Carrière de Comblanchien |
« (Les objets inanimés
pouvaient faire ce qu’ils voulaient.
Non pas qu’ils voulussent
réellement, car l’objet inanimé ne veut pas,
il n’y a que l’homme qui
veuille. Mais les choses font ce qu’elles font,
et c’est pour cela que
Profane pissait contre le soleil. )»
V., Thomas Pynchon
Un sentiment de puissance certain
saisit
Bruno Lemoine au contact de sa
verge.
Nous sommes un week-end de mai ou
de juin 2010,
dans une carrière abandonnée de
l’Auxerrois.
Le ciel est bleu, le soleil culmine
à l’horizon.
Voûte indigo & horizontale
sous le tracé ancien des burins.
Arrêtes vives laissées par des
pieux & des maillets de métèques,
métèques désormais morts &
gisant au cimetière d’un village,
village au milieu de la diagonale
du vide
*
bourgognemassifcentrallimousinpyrénées *
*
bourgognemassifcentrallimousinpyrénées *
*
bourgognemassifcentrallimousinpyrénées *
nom sans dénotation ni résonance
dans le désert où Bruno se trouve,
n’évoquant pas même les deniers
mots jetés d’Hofmannsthal
(" Je n'écrirai aucun livre
parce que précisément la langue
dans laquelle il me serait donné
non seulement d'écrire mais
encore de penser est une langue
dont
pas un seul mot ne m'est connu
") ,
ou retraité, fils & petit-fils
d’Italien,
regardant la télé, faisant des mots
croisés,
perclus de rhumatismes, ayant
enfanté,
devenus grand-père, oncle, tante ou
prophète,
attendant l’amour, attendant la
mort.
La carrière fait une large cuvette
incurvée
dessous l’horizon, un jet jaune
dessinant bientôt
une ligne hyperbolique
touche en plein l’astre
blanc,
orée des fous, selon le poète
Pierre Roux,
émettant brûlant ses excréments,
ou orgones trouvés de Wilhelm
Reich,
trouant ou traversant l’épiderme
des innocents,
& le jet rayonnant
victorieux,
calme & lent,
telle la cérémonie du thé au Japon.
Le soleil forme maintenant un
médaillon rouge ;
Bruno Lemoine est lui-même
rouge,
tout au moins, ce qu’il inspecte de
lui est
rouge & bête,
de la pointe de son sexe au soleil
déclinant.
« Je suis un idiot, je suis un
raté, je vais mourir seul,
se dit-il alors.
Je suis petit, je sais à peine
marcher,
ma tête pend sous mon épaule,
quand on ne la maintient pas.
Mon ventre ressemble au bidon des
femmes,
je ne sais pas me retenir.
Je chie,
je pisse,
j’éjacule
sans honte ni gène. »
Jet montant curviligne au
crépuscule, blanc dessous l’espace gris,
sous la voûte.
Le soleil se couche à l’horizon,
dès que la lune se lève.
« Je m’appelle Bruno Lemoine,
je suis un idiot, bête, méchant,
raté,
je suis petit,
je chie,
je pisse,
j’éjacule sans honte ni gène,
jour et nuit.
Je suis comme vous. »
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