"A bout de souffle" - Image du duo d'artistes Les Riches Douaniers,
composée à partir du jeu-vidéo Grand Theft Auto IV
Paradigme de l'expérience psycho-sociale Nouveau absolument Nouveau : permettre à la personnalité humaine de s'adapter artificiellement à une nouvelle existence, lui permettre de vivre un rôle humain puis un autre, en somme lui faire éprouver du plaisir à être le plus grand nombre d'autres, sans qu'elle ne s'en trouve altérée, sans même qu'elle ne subisse de déréalisation de soi ni de son environnement.
*
«
Travaillons au moins,
nous, les jeunes,
à perturber les âmes,
à désorienter les esprits.
Cultivons en nous-mêmes,
telle une fleur rare,
la désintégration mentale. »
Fernando Pessoa
« Nous parlons d’une
époque où tous les hommes sont devenus Homère. »
Anonyme
I
Sur la scène, Junky, un joystick à la
main, devant un grand écran de jeu vidéo.
Le comédien, ayant le rôle de Junky, suit, devant l'écran sur la scène, les
« caprices » du personnage qu'il joue sur Grand Theft Auto 4 : transfert. Junky est un junky, mais Junky est aussi, dans le même temps, un « avatar
informatique » cherchant, dans un jeu, à entrer en communication avec un
dealer qui, lui, est, dans GTA 4, un figurant sur le mode Pause, une routine
de la machine.
abruti qui a sur soi le produit dont j'ai besoin. J’suis en manque, bordel…
‒ Bordel, tu peux pas ?... Tu peux pas, c’est tout… Je vois pas pourquoi je
(Le personnage que joue Junky saute à l'écran.)
(Junky saute à son tour.)
Le docteur me laissera bientôt sortir.
(Junky saute, son personnage dans le jeu saute, lui aussi.)
Il
faudra bien que les infirmiers se résolvent à me laisser sortir. − Qu’est-ce
qu’il
y
a derrière moi ?... Je ne vois pas ce qu’il y a derrière moi…
(Routine du figurant Dealer sur Grand Theft Auto 4 qui,
au bout d’un instant, se met à sauter.)
Junky − Il saute, Dieu saute, saute, saute,
saute, et avance en crabe dans son
petit
jeu. Et le crabe tourne en rond…
(Junky fait courir en rond son personnage à l'écran.)
Junky
− Je cours, il court en rond, tout court, grandes foulées, petites, et il
crie
que Dieu est un Indien !
(Junky hurle alors.)
Junky
(après avoir fait revenir, dans le jeu, son personnage devant le dealer) −
Maintenant, Dieu est devant
Maintenant, Dieu est devant
toi,
le crabe, il avance, appuie sur sa manette son personnage et fait comme si tu
n’existais
pas. « Tu n’es pas un dealer ! », dit-il, « tu n’es pas un
dealer ! », et je
n’aurai
pas ma dose aujourd’hui ni demain. J’avance alors contre la porte, hors
du
jeu, je crie, je hurle pour qu’ils me laissent sortir en ville. « Je ne
veux pas de
votre
subutex ! que je dis. Je ne veux pas de vos médicaments ! Je ne veux
pas
être
soigné ! Laissez-moi sortir ! »
(Le personnage, que joue Junky, tourne à nouveau en rond à l'écran.)
Junky
− Alors, dieu tourne en rond, l’Indien dans sa tête file et sa console
prend
les commandes de sa main. Il parcourt le courant de ses veines, manette
de
20 à 340° sur son axe comme sexe mis en branle pour le service. Souffle
moteur,
respiration ventilée court, petite foulée, branlette quotidienne à la face
du
ciel. − Pussylight ! Lumière sur le sexe d’un ange ! − Et le ciel
tourne, filme
et
saute à ma place, là… Alors, perdu dans ses prières, dieu retourne à son prie-
dieu…
(L'avatar de Junky revient vers le dealer du jeu-vidéo)
Junky − − Pussylight ! Lumière
sur le sexe d’un ange ! − Il baisse la tête devant
le soleil et se demande, le nez
sur son missel, pourquoi il est enfermé ici et
pourquoi il joue à ce jeu… Il
se relève ensuite, avance, revient devant le prie-
dieu, et il déclare séance
tenante, déclare à une chaise sur laquelle l’homme
s’agenouille ordinairement pour
prier : « Vous êtes vous-même pire qu’un
dealer, docteur, puisque
vous essayez de me faire prendre de l’aspartam pour du
sucre. »
(Le personnage, que joue Junky, tourne à nouveau en rond dans le
jeu.)
Junky
− … Puis il repart !… Le ciel tourne alors pour le soleil ; il
saute !
−
Pussylight ! Pussylight ! − Le
ciel cherche à s’agenouiller en plein vol,
comme
une espagnole pour une passacaille, une jeune danseuse en transe, six
heures
durant, dans une boîte de nuit. Et, derrière la danseuse, un avatar informatique
tourne,
saute et reproduit, par courant électrique et galvanisme, les dernières
contractions
des nerfs d’une main sur une console…
(Son personnage revient, dans le jeu, vers le dealer.)
Junky
– L’influx nerveux revient alors vers le dealer ou le prie-dieu, n’importe lequel
des deux fera l'affaire ! « Cela va ? lui demande-t-il. Pourquoi personne ne me répond ?
Pourquoi personne n’est là, quand je crie ? Tu sais qui je suis ? Dis, tu sais qui je suis ?
des deux fera l'affaire ! « Cela va ? lui demande-t-il. Pourquoi personne ne me répond ?
Pourquoi personne n’est là, quand je crie ? Tu sais qui je suis ? Dis, tu sais qui je suis ?
