jeudi 3 décembre 2015

LAUDES


 

Behindert (Film de Stephen Dwoskin, 1974, avec Carola Regnier)



Mère reprend, remise ici ses volutes au ciel,


comme rousserolle imitant pour son chant de printemps


le chant des oiseaux alentours,


ou liturgie musicale dans un arbre feuillu,


provenant d’une erreur de couplets


entre viandes blanches de même espèce,


et l’erreur, par la suite,


deviendrait partie intégrante du chant aviaire,


semblerait se perpétuer ad vitam aeternam,


comme dispositif d’autocorrection


devant ramener au bercail


les fidèles sceptiques.


Et, mis bout à bout,


l’ensemble des prières


de Mère au Seigneur,


toute missive envoyée à un destinataire inconnu,


devrait procurer l’aspect d’une fugue,


dans lequel le contrepoint


serait figuré par de ces étourderies


dont la récitante est coutumière,


eu égard à la Lettre du texte,


manque d’attention ou de discipline,


heurts ou bug,


changement tonal.


 


Mère se reprendrait alors,


après respirations fortes,


halètement, allaitement de tout le corps,


de tout son saoul, de tout son souffle,


hoquette,


hoquette,


corrigerait son chant


dans une succession de plans séquences


décomposés ralentis,


transformant la liturgie,


des matines aux vêpres,


en un bruit de respirations impromptues,


souffles & mugissements,


vagissements obsessionnels,


écarts de langage, lors,


chaque portrait de Mère priant reprisant, volutes


mises bout à bout,


de sa plus tendre enfance à nos jours :


c’est ce qu’il nous faudrait maintenant.


Le tout, misé remisé reprisé mis bout à bout


lors dérushage,


comme longs solos, longues agonies,


râles émis ou rêvés,


évoquant en finale


(repons ultime)


 


les scènes filmées du cinéaste Stephen Dwoskin,


présentant ses obsessions,


de la jeunesse à la vieillesse,


 


et jusqu’à son dernier souffle,


son dernier film,


sa dernière prise


à la lune, aux dieu & aux femmes,


 


les souffrances du handicap du désir et la vieillesse,


filmées crues et nues,


viande blanche Stephen Dwoskin


comme carne sur un tableau,


Francis Bacon


jusqu’au bout.


 


Jusqu’au bout,


carne,


carne,


souffrances


souffrances


plaisirs & douleurs


désir du désir


mise en boucle inlassable


inlassable et monotone


expression du désir,


tout du long,


de la jeunesse à la vieillesse.


 


Inlassable et monotone,


le commun du désir,


des obsessions, de l’amour,


chez une bigote, chez une mère


comme chez un poète.


 


Inlassable


et monotone


nudité


du corps


des femmes


et de dieu


 


 


The sun


and


the


moon


  


The sun


and


the


moon


 


The sun


and


the


moon


 


Il faudrait il faudrait


que tous les femmes


que toutes les hommes soient Stephen Dwoskin,


qu’ils filment qu’ils publient leurs obsessions


au soleil à la lune


à dieu


jusqu’au bout,


jusqu’à la fin,


sur les écrans des cinémas de quartiers.


 


Alors, peut-être n’y aurait-il plus d’artistes,


de mythes ni œuvres d’art à aimer,


à regarder & contempler,


mais rien que des corps nus,


rien que la sale nudité des corps,


rien que ta sale intimité,


ta sale intimité à toi,


mais tellement vraie,


vraie et sale


et sans fard.


Peut-être n’y aurait-il


plus besoin de dieu ni d’église


ou de nations,


mais ton corps,


mais nos corps,


mais ton corps,


exhibé exposé achalandé


sur écran dans les salles de cinéma,


et sans fard,


sans fard,


splendide dans sa médiocrité,


et tellement vrai


tellement vrais,


et sans masque,


sans masques,


jusqu’au bout,


jusqu’aux nues.

 

 
Stephen Dwoskin, dans The sun and the moon


Aucun commentaire: