre Devereux et B. Traven ? B. Traven meurt en 1965 et ses cendres sont dispersées, selon ses volontés, au-dessus du Chiapas – ce qui est, dans son cas, une façon de ne pas laisser, de nos jours, à la science la possibilité d’exhumer son corps pour élucider le mystère de ses origines à partir d’un prélèvement ADN : nul ne sait encore actuellement qui étaient le père et la mère de Traven, alias Ret Marut. Les cendres de Devereux, ont, elles aussi, été dispersées en 1985 dans la réserve indienne Mohave de Parker, au Colorado. L’un et l’autre ont donc pu choisir le sol d’un peuple premier comme terre d’élection. Il y a là encore, chez ces deux auteurs, l’affirmation stoïcienne que l’homme est citoyen du monde et qu’il n’a pas de frontières : l’homme est allemand, anglais, autrichien, hongrois, mexicain, français, du chiapas, américain, roumain ou mohave, l’homme est ce qu’il fait de lui, il est le maître de son temps et le fils de ses œuvres.


samedi 17 août 2019

PORTO




Commencer par
à cinq centimètres de la page
la main de l’homme peut se mettre à
trembler
                        quelques sons plus
                        aigus à son approche
            mais sur la feuille
            le trait demeure droit

Un juste retour des choses
    - effet Doppler
comme cette petite
fille laissée seule
sur sa trottinette
dévalant la pente
menant au Douro
à quelques encablures
de Cathedral Sé

            Chute de l’enfant
            qui se met à pleurer
  des piétons cherchant déjà
  à la consoler
  mais rien de grave

  Une feuille d’or recouvre
  des tiges d’herbe
sur de la faïence bleue
  à la cime des clochers
  et le soleil dardant
 les peaux,
            le masque des peaux-
vinyle,
            une matière-vinyle
qui compose
            les statues des saints
            et du Christ
  Dans des chapelles ardentes
des idoles ressemblant à de
   grandes poupées de collection
   de facture fétichiste sous leurs cloches de verre
            De vieilles histoires ressorties noires de jais
                                                            depuis maintenant
deux mille ans
                                      les carillons
                              chantent, et quelques pauvres hères
                        pour dormir à même le
                           sol des rues,
toujours

            quelque chose comme
                        une empreinte carbone
                        originelle,
                        infusant sous chacun
de nos pas depuis
                qu’Ève a croqué la pomme,
            et l’ouverture du
passage nord-ouest sur
            l’Arctique.

Porto,
ville aux mille grues
de chantier
Le ciel est gris ce jour
il a plu pour la première
fois depuis un mois
la chaleur a brûlé sec
l’herbe de nos jardins

            Sur des terrasses
en étagements
            les séries de maisons
            cubes de couleurs en aplat alignés
            tel un tableau de Paul
Klee ou de Sol Lewitt
Les panneaux des paravents
            chromatiques
peuvent être interchangeables
selon les envies des
            touristes
et leurs moyens financiers


Vous
pouvez devenir propriétaires
ici,
certains loyers devront
être bloqués cependant,
pour défendre les habitants
contre la voracité
des promoteurs.

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low-cost et la vente
de souvenirs aux
flâneurs des quais.
Marge estimée de ⸻
Note du chiffre sous le tiret



Sur les axes du périphérique,
le parc automobile
ne désemplit pas,
nous déclare une femme-taxi
qui nous emmène à
notre hôtel
toutes les voitures sont
neuves et rutilantes comme
pour défier l’approche
d’une antépénultième
crise

            Où est la petite fille
tombée de sa trottinette,
            maintenant
a-t-elle retrouvé ses
parents ?

Ici, le vol libre
d’une hirondelle dans

              un
         jardin
      près
de
l’océan,                 

            dessinant
 le
  signe
          de
l’infini            
   dans le 

               ciel.

    
                        Toutes les idées qui nous
viennent sont bonnes à
                        prendre,
mêmes celles surgissant
entre deux phrases

L’approche du stylo sur
la page changeant la
            direction des idées
mais tout tombe sous le sens quand ⸻

                                    Qu’a-t-on fait
aujourd’hui      que devra
-t-on faire demain
combien de jours nous
                        reste-t-il
            pourquoi vis-tu avec moi, me demande Joëlle

            Nous sommes dans un café
populaire jouxtant l’université,
            le quartier étudiant,
à dîner d’une salade
et de quelques verres de sangria
            L’intemporalité des
            cafés populaires en Europe,
            partout la même liesse des
consommateurs
lors des soirées
            de matchs de foot

            Le cri des habitués du
café interpelant l’image
            du joueur à l’écran afin qu’il
tire son but
            et parlant à la cantonade.

            Pourquoi vivre ici plutôt
que là
            y a-t-il sur terre un
endroit où nous pourrions
            nous rencontrer
un air, une peinture,
une musique menant
à l’Adam primordial, au makanthropos ? 

       Et parlant à la cantonade
            nous aussi
            puisque nous serions
intimes avec tous les hommes
sans exception,
un Corps glorieux
au milieu d’eux,
la même liesse emportant
            le public,
oui, même à l’entrée d'un ballon
dans des cages sur un écran
de télévision dans un café de Porto
, ou l’enfant
ivre   
en observant la rapidité
            du vol libre d’une
hirondelle
            évitant les accidents
dans un ciel

             infini


Commencer par
                             un refrain
                             répons
                             comptine
                             rondeau
                             chanson du jour


Je n’ai pas vu de fontaines
dans cette ville, me dit alors Joëlle
    y en avait-il aussi peu
lorsque nous visitions Lisbonne

    Combien de jours se sont-ils
passés depuis que la Terre
    a franchi son seuil-limite

    Porto sera-t-elle
une ville engloutie sous l’eau
    des océans demain

    Quel voile d’ignorance
poser sur les yeux des passants
    jour et nuit
déambulant chaque heure
pour qu’une communauté
sourde des pierres
affleure à même ta peau
le cohobé des cinq
éléments
la tige d’une
fleur dorée
et la nuit s’installant
, douce et lente ,
comme une marée prévue
sous nos climats
pour
        commencer par
        Commencer par


        à cinq centimètres de la page
        la main de l’homme peut se mettre à
        trembler
                                    quelques sons plus  ̶