Non ?
Je suis les derniers influx nerveux d’une main sur une console de jeux,
je
suis l’avatar informatique d’un homme dont on a coupé la tête, il y a de cela
une
heure. Je suis mort, tu comprends ? Je suis mort. MORT !
Et toi,
derrière ta console de jeu sur Internet, tu n’en
sais rien, tu joues, tu poursuis ta
partie, tu ne sais pas qui je suis. Comment pourrais-tu savoir que l’homme,
derrière
le personnage rencontré dans un jeu sur Internet, est mort ?»
(Silence. On voit, à l’écran, une tête de mort en
surimpression dans le ciel de GTA 4. Le junky fait, dans le jeu, son quatrième
tour sans un mot, puis il revient vers le dealer,
comme pour lui parler.)
comme pour lui parler.)
Junky
– Je suis un personnage. J’avance, je me mets de côté, des écueils me
freinent.
Je n’ai pas de vie, pas de sang dans les veines. Je suis un automate, je
singe vos gestes, j’imite vos attitudes, je
répète vos mots, une horloge souffle
mon
cœur et vous donne l’impression que je respire. Vous pouvez pester quand
votre
esprit va plus vite que le programme de la console, vous pouvez crier pour
que
je démarre ou que je dégage plus vite. Votre main poussant la manette à sa
limite,
vous pouvez me casser parce que je ne réponds pas à vos attentes et
revenir
chez le vendeur avec ma garantie. Vous pouvez me transformer en autre
chose
que le modèle initial et créer un avatar qui n’était pas prévu par mes
concepteurs.
Vous pouvez me critiquer, gloser et me donner une note comme
un
élève, ou faire de moi l’image de la femme que vous avez perdue, parce que
vous
n’avez pas fait son deuil. Vous pouvez convertir la monnaie de
singe
que je vous tends à l'écran avec de vrais billets, afin de faire des transactions
avec
des "vrais" hommes, ou me transformer en une "vraie" compagne, comme
votre
chien, votre maîtresse ou la télé, exutoire et processus de renacissisation.
Vous
pouvez me montrer dans les meetings afin que les masses croient en vos
histoires
et vous louent pour cinq ans ou la vie. Vous pouvez être chevalier blanc,
condottiere,
chien de paille ou maître du monde...
(Junky fait à nouveau tourner son personnage dans le jeu.)
... je tourne, je tourne, et la vie tourne son œil avec moi hors des événements
et des révolutions, tourne, tourne, telle une spire tirée dans la nuit
par un artificier, tourne, écran plasma Walt Disney présentant la version numérique,
temps réel, le champ d’honneur, tourne et saute, cible située, saute, l’Indien,
le champ d’honneur, en plein jour, saute ou fait l’amour.
Le "vrai" homme saute ou tourne ou se marie avec un simulacre
(Junky fait à nouveau tourner son personnage dans le jeu.)
... je tourne, je tourne, et la vie tourne son œil avec moi hors des événements
et des révolutions, tourne, tourne, telle une spire tirée dans la nuit
par un artificier, tourne, écran plasma Walt Disney présentant la version numérique,
temps réel, le champ d’honneur, tourne et saute, cible située, saute, l’Indien,
le champ d’honneur, en plein jour, saute ou fait l’amour.
Le "vrai" homme saute ou tourne ou se marie avec un simulacre
qu’une
nouvelle forme de jurisprudence aurait consacré homme ou femme, à sa
guise.
Dieu tourne et l’Indien tourne avec vous, le monde leur semble plus gai,
ils
croient tout,ils aiment tout et ils se sentent plus fort ; ils aiment
votre
compagnie,
avec elle, ils ne se reconnaissent pas
de limites, parce que vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, vous n’existez
pas, n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous…
Noir à l’écran et dans la salle.
(La phrase se poursuit après la dernière image du jeu
vidéo.)
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
(Voix-off de femme, alors.)
Voix
de femme – Avez-vous fait votre métanoïa ? Avez-vous réussi à changer
de
peau ?
Oui ?
Non ?
Vous
rappelez-vous de votre ancienne identité ? Dans quel monde vivez-
vous
maintenant ? Quelle est votre adresse ? Dites-nous en plus sur vous.
Nous
voulons
vous connaître d’avantage. Dites-nous qui vous êtes.
Vous rappelez-vous de votre ancienne identité ? Parlez-nous. Dites-nous ce que vous
Vous rappelez-vous de votre ancienne identité ? Parlez-nous. Dites-nous ce que vous
êtes
devenu. Vos proches et vos parents ont le droit de savoir. Ne les laissez pas
sans
nouvelles de vous. Vos parents et vos proches ont le droit de savoir.
Avez-vous fait votre métanoïa ? Avez-vous réussi à changer de peau ?
Avez-vous fait votre métanoïa ? Avez-vous réussi à changer de peau ?
Oui ?
Non ?
Vous rappelez-vous de votre
ancienne identité ? Dans quel monde vivez-
vous maintenant ? Quelle
est votre adresse ? Dites-nous en plus sur vous. Nous
voulons vous connaître
d’avantage. Dites-nous qui vous êtes.
Vous rappelez-vous de votre ancienne identité ? Parlez-nous. Dites-nous ce que vous
Vous rappelez-vous de votre ancienne identité ? Parlez-nous. Dites-nous ce que vous
êtes devenu. Vos proches et
vos parents ont le droit de savoir. Ne les laissez pas
sans nouvelles de vous. Vos parents et vos proches ont le droit de savoir…
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
n’existez
pas, vous n’existez pas, n’existez pas, vous n’existez pas, vous
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire