samedi 29 mai 2010

Ce qu'être d'avant-garde veut dire, David Antin










Allons vite pour une fois/

non, pas le temps de se relire/

il y a autour de nous des passeurs/des femmes et des hommes qui connaissent les voies que nous prenons et qui nous indiquent des chemins à suivre/

Cela aura la forme que cela devra avoir/cela sera bon ou cela sera mauvais/

La laisse poursuit sa course

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Tellement, tellement de passeurs qui sont des livres et de livres qui sont passeurs

Aucune voie n'est détournée, toutes mènent à Rome ou à Al Andalous

Il y avait une communauté gay à Al-Andalous complètement intégrée à la vie de la cité

ses femmes, ses hommes et ladyboys pouvaient faire des centaines de km pour écouter un musicien

La Terre est à tout le monde

La Terre est un salon de musique

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Je n'écris pas je ne parle pas seul

une communauté d'hommes-livres peuplent mes jours

j'apprends les légendes qui vous peuplent

je connais l'origine de vos patronymes et qui sont vos ancêtres

c'est au moment où Lévy-Strauss est mort

que le poète blanc s'incline devant le griot,

les plus corrompus d'entre eux sont actuellement des spin doctors

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non le vin n'était pas une image poétique chez Omar Kheyam

buvez en déclamant ses quatrains vous verrez

quelqu'un quelque ami connaît-il le persan ?

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je vais vous parler de Ce qu'être d'avant-garde veut dire de david antin

parfois je mettrai des majuscules aux noms et aux lettres en début de phrases

parfois non

nijinski dans son journal mettait dieu en minuscule et son mentor Diaghilev en majuscule

-- non, je n'aime pas le terme d'avant-garde moi aussi

parce que j'ai fait l'armée

mais david antin est grammairien

il y avait aussi des poètes grammairiens à al-andalous

tous les poètes sont grammairiens

et, derrière ce qu'être d'avant-garde veut dire,

il y a le livre de bourdieu, du sociologue bourdieu, ce que parler veut dire, qui est un livre qui traite de la façon dont les hommes parlent entre eux

ce qu'être d'avant garde veut dire est un essai poétique et un livre de poétique

un livre magistral publié il y a deux ans par les presses du réel de dijon

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david antin est un poète américain qui vit en californie

il a été directement influencé par la poésie de john cage, et, notamment, silence, qui est un livre sur la poésie, avant d'être un livre sur la musique

david antin n'a pas inventé les talk poems

il y a eu des talk poems depuis que l'homme a su parler

et l'on peut imaginer que l'homme de néandertal faisait de la poésie

qu'il avait ses propres joutes verbales, son propre slam, ses propres hain-tenys

aussi quand un vieillard mourait c'était une bibliothèque qui brûlait

combien oui combien de bibliothèques ont-elles brûlé depuis la nuit des temps ?

combien d'hommes de souvenirs de coeurs perdus ?

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le talk poem est un poème que david antin fait lorsqu'on l'invite pour une performance

antin cherche avant toutes choses à connaître le public qu'il trouvera, le lieu dans lequel sa performance se déroulera, l'histoire du lieu si modeste soit-elle, la vie, la vie comme elle passe dans le moment où il parle, va parler, parlera

il cherche donc à connaître le contexte dans lequel il exécute, tel un griot,

tel un griot, oui, non,

mais un griot pour qui les noms des hommes leur patronyme et leur identité posent question

on pourrait donc parler à son endroit d'un anti-griot

antin ne dit pas : je vais te raconter qui tu es d'où tu viens quelle est ta légende

antin en tant que griot remet en cause le nom des hommes auxquels il raconte une histoire ou l'histoire

remet donc en cause la notion d'identité telle qu'elle a cours aujourd'hui et hier est courue d'avance depuis des lustres

Ce qu'être d'avant-garde est donc aussi une ontologie

et Antin devrait s'écrire ?Antin ou (Antin)

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force magique du nom : mallarmé en a parlé dans son livre :

quand on m'appelle, je me retourne,

et vous ?

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et vous ?

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trois points de Ce qu'être d'avant-garde veut dire, que je vais aborder :

1 - le poème considéré comme étant un moment à vivre, donc un instant éphémère. Le poème comme éphémèride, décompte des jours et des heures

2 - la question de l'identité, comme mise en place d'un récit que chaque individu se construit pour lui-même : le coût de la vie

3 - ce que les talk poems peuvent devenir, un horizon à la poésie de david antin : la mise en place d'une poétique relationnelle (dans le cadre clinique ou intime)

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1 - Le poème parlé passe comme la parole ou un courant d'air

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j'ai dit que l'essai poétique de david antin avait pour intertexte, dès son titre, l'ouvrage de bourdieu Ce que parler veut dire

- Dans cet ouvrage, très sommairement, bourdieu montre comment les interactions humaines fonctionnent à partir de cadres de communication inhérents à nos sociétés et à nos cultures

bourdieu montre, entre autre, qu'il peut y avoir une sociostylistique à l'oeuvre, même dans le parler quotidien, à savoir que la parole d'un homme ou de plusieurs peut faire preuve d'une singularité qui la rend poétique

pour antin il y a donc une sociopoétique à l'oeuvre chez tout homme, quel qu'il soit

certaines mineures certaines majeurs

d'un côté le poète villon de l'autre le critique nisard

seulement cette sociopoétique, pour qu'elle garde de sa spécificité, doit, si elle est enregistrée, à savoir retranscrite en livre, cette sociopoétique, donc, doit trouver une écriture plus proche de la notation que de l'écriture proprement littéraire

le livre doit se plier à la forme orale et non l'inverse

un livre dépositaire ou dépôt

chaque heure chaque homme chaque souffle

un blanc est une pause ou un silence

oui, mais aussi que le livre ou l'oeuvre ne soit plus Livre ou OEuvre

si le sentiment du beau doit être, ce sentiment, l'esthétique, doit demeurer une impression,

fugace et non pas immortelle

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john cage dans silence parle d'une musique belle comme du lait frais, parce que vivante,

il dit que la musique, comme la poésie, ne doit pas être arrêtée dans son flux par des moyens conservateurs,

ou que le bruit d'un camion est aussi beau qu'une école de musique ou beethoven

et antin, à des étudiants d'une école d'art, le memphis art institute :

" et donc je peux comprendre pourquoi vous voulez fabriquer quelque chose qui viendra se présenter encore et encore à l'expérience / une chose qui livrera à chaque rencontre et peut-être pendant longtemps / tout un ensemble d'expériences reliées peut-être riches et mystérieuses et nouvelles / et j'ai de la sympathie pour ce désir / mais d'une certaine manière ce désir en est venu à se confondre / comme vous le savez évidemment / avec l'idée de savoir combien de temps un objet pouvait bien durer / et l'on pourrait véritablement faire l'histoire de cette convoitise des objets qui pourraient durer à jamais / et ce n'est pas pour rien qu'un poète romain bavard a voulu se vanter que sa parole survivrait aux monuments de marbre et de bronze / et que bien des années plus tard william shakespeare / qui avait lu ce poète romain à l'école et écrivait de vifs petits quatorzains / a repris courage à l'idée que quelque seize cents années plus tard / au gré de bien des accidents d'éducation et de transmission / il lisait encore ce poète romain et il a été poussé à traduire cette grande fanfaronnade et à la répéter à propos d'un de ses propres poèmes"

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la parole n'est plus ce que l'on doit archiver, la parole n'a plus à traverser les âges

comme chez john cage elle devient un mandala que l'on efface

non pas que antin soit zen ou fluxus, mais parce qu'il y a, chez l'homme, d'autres façons de concevoir le temps

et que ces modes de conception du temps, même s'ils sont idiosyncrasiques, sont aussi respectables que les procédures énonciatives mises en place dans l'écriture dite classique

et, face à la parole dite Ecriture, à ce temps de l'écriture ou de la légende, antin avec un petit a, ou ?Antin, oppose une anecdote vécue qui représente sa mère âgée atteinte de la maladie d'alzheimer. face aux lauriers d'un shakespeare ou d'un genet, antin oppose le temps à jamais perdu, la mémoire qui s'effile et s'effiloche, les souvenirs perdus, l'amnésie de sa mère,

et ce qui aurait été pathétique dans la bouche d'un autre homme qu'Antin devient grandeur

oui, la vie n'a pas un seul temps, mais des temps

et chaque temps de l'homme a droit à la même dignité et aux mêmes honneurs

chaque homme est poète

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2 - La question de l'identité : le coût de la vie

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il n'y pas de mémoire + et de mémoire -, pas de temps + et de temps -

face à la mort, rien ne dure, tout a droit à une égale dignité

antin a fait son deuil du sentiment de perennité qui travaille encore probablement tel ou tel d'entre nous

égale dignité en tout et pour tout

pas d'idiosyncrasie + ou -

pas de singularité qui tienne, persiste au temps

pas d'idiot, ni de génie

antin parle donc en anecdote, à partir de ses anecdotes, selon contexte et selon public

cela sera ainsi, par exemple, un talk poem où il raconte sa décision de venir habiter à san diego, pour venir y enseigner, lors du départ à la retraite, d'un de ses amis, professeur à NY et critique de poésie.

il y a ici un don, une forme d'hospitalité poétique : ta vie va prendre un nouveau départ, tu as été professeur à New York et, maintenant, tu es en retraite. moi je viens de big apple, et j'ai choisi d'habiter san diego pour y enseigner.

et il va parler de son beau-père, un peintre et poète hongrois qui n'a jamais connu le succès, à cause de circonstances défavorables et de la tournure que prennent certains événements,

du pli des hommes.

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Ce qui remplace la page, c'est la circonstance, le contexte dans lequel le don poétique s'installe. Pour que ce don poétique ait lieu, il faut avoir, selon Antin, la connaissance des formes sociopoétiques que tel ou tel individu emploie et qui composent son récit.

or, chaque homme a un récit propre, selon lui ; ce récit forme la structure profonde de l'individualité de tel et tel.

il n'y a donc pas une seule ontologie, mais plusieurs

au fond, il y a autant d'ontologies qu'il y a d'hommes.

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le poéte est donc celui qui découvre le récit que chaque homme rencontré porte

c'est dans le talk poem le prix que le poète révèle sa méthode.

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a - l'homme est un livre ouvert : son moi s'enracine dans le récit, un nom comme clé de notre identité et une Mana, à savoir, comme dans la sociologie de la communication d'Erving Goffman, une façon de garder la face, de tenir sa face et celle des autres :

" en d'autres termes / nous avons tous un nom / nous connaissons nos noms et nous nous tenons derrière eux et répondons à l'appel de façon cohérente / nous nous faisons une idée de qui nous sommes et de ce qui nous constitue et de ce qui nous est étranger / et nous ne nous ferions pas cette idée si nous n'avions pas eu une série d'expériences qui nous ont convaincus que nous étions la personne qui a fait ci ou manqué de faire ça ou a voulu faire ci ou a eu peur de faire ça / et à bien y réfléchir / j'en ai conclu que la raison pour laquelle je me sers autant d'histoires est que je pense que le moi / quelle qu'en soit la définition / est entièrement produit par la collision entre le sentiment de l'identité et les enjeux du récit"

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b - l'homme structure le récit qui forme son moi à partir d'un point nodal

il n'y a donc pas seulement des rites d'interaction entre moi et autrui, mais des rites d'interaction de moi à moi. l'enjeu de ces rites est le fait de garder notre individualité intacte et préservée des accidents de la vie.

en ce sens, chaque homme a un point nodal qui est un seuil au delà duquel il ne peut aller, au risque de perdre son identité. ce point nodal est ce qui forme son style propre.

ainsi l'on peut lire dans un homme comme dans un livre, si l'on a cerné son point nodal, à savoir ce qu'il est capable de faire et ce qu'il n'est pas capable.

ce point nodal n'a pas été donné aux hommes dès l'abord, mais dépend de la vie et des accidents que chaque homme rencontre sur sa route. ces accidents forment la voûte sur lequel est bâtie sa personnalité, et telle voûte admet ou refuse un certain degré et/ou une certaine forme de transformation :

"le récit ... est une sorte de fonction psychique / qui fait partie intégrante de l'économie psychique humaine et constitue sans doute un trait universel de l'humanité /

en tout cas nous l'associons à ce qui est humain / et il implique une confrontation particulière et paradoxale

imaginez-vous confronté à l'éventualité d'une / transformation / pensez à un esprit doué de pensée à un sujet quelconque / à un être humain doué de sensibilité / même un être très élémentaire

à un moment donné cet être rencontre la possibilité la probabilité d'une transformation / peut-être est-ce un désastre peut-être est-ce merveilleux / mais en tout cas toute chose qui subit une transformation n'est plus la même / et il y a toujours la menace que tout être qui doit subir une transformation ne se conserve pas au cours d'un tel processus et qu'il cesse d'être sous l'impact de cette transformation"

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ici, david antin oppose la notion de récit à celle d'histoire.
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selon lui, une histoire présente une succession d'événements vécus par une personne, non pas un personnage, un être de papier, mais une personne, une vie.
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et, je sens que, à l'époque du storytelling et du spin-doctor, la pensée petite bourgeoise va lever ses boucliers : "restez-en à la fiction, à la littérature !" oui, la poésie bien confinée dans sa niche, en l'occurrence... cela lit, cela écrit bien gentimment dans sa niche.
passons.
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et l'histoire, par rapport au récit, est ce qui ne change pas radicalement une personne, ce qui fait qu'une personne demeure ce qu'elle est, tandis que le récit présente un accident qui change le moi.
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ainsi, prenons, oui, prenons la vie de henry miller, son arrivée à paris avec june, après new york. eh bien, la vie de henry miller ne change pas radicalement, henry miller demeure le même, jusqu'à 80 ans, malgré la folie qui l'a pris de devenir écrivain, coûte que coûte. la vie de henry miller, c'est du roman picaresque, henry miller, c'est un héros picaresque. rien ne change du moi profond de ce clochard céleste, il peut connaître les pires avanies, tomber dans le plus total désarroi, se retrouver pris dans un guépied, il s'en sort toujours, comme ulysse. l'exact inverse, l'antipode de miller, c'est italo svevo qui a une vie médiocre, ne réussit à rien, mais s'amuse de ce qu'il est.
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le récit, c'est le changement du point nodal, l'accident horrible ou le chemin de damas. c'est l'homme qui voit la mort en face, et cette mort le change. c'est l'avion de joseph beuys qui s'écrase en crimée, la maladie qui s'empare du jeune indigène et fera de lui un medicine man. oedipe constatant qu'il a tué son père et s'est marié avec sa mère est un autre récit. ou l'instant de ma mort de Blanchot, Blanchot racontant comment il a échappé à sa propre fusillade par les nazies à la fin de la guerre :
"Demeurait cependant, au moment où la fusillade n'était plus qu'en attente, le sentiment de légèreté que je ne saurais traduire : libéré de la vie ? l'infini qui s'ouvre ? Ni bonheur, ni malheur. Ni l'absence de crainte et peut-être déjà le pas au-delà. Je sais, j'imagine que ce sentiment inanalysable changea ce qui lui restait d'existence. Comme si la mort hors de lui ne pouvait désormais que se heurter à la mort en lui. "Je suis vivant. Non, tu es mort.""
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cela opère une transformation de la personne tout entière, cela peut opérer une certaine forme d'attaraxie dans la vie et l'écriture d'un homme, comme pour blanchot, mais cela peut aussi ne pas être vu, ne pas être aussi tragique que le "lecteur" voudrait : quelque chose, quelque événement s'est déroulé à un moment donné, un fait-divers absolument impubliable, même pour un journal de proximité, et cette chose, ou cause bien trop ténue pour être dite sans sourire, a provoqué une métamorphose.
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ainsi de candy, une collègue de travail de david antin. antin parle de candy, lors d'une performance qu'il a effectuée dans un institut de poésie à san fransisco, en 1973 ("Qu'est-ce que je fais ici ?", in Poèmes parlés, éd. Les cahiers des brisants, Clamecy : 1984). qu'est-ce qu'antin nous dit de candy ? quelle était sa vie ? qui était-elle ? quel travail effectuait-elle avec antin ? tout ce dont le poète nous informe est ceci : candy est une espèce de mère courage qui vit seule, sans mari, et elle est souvent obligée d'aller au commissariat de police à cause de ses enfants. candy parle quelque fois à antin de ses déceptions amoureuses au travail et antin l'écoute.
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certaines personnes, autour de nous, passent plus facilement aux aveux que d'autres. il leur semble que leur vie même se doit d'être transparente aux gens qui font partie de leur quotidien et témoignent d'une forme d'innocence dans les rapports humains, ou bien certains liens de sympathie se nouent entre voisins, entre connaissances et collègues, et certains faits et gestes, qui font partie de l'intime, sont dévoilés sans frein. donc, candy parle d'une de ses déceptions amoureuse à antin et antin ne comprend pas la raison pour laquelle candy lui dévoile une telle affaire : son dernier amant avait trois cerises tatouées sur sa queue, raison pour laquelle candy l'a chassée de son lit. -- pourquoi candy raconte-t-elle ceci ? se demande alors antin durant son talk poem. pourquoi ? l'histoire, telle qu'elle nous est donnée, paraît si sordide et, dans le même temps, si saugrenue qu'antin semble avoir honte de lui donner même le sens et la valeur d'histoire. comme si la vie nous jouait des tours et que le sort de chacun d'entre nous ne pouvait pas correspondre à ce qu'on attend généralement d'une histoire.
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le vraisemblable.
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la forme physique d'un homme ou la forme de sa vie ne correspond pas à nos attentes, le pli que prend une vie sort des sentiers battus à mesure qu'on s'en approche.
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l'on peut naturellement parler de l'expérience limite qu'a vécue blanchot à la fin de la seconde guerre mondiale, de son arrêt de mort qui est, dans le même temps, son arrêt de vie ; on peut faire l'exégèse de la tragédie blanchot, et l'on peut aussi faire celle de la tragédie candy. Mais, dans quelle case notre pensée occidentale mettra-t-elle la vie de candy, incapable de choisir un homme ayant "une tête sur les épaules" ? dans quelle case, la vie d'une femme incapable de choisir un homme qui ne soit pas, dans le même temps, un enfant ; un homme considérant que son sexe, comme sa libido, n'est pas seulement une "griotte" ?!
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selon antin, le pli, ou point nodal, qu'a vécu blanchot, lors de la fusillade et à laquelle il a échappé, est aussi tragique et aussi baroque, que le pli qui a fait que candy s'est reconnue en une histoire scabreuse, au point de vouloir, ou de devoir, raconter cette histoire à antin. pour le poète, l'exégèse que l'on peut apporter à l'expérience qu'a vécue blanchot n'est pas plus littéraire et philosophique, n'est pas plus digne d'intérêt que celle, qu'a vécue candy, n'est psychologique ou clinique. Chaque homme a une histoire qu'il a intériorisée et qui le révèle à lui-même et chaque histoire n'est pas plus noble, digne ou indigne qu'une autre. C'est la spécificité de telle ou telle histoire que le poète a à trouver, sa littérarité, son étrangeté-même : son moi.
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(à suivre)






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