… Ici, parler de Monsieur M…
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Pierre Bismuth |
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Depuis
longtemps, Monsieur M. était assis sur une chaise, dans sa chambre, observant
sa femme du coin de l’œil. Il tenait un journal plié sur ses genoux à la
première page, et il ne lisait pas et il ne regardait pas vraiment sa
femme ; il l’observait seulement, c’est-à-dire qu’il passait le regard des
lignes imprimées à la silhouette, au fessier, aux jambes, à la poitrine lourde
et avachie sur le lit. Il passait du journal à sa femme distraitement, comme
j’écris ceci, et ce n’est pas par manque d’intérêt de ma part, puisque je sais
ce que je vais écrire et que Monsieur M. connaît la silhouette de sa femme
intimement et davantage encore, si cela pouvait être, mais un trop plein de
concentration sur ces lignes pourrait nous faire perdre à tous deux quelque
chose, de ce qui demeure figé maintenant face à nous, et qui bouge pourtant
doucement, de façon lente et farouche, et guette l’instant où nous tournerons
la tête, comme la souris épie chez le prédateur un clignement des yeux, ou, au
jardin, un enfant dans notre dos, alors que nous nous écrions : « Un,
deux, trois, soleil ! »
Le lit était à deux pas de l’endroit où M.
se trouvait ; un lit pour deux personnes et deux armoires l’entourant.
Non, plutôt une armoire en forme d’arche ou d’U renversé, peinte en blanc, puis
un petit secrétaire qui s’ouvre sur le devant. Et l’armoire et le bureau
semblaient une excroissance des murs, ainsi que d’autre meubles dans la
chambre, dont je ne dirai rien, pour que respire le lecteur, tant les objets
nous paraissent inertes et étouffants après une trop longue attente.
À côté du secrétaire, sur la gauche, une
fenêtre, là où la lumière du soir se changeait en ombre…
Que faisait M. alors ? Que fit le
ciel ? Il passa, comme sa femme et l’écriture, du jour à la nuit.
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