lundi 26 octobre 2015

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Carrière de Comblanchien


« (Les objets inanimés pouvaient faire ce qu’ils voulaient. 
Non pas qu’ils voulussent réellement, car l’objet inanimé ne veut pas,
il n’y a que l’homme qui veuille. Mais les choses font ce qu’elles font,
et c’est pour cela que Profane pissait contre le soleil. )» 

V., Thomas Pynchon


Un sentiment de puissance certain saisit
Bruno Lemoine au contact de sa verge.

Nous sommes un week-end de mai ou de juin 2010,
dans une carrière abandonnée de l’Auxerrois.
Le ciel est bleu, le soleil culmine à l’horizon.
Voûte indigo & horizontale
sous le tracé ancien des burins.

Arrêtes vives laissées par des pieux & des maillets de métèques,
métèques désormais morts & gisant  au cimetière d’un village, 
village au milieu de la diagonale du vide 
*     bourgognemassifcentrallimousinpyrénées     * 
*     bourgognemassifcentrallimousinpyrénées     *
*     bourgognemassifcentrallimousinpyrénées     *
nom sans dénotation ni résonance dans le désert où Bruno se trouve,
n’évoquant pas même les deniers mots jetés d’Hofmannsthal  
(" Je n'écrirai aucun livre parce que précisément la langue 
dans laquelle il me serait donné non seulement d'écrire mais
encore de penser est une langue dont 
pas un seul mot ne m'est connu ") , 
ou retraité, fils & petit-fils d’Italien,
regardant la télé, faisant des mots croisés, 
perclus de rhumatismes, ayant enfanté, 
devenus grand-père, oncle, tante ou prophète, 
attendant l’amour, attendant la mort.

La carrière fait une large cuvette incurvée 
dessous l’horizon, un jet jaune dessinant bientôt
une ligne hyperbolique
touche en plein l’astre blanc, 
orée des fous, selon le poète Pierre Roux, 
émettant brûlant ses excréments,
ou orgones trouvés de Wilhelm Reich, 
trouant ou traversant l’épiderme des innocents,
& le jet rayonnant victorieux, 
calme & lent,
telle la cérémonie du thé au Japon.
  
Le soleil forme maintenant un médaillon rouge ; 
Bruno Lemoine est lui-même rouge, 
tout au moins, ce qu’il inspecte de lui est
rouge & bête, 
de la pointe de son sexe au soleil déclinant.

« Je suis un idiot, je suis un raté, je vais mourir seul,
se dit-il alors.
Je suis petit, je sais à peine marcher, 
ma tête pend sous mon épaule,
quand on ne la maintient pas.
Mon ventre ressemble au bidon des femmes,
je ne sais pas me retenir.
Je chie,
je pisse,
j’éjacule 
sans honte ni gène. »
  
Jet montant curviligne au crépuscule, blanc dessous l’espace gris,
sous la voûte.
Le soleil se couche à l’horizon,
dès que la lune se lève.
  
« Je m’appelle Bruno Lemoine,
je suis un idiot, bête, méchant, raté,
je suis petit, 
je chie, 
je pisse, 
j’éjacule sans honte ni gène,
jour et nuit.

Je suis comme vous. »


 

